Hoel - (avatar)

Hoel -

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 mai 2017

Hoel - (avatar)

Hoel -

Abonné·e de Mediapart

À L’EMSAV : METTRE FIN AU GÉNOCIDE CULTUREL

La question bretonne, avant d'être une question politique au sens étroit du terme, est une question de droit, et donc de justice. Et puisque notre existence même est niée, c'est avant tout une question existentielle.

Hoel - (avatar)

Hoel -

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lien vers « Ma lettre à votre futur Président »

« ÊTES-VOUS BRETONS ? »

Le 9 janvier 1790, le ci-devant comte de Mirabeau prononçait cette phrase : « Êtes-vous Bretons ? Les Français commandent. » Il réagissait au discours d’un magistrat breton, La Houssaye (magistrat de la chambre des vacations de Rennes), discours prononcé la veille et qui était une réaction à la nuit du 4 août 1789. Voici un extrait :

« Tous les avocats de Rennes, dont plusieurs siègent dans cette Assemblée, disaient alors au Roi : Vous ne laisserez pas subsister des projets qui, quand ils n'offriraient que des avantages, ne pourraient être exécutés sans le consentement des États ; nos franchises sont des droits, et non pas des privilèges, comme on a persuadé à Votre Majesté de les nommer, pour la rendre moins scrupuleuse à les enfreindre. LES CORPS ONT DES PRIVILÈGES, LES NATIONS ONT DES DROITS.

Pour autoriser le parlement de Rennes à enregistrer, sans le consentement des États de la province, les lois qui sanctionnent vos décrets, il faudrait, Messieurs, qu'elle ait renoncé à ses franchises et libertés, et vous savez que, dans les assemblées qui ont précédé la vôtre, tous les suffrages se sont réunis pour le maintien de ces droits inviolables, que nos pères ont défendus, et que nous avons nous-mêmes réclamés avec un zèle si persévérant.

…comptables à nos citoyens du dépôt de leurs droits, franchises et libertés, nous n'avons pas dû les sacrifier à des considérations pusillanimes.

De vrais magistrats ne sont accessibles qu'à une crainte, celle de trahir leur devoir… »

La Constitution française du 3 septembre 1791 dit ceci (Titre 3, Article 1) : « La souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice. »

« Les corps ont des privilèges, les nations ont des droits. »

La souveraineté de la nation bretonne appartient à la nation bretonne. Elle est « inaliénable et imprescriptible »

« LES FRANÇAIS COMMANDENT. »

L’orateur grec Démosthène a écrit dans Sur la liberté des Rhodiens :

„Ὁρῶ γὰρ ἅπαντας πρὸς τὴν παροῦσαν δύναμιν τῶν δικαίων ἀξιουμένους.“

« J’observe en effet que tous <les êtres humains> obtiennent le <respect> de leurs droits en proportion de la force dont ils disposent. »

Nous sommes privés de nos droits parce que nous sommes faibles. Mais peut-être sommes nous aussi lâches. Les Français ont instauré leur domination sur nous, et nous n’osons pas nous en défaire. Nous ne voulons même pas nous avouer que cette domination existe. Nous obéissons. Les Français ont décidé que c’est eux qui commandaient, et nous, nous obéissons !

« LIBERTÉ TOTALE »

« Les uns qui se cacheront, par l'esprit de sérieux ou par des excuses déterministes, leur liberté totale, je les appellerai lâches ; les autres qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors qu'elle est la contingence même de l'apparition de l'homme sur la terre, je les appellerai salauds ».

J.-P. Sartre

LE GÉNOCIDE CULTUREL

Le génocide culturel en Bretagne est une réalité, une réalité même des plus évidentes, et pourtant il n’y a à peu près personne pour le dénoncer.

On sait que c’est une habitude française de nier la réalité ou d’en donner une vision déformée. On a pu entendre récemment une chose inédite et inattendue, que le colonialisme était un « crime contre l’humanité ». Et il y a seulement 5 ans, les socialistes rendaient hommage à Jules Ferry, ce Jules Ferry qui en juillet 1885 prononçait à la chambre des députés un discours dont voici un extrait :

« Le parti républicain a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui des nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine ; qu’il faut autre chose à la France : qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre ; qu’elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient, qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie. »

« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-a-vis des races inférieures... »

Jules Ferry, un raciste, suprématiste et colonialiste français, et donc un « criminel contre l’humanité », n’en est pas moins un héros socialiste, voire un héros français. La France ne lui doit-elle pas une grande partie de sa « grandeur » ?

« Telle est donc la condition humaine que souhaiter la grandeur de son pays, c’est souhaiter du mal à ses voisins. Celui qui voudrait que sa patrie ne fût jamais ni plus grande, ni plus petite, ni plus riche, ni plus pauvre, serait le citoyen de l’univers. »

Voltaire - Patrie (Dictionnaire Philosophique)

La « grandeur » française est l’œuvre de grands criminels : Louis XI, Louis XIV, Robespierre, Napoléon, Jules Ferry, pour n’en nommer que les plus connus. Aujourd’hui continue de trôner au milieu de Paris un Arc de Triomphe, monument napoléonien à la gloire de la domination française sur les peuples vaincus. Et cela ne gêne personne.

La « grandeur » française s’est fondée, après la destruction des institutions politiques des vaincus, sur leur destruction culturelle et linguistique, c’est-à-dire sur des génocides culturels.

Le génocide culturel est une réalité, et c’est un crime. Il doit être dénoncé. Ne pas le faire, c’est en être le complice. Ceux qui en sont les perpétrateurs ne vont évidemment pas l’avouer d’eux-mêmes, spontanément, comme par enchantement, sous le coup soudain et tardif du remord. Leur intérêt est de le mener à terme.

AFFIRMER NOTRE IDENTITÉ, NOS DROITS, NOTRE SOUVERAINETÉ.

Nous sommes sous la domination française, et nous n’osons rien dire, ou si peu. L’Etat français nie notre identité, nie nos droits, nie notre souveraineté, et nous osons à peine ouvrir le bouche pour le dénoncer. Nous sommes atteints de la « servilité volontaire » dont parlait La Boétie. Nous attendons que l’Etat français veuille bien nous rendre ce qu’il nous a volé, mais il ne le fera évidemment pas de lui-même. Nous n’obtiendrons nos droits qu’autant que nous serons forts, qu’autant que nous saurons les imposer.

L’histoire officielle dit que la « grande » révolution française est la réalisation des idées des philosophes du XVIIIe siècle — le « siècle des Lumières » —, qu’elle serait donc pour ainsi dire une révolution philosophique, et c’est ce qu’on enseigne dans les collèges, les lycées et les universités. N’a-t-on pas mis Voltaire et Rousseau au panthéon ?

« Souvent, en pensant aux écrivains les plus illustres qui ont éclairé la France, dont ils ont fait la gloire, je me suis consolé de la persécution que j'éprouve, par l'idée, bien propre à m'enorgueillir de mes malheurs, que s'ils avaient été mes contemporains, ils auraient éprouvé le même sort. Comme nous, s'ils n'eussent pas émigré sur quelque terre hospitalière où la vertu jouit en paix d'une honnête liberté, Montesquieu, J. J. Rousseau, Mably, eussent été condamnés à mort ; ils eussent péri tous sur l'échafaud, aux grands applaudissements de la populace de Paris ; et bientôt toute la France hébétée n'eût pas manqué de répéter que Montesquieu, J. J. Rousseau, Mably, étaient des contre-révolutionnaires, des agents des puissances étrangères, des fédéralistes, des royalistes, des traîtres. »

Buzot

Récemment, Yvan Droumaguet, agrégé de philosophie, écrivait dans le très français quotidien Ouest-France : « On oublie trop souvent que la culture française s'est affirmée comme celle des Humanités et des Lumières. »

Et de faire l’éloge de la politique d’assimilation ! : « Ne serait-ce pas le renoncement à la politique d'assimilation qui a longtemps permis à la république française de maintenir son unité tout en s'enrichissant de sa diversité ? L'assimilation se fait par l'acquisition d'une langue, d'une culture, d'une histoire, ce qui explique le lien essentiel dans la nation française de l'école et de la République. »

La « politique d’assimilation », qui se fait effectivement par l’imposition « d'une langue, d'une culture, d'une histoire » (« porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie », disait Ferry) — et par l’éradication des langues, des cultures, des histoires des vaincus (ce qu’omet évidemment de préciser Droumaguet) —, n’enrichit la république d’aucune « diversité » puisqu’elle est précisément une politique de destruction de la diversité, d’effacement de l’autre, d’anéantissement du vaincu (« anéantir les patois », Grégoire). C’est une politique antihumaniste qui n’a aucun fondement philosophique et qui viole les droits fondamentaux de l’être humain. Elle ne peut se réclamer ni de Voltaire, ni de Rousseau. Elle n’est que l’imposition du suprématisme français et de la domination française.

Rousseau, citoyen de Genève, prônait l’autonomie, l’indépendance, et le fédéralisme. Il a écrit un Projet de constitution pour la Corse.

« Dans quelque vue que la nation corse veuille se policer, la première chose qu’elle doit faire est de se donner par elle-même toute la consistance qu’elle peut avoir. Quiconque dépend d’autrui, et n’a pas les ressources en lui-même, ne saurait être libre. Les alliances, les traités, la foi des hommes, tout cela peut lier le faible au fort, et ne lie jamais le fort au faible.

Ainsi, laissez les négociations aux puissances, et ne comptez que sur vous. Braves Corses, qui sait mieux que vous tout ce qu’on peut tirer de soi-même ? »

N’est-ce pas ce que nous-mêmes, braves Bretons que nous sommes, osons parfois dire timidement, du bout des lèvres : « qui sait mieux que nous tout ce qu’on peut tirer de nous-mêmes » ?

Mais au final, nous continuons à nous comporter comme ces « sauvages d’Europe » que moquait Voltaire :

« Les prétendus sauvages d’Amérique sont des souverains qui reçoivent des ambassadeurs de nos colonies transplantées auprès de leur territoire, par l’avarice et par la légèreté. Ils connaissent l’honneur, dont jamais nos sauvages d’Europe n’ont entendu parler. Ils ont une patrie, ils l’aiment, ils la défendent ; ils font des traités ; ils se battent avec courage, et parlent souvent avec une énergie héroïque. Y a-t-il une plus belle réponse, dans les Grands Hommes de Plutarque, que celle de ce chef de Canadiens à qui une nation européenne proposait de lui céder son patrimoine ? « Nous sommes nés sur cette terre, nos pères y sont ensevelis ; dirons-nous aux ossements de nos pères : Levez-vous, et venez avec nous dans une terre étrangère ? »

Voltaire - Essai sur les mœurs et l'esprit des nations

Nous ne sommes plus à la hauteur des prétendus sauvages d’Amérique. Nous ne sommes plus souverains, nous ne recevons plus d’ambassadeurs, nous ne connaissons plus l’honneur, nous ne défendons plus notre patrie, nous ne faisons plus de traités, nous ne nous battons plus avec courage, nous ne parlons plus avec une énergie héroïque.

Il ne tient pourtant qu’à nous de redevenir souverains et d’être à nouveau héroïques.

Nous croyons les Français forts, mais ils sont faibles.

« Il n'y a pas ici un mot qui ne soit d'une exactitude rigoureuse : aussi cette théorie du mensonge, cette consécration de la calomnie se trouvera-t-elle parmi les phénomènes de la Révolution. On ne peut avoir oublié les harangues de Danton et consorts sur la calomnie permise contre les ennemis de la liberté ; et l'on sait que ce nom d'ennemis de la liberté, comme toutes les autres dénominations révolutionnaires, aristocrates, royalistes, chouans, etc., a toujours signifié et signifie encore dans la bouche de l'exécrable faction : tous ceux qui ne sont pas ses complices ou ses esclaves. Cette définition, appliquée aux faits, trouverait très-peu d'exeptions. Voilà d'abord le principe. L'habitude est tellement connue, tellement avouée, qu'il serait superflu et même ridicule de vouloir la prouver : elle l'est au point que, si par hasard il y a quelques exceptions, l'histoire les citera comme des traits extraordinaires, comme une espèce de prodige. Il est de fait que tout ce qui s'appelle jacobin, montagnard, patriote, etc., est occupé chaque jour à composer les mensonges du lendemain. Quant au devoir, le mensonge en est un pour eux, au point que s'il arrivait qu'un d'entre eux montrât le plus petit scrupule à cet égard, il serait traité comme un apostat, un transfuge, en un mot comme un honnête homme. […]

Au reste, prenez garde que ce systême est chez eux conséquent et nécessaire. Des hommes que toute vérité accuse et condamne, n'ont d'autre arme, pour se défendre et pour attaquer (par la parole), que le mensonge. Donc ils mentiront tant qu'ils seront à portée de mentir impunément. Dès qu'ils ne le pourront plus, ils seront sans ressource. »

La Harpe - Du fanatisme dans la langue révolutionnaire (1797)

« Il est de fait que tout ce qui s'appelle jacobin, montagnard, patriote, etc., est occupé chaque jour à composer les mensonges du lendemain. »

« …ils mentiront tant qu'ils seront à portée de mentir impunément. Dès qu'ils ne le pourront plus, ils seront sans ressource. »

« Philosophe, amateur de la sagesse, c’est-à-dire de la vérité. »

Voltaire

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.