J’ai essayé — à peu près en vain jusqu’à présent — d’attirer l’attention des historiens, de la LDH (Ligue des droits de l’homme) et des députés français sur l’occultation de la Révolution haïtienne. Même la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage semble participer à cette occultation.
J’ai reçu de Myriam Cottias, historienne et membre de cette fondation, la réponse assez encourageante suivante :
« Vos remarques soulignent combien il est important de traquer les représentations discriminantes et racistes et les contre-vérités. Un travail est en cours à ce sujet à la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage sur les manuels scolaires, entre autres. Vous pourriez joindre nadia.wainstain@fondationesclavage.org. »
De Nadia Wainstain, cependant, je n’ai reçu qu’une fin de non-recevoir.
J’ai exposé dans « 2021 et la Révolution française » le contexte général dans lequel se situe l’occultation de la Révolution haïtienne, une occultation dont Michel-Rolph Trouillot a fait le sujet d’un livre : Silencing the Past: Power and the Production of History.
Certains députés ont montré un certain intérêt, mais très momentané, pour le sujet :
L’un, Andy Kerbrat, m’a répondu ceci :
« Bonjour, Je souscrit à votre demande, néanmoins, siégeant en commission des lois, ma collègue Ségolène Amiot siégeant en commission éducation, est la mieux placée pour intervenir sur ce sujet. »
Madame Amiot m’avait auparavant fait répondre :
« Nous vous remercions grandement pour ce courriel et les recherches que vous faites concernant l’invisibilisation de l’Histoire haïtienne. Madame Amiot travaille avec des acteurs associatifs nantais (le cercle du marronage) sur ce sujet et a pu dès le début de son mandat participer à un colloque fait à Nantes sur cette thématique.
L’invisibilisation dans les cours d’Histoire de cette période est en effet problématique, il nous faut réfléchir collectivement à des solutions.
Nous vous invitons à prendre contact avec le ou la député•e président•e du groupe d’amitié France Haïti afin d’échanger sur ce sujet. »
Madame Graziella Melchior m’avait fait la même invitation :
« Je reconnais que toute forme d'esclavage et de racisme est à bannir. Je vous invite à vous rapprocher du groupe d'amitié France Haïti dont je vous transmets les coordonnées du Président afin d'approfondir le sujet : Frantz.Gumbs@assemblee-nationale.fr »
Le groupe d'amitié France-Haïti est cependant quelque peu fantomatique, et c’est avec difficulté que j’ai reçu la réponse suivante :
« Je vous remercie pour votre message concernant la situation en Haïti et sa place méconnu dans l'histoire de la révolution française. Je comprends votre inquiétude quant au manque de retour de notre part. Cependant, je tiens à vous informer que le groupe d'amitié France-Haïti ne s'est pas encore réuni pour évoquer la situation. Je vous assure que M. Coulomme est s'intéresse grandement à cette période historique et aux enjeux liés à la mémoire et l'invisibilisation des outre-mer. »
On peut supposer qu’il existe un tel groupe « d'amitié France-Haïti » depuis longtemps, et on ne sache pas qu’il ait jamais rien fait, ou rien fait d’efficace, pour changer les choses.
Comme l’occultation de l’histoire de l’esclavage est, outre un problème d’occultation de la vérité historique, un problème de « représentations discriminantes et racistes », pour reprendre les termes de Myriam Cottias, il concerne très directement les défenseurs des droits de l’homme, et donc la LDH. Mais celle-ci en a décidé autrement.
A mes tentatives de sensibilisation, et alors que j’étais inscrit au gt discriminations, je me suis vu répondre :
« Re-bonjour, Je fis « re » parce que je vous ai déjà répondu. Si vous souhaitez travailler dur ce sujet en tant qu’historien ou essayiste, je vous y encourage vivement. Et si vous souhaitez organiser un débat sur le sujet comme je vous l’ai déjà dit le mieux est de travailler avec les historiens de la Ligue. Au delà de cet aspect que souhaitez vous ? Que la LDH en 2023 prenne position sur la révolution française ? Qu’elle s’exprime sur l’enseignement de l’histoire ? Pourquoi seulement sur ce sujet là alors ? En tous les cas je ne comprends pas ce que vous voulez et actuellement ce n’est pas au programme du groupe de travail d’aborder l’enseignement de l’histoire. Ça demanderait un énorme boulot pour produire quelque chose de sérieux. Cependant rien ne nous empêche de proposer qu’on fasse ce travail mais on ne saurait je faire sans universitaires pour nous aider. Et cette année on n’a pas le temps. Bien à vous » (Fabienne Messica).
Et :
« C groupe de travail n’est pas une liste de débats sur l’esclavage, le colonialisme et la révolution française. Concernant la loi Gayssot, elle concerne le négationnisme et non le révisionnisme historique qui n’est pas la négation de l’histoire ni en français ni en anglais. Notre groupe de travail ne met jamais en concurrence les victimes du racisme ni les racismes ni les antiracismes. Vous nous harcelez c’est un fait et de plus vous ne respectez pas nos principes éthiques. Nous n’allons pas pouvoir travailler ensemble. Bien à vous. Fabienne Messica. »
Et :
« Cher Monsieur, Vos centres d'intérêt ne correspondant pas au programme actuel du GT, nous nous trouvons donc dans l'obligation de vous désinscrire du groupe et de la liste. Il nous semble qu'il faudrait que vous preniez contact avec un centre de recherches historiques qui conviendrait mieux à vos connaissances et votre intérêt pour le sujet qui vous passionne. Cordialement. Nadia Doghramadjian »
Certains députés avaient au moins reconnu que « l’invisibilisation de l’Histoire haïtienne », pour reprendre les termes de madame Amiot, était un réel problème et qu’il fallait l’aborder. La LDH, pour sa part, par les voix de mesdames Messica et Doghramadjian, en a décidé autrement, participant donc activement à cette invisibilisation.