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Billet de blog 29 mai 2017

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"Cest à ce prix que vous mangez"... de la viande et buvez du lait

Lorsque Voltaire publie Candide en 1759, c'est une plume subtile qui veut éveiller les consciences. Lorsque Candide et Cacambo découvrent le "nègre de Surinam", c'est un crime dont la qualification n'existe pas encore qui est esquissé. Et il en coulera encore du sang, des larmes, et de l'encre. Aujourd'hui, ce sont des images qui nous disent, et l'urgence, et le bonheur, d'une autre révolution...

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Contraint, cerné, condamné. L’animal le sait, comme il sait depuis toujours l’enfer qui est le sien. Une existence décrétée par l’homme, une fin aussi. Et l’image volée de l’abattoir de Mauléon, issue des insoutenables et indispensables alertes L 214, dit notre planète saignante. Du fait de l’homme, émergeant à quasiment 23 h 59, anéantissant les conditions de sa propre survie. Et de sa dignité.

Nul soleil, nulle prairie, nulle ombre légère. Mais un être sentient dans un entonnoir artificiel. Un adjectif assumé pour l’insémination, c’est tout. Puis la séparation d’avec le petit, artificielle comme la cession de son lait dont volumes et gains explosent du fait d’odieuses manipulations génétiques. Une mère épuisée, vidée de sa substance, âgée de 5 ans sur les 20 promis, au terme de 3 ou 4 naissances arrachées. Autant de viandes sur pattes à la mobilité entravée, dans des camions et parcs d’engraissement, en quête du moindre coût. Et sous des pluies d'insultes et autres coups.

Puis dalles en béton et barres d’acier soigneusement conçues et assemblées pour traquer celle dont on avait fait une nourrice pour l’homme… avant de la confier à l’inséminateur stagiaire puis de l’égorger, terrifiée, pendue, lait jaillissant encore des pis, l’ultime enfant extrait de ses entrailles puis jeté dans une benne immonde...

Quelle est donc cette civilisation qui élabore puis matérialise réclusion et extermination ? Qui est l’ingénieur face à l’écran ? Et l’ouvrier, serrant une dernière fois écrous et boulons ? Et voilà le noir dans lequel cet être tétanisé est acculé, cédé aux mains expertes, ou hasardeuses voire sadiques, du tueur, contractuellement bourreau, potentiellement victime. Et chacun prend sa part dans ce terrible cheminement allant de la sélection à l’assiette, de l’horreur aux arts de la table.

Alors, si le nègre de Surinam dit à Candide « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe », cette scène nous accuse, nous. Mais là, la distance est vaincue par l’image. Et sans poésie. Nulle excuse, donc. Pas même l’ombre épaisse. Douleurs.

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