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Billet de blog 25 avril 2022

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Un Directeur de maternelle, lanceur d'alertes, en grève de la faim - 6

6e message adressé sur l'interface de l'Elysée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Monsieur le Président de la République,

5ème semaine de grève de la faim.

Cinq messages adressés à vos services sur l’interface de l’Élysée.

Tous restés lettres mortes malgré les promesses de la Charte Marianne.

Un vieil adage assure qu’ « Une petite goutte d’eau finit toujours par fendre la pierre, non par la force mais par sa constance.»

J’en suis intimement persuadé.

C’est pourquoi je poursuivrai ma correspondance sur un rythme hebdomadaire jusqu’aux élections législatives au mois de juin prochain.

J’y tiens beaucoup, d’autant  que le champ de mon lectorat vient récemment de s’enrichir du Cabinet de Monsieur Mélenchon.

J’ai attentivement suivi le débat que vous avez mené hier et avec quel panache ! Face à Madame Lepen.

Je ne m’attarderai pas sur certains sujets à l’écho incertain dans une cour de récréation, la polémique autour du port du voile ou le conflit russo-ukrainien faisant sans doute autant résonance auprès d’un public de maternelle que l’évolution des cours de la Bourse au sein d’une meute de Gnous.

Non, voyez-vous, dans une école, il n’y a pas d’étrangers, pas d’Hindous ni de Shintoïstes, pas de schtroumpfs ni de Touaregs.

Dans une école, Monsieur le Président de la République, il n’y a que des enfants.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous aurez évoqué ce sujet fondamental avec une certaine émotion.

Au point de leurs consacrer les dernières secondes de votre intervention.

Les plus précieuses sans doute, celles destinées à convaincre les Français de vous renouveler leur confiance dans les urnes le week-end prochain :

  « Je promets d’investir sur l’école si je suis réélu. … je veux faire de la protection de l’enfance, le cœur du prochain quinquennat et je veux continuer à leur bâtir un monde meilleur…».

Vos mots Monsieur le Président.

Au terme près. 

Vous trouverez, à suivre, un plaidoyer pour les générations futures adressé à Monsieur Blanquer le 1er novembre dernier qui affiche, sans équivoque, une ambition identique.

 À toute fin utile,  je vous invite vivement à confronter ce parcours de plus de 20 années d’expérience en collège, en école élémentaire puis en maternelle aux conseils des Cabinets qui vous entourent, une expérience dont aucun de leurs membres, c’est à craindre, ne puisse se prévaloir.

Un panel de propositions offertes, pour le coup, à titre gracieux au Service Public.

« Monsieur le Ministre de l'Éducation nationale, 

 J’ignore si ma démarche s’inscrit dans le cadre de la Charte Marianne mais un fait demeure, les nombreux mails adressés à votre Ministère depuis le mois de septembre dernier sont restés lettre morte ;

En conséquence, je m’affranchirai désormais d’une prose administrative, au demeurant pesante et inutile, pour une autre littérature, davantage en rapport avec mon parcours d’ancien reporter. 

Ai-je été un bon enseignant depuis que j’ai intégré mes fonctions, suffisamment patient, pédagogue  ?

Certes non ! Pas de suite tout au moins.

Le nombre de maladresses que l’on commet tout au long d’une carrière reste confondant et sans doute grandit-on un peu chaque année grâce au concours de nos élèves.

Ma première leçon ? Je l’ai reçue le jour où j’ai crié après une élève de 7 ans.

Elle s’est aussitôt effondrée en larmes. Quoi d’autre ?

J’ai alors pris ses deux mains dans les miennes, lui est demandé pardon et mon visage placé en face du sien, je lui ai confié : « Comme tous les élèves de la classe, je t’aime très fort et n’ai aucun soucis avec toi.

Par contre, j’ai un problème avec ce que tu as fait et je ne peux l’accepter.

C’est pour ça que je me suis fâché. Veux-tu que l’on en discute maintenant ?». 

Je ne garde aucun souvenir de ce qui a bien pu me mettre en colère ce jour-là.

Mais en sortant de l’école, j’ai pris conscience, de façon aigüe, de l’ascendant considérable et parfaitement arbitraire dont pouvait disposer un enseignant vis à vis d’un élève.

Un pouvoir, discrétionnaire, celui de rabaisser, de blesser, gratuitement, durablement.

Ou celui d’aider à grandir, à devenir, à se réaliser.

« Élève… ». L’image d’une montgolfière s’est alors formée dans mon esprit, une corde suspendue sous la nacelle qui s’agitait et m’adressait un signe.

Je l’ai saisie.

J’avais choisi ma voie.

En 2009 est arrivé un petit garçon très spécial dans ma classe de CP.

Je garde un souvenir précis de son premier jour car il m’a confié très exactement ceci après avoir franchi la porte :

« Je ne veux pas mourir avant d’avoir appris à lire… ».

Des mots qui marquent, que l’on n’oublie pas.

En l’espace de quelques jours, sans que j’ai à intervenir d’une quelconque façon, l’ensemble des élèves de la classe faisaient bloc autour de ce frêle petit bonhomme et l’entouraient de doses massives de bienveillance et d’amour.

Étaient-ils conscients de la précarité de sa situation ? De son besoin vital de réconfort, de chaleur humaine ?

Très humblement, je n’en sais rien.

Aux vacances de la Toussaint, en 2009, fragilisé par un cancer généralisé, il nous a quitté, emporté par la grippe H1N1.

Il s’appelait Anis, il avait 6 ans. Mon premier maître.

Son sourire discret malgré la douleur lancinante qui rongeait tout son organisme, son courage tout d’abnégation qui forçait le respect et la démonstration magistrale d’altruisme à laquelle j’ai assisté de la part des autres enfants m’ont si profondément marqué qu’ils m’ont conduit à changer durablement ma posture d’enseignant et le regard porté à mon métier.

 Par la suite, je n’ai plus jamais usé de punition ou de sanctions à l’encontre d’un élève.

A aucun moment.

Et puis cette expérience qui m’échoit un jour en maternelle. Une ATSEM m’avertit de ne pas trop souvent m’agenouiller quand je m’adresse aux enfants, au risque de subir très vite la pose de rotules en céramique… 

Je ne me baissais pas, je m’élevais à leur hauteur.

Et ce que j’ai découvert sur les aptitudes des enfants ne cesse de me fasciner un peu plus chaque jour !

Jusqu’à environ 5/6 ans, mes élèves donnent tout ce qu’ils ont, entièrement, sans calcul ni attente d’un quelconque retour, pardonnent avec une déconcertante facilité, vivent intensément chaque moment de leur journée,  s’émeuvent de chaque petit détail du vivant, restent dans le lâcher-prise et ne jugent rien ni personne.

Avec une leçon magistrale à la clé ; si l’on peut volontiers dénoncer ou s’indigner d’un acte quelconque, juger un être ne fait plus sens.

Ainsi, un enfant de 3 ans qui arrive dans une classe de petite section au mois de septembre devient une autre personne à Noël. De même trois mois plus tard et encore en juillet lorsqu’il terminera son cycle dans une classe.

Une énergie identique anime bien tout son organisme mais la somme des connaissances et des apprentissages qu’il a acquis en une année auront durablement transformé sa personnalité.

Un climat affectif et sécurisant, placé sous le sceau de la bienveillance, lui apprendra patience, confiance et estime de soi en développant de surcroît et durablement son empathie naturelle.

Exposé aux humiliations et aux critiques, il ressentira de l’anxiété, se sentira coupable et apprendra à coup sûr l’échec, à condamner et à juger.

Prodigieuse plasticité du cerveau humain que l’on n’a plus le droit d’ignorer grâce aux découvertes récentes des neurosciences !

Ainsi, les élèves de 2 ans et demi à trois ans que j'ai tenté de protéger, Monsieur le Ministre, arrivent parmi nous environnés d'êtres masqués, stressés, angoissés, qui n'ont à leur offrir, à titre d’avenir, qu'une Planète dans un état écologique préoccupant, une biodiversité en grave danger d’extinction, des promesses de dérèglements climatiques alarmantes, l'ensemble lesté d'une dette abyssale…

En réponse à cet état de fait :

  • des pratiques illégales qui mettent en danger la vie des élèves de petite section de mon école ;
  • le respect, fondamental, de la sécurité et du bien-être des enfants, leurs besoins physiologiques élémentaires régulièrement bafoués ;
  • des familles intimidées, menacées par un appel anonyme, brutalement déplacées de leur école de rattachement sans motif une veille de rentrée ;
  • 40 gamins renvoyés à domicile en raison d’un cas de Covid à cause de dortoirs surchargés;
  • des tout petits auxquels on inflige gratuitement stress, angoisse et larmes en changeant de maîtresse chaque jour d’une semaine de rentrée ;
  • une école privée, sans motif et pour une durée indéterminée, de toutes les activités organisée par une APE pourtant au service exclusif des élèves ;

Dois-je poursuivre ?

Crise brutale, instabilité, provoquées de façon délibérée avec une rare violence à une communauté éducative de 180 familles qui fonctionnait par ailleurs avec harmonie, sans histoire, malgré la situation de crise sanitaire pour…

… pouvoir discrètement fermer une classe dans une école voisine, la surcharger à son tour en effectifs et économiser ainsi deux postes de fonctionnaires ?

C’est bien de cela qu’il s’agit ?

Dans l’énoncé qui vient de suivre, Monsieur le Ministre, y-a-t-il un instant où auront fait l’objet d’une quelconque priorité l’intérêt supérieur de l’enfant ? La défense du Service public, le respect des familles ? Les notion d’empathie, de bienveillance, pourtant inscrites en lettres d’or dans les programmes de maternelle de 2015 ?

Un instant seulement ?

D’abord obscène et déplacée, la mesure est avant tout morbide… !

Une société incapable de protéger sa descendance ou qui lui inflige violence et traumatismes dans un climat de malveillance décomplexée signale les premiers symptômes d’une civilisation en net déclin.

Quand le sage montre les étoiles, l’idiot regarde le doigt… 

Alors que la France est le seul pays au monde à disposer d’enseignants en maternelle, où l’école est désormais obligatoire dès l’âge de 3 ans, notre système scolaire reste l’un des moins performants et efficaces parmi les pays de l’OCDE (23ème sur une 34 pays au dernier classement PISA, publié en 2019).

La campagne présidentielle s’annonce et le thème de l’éducation va très vite s’inviter au cœur des débats avec des politiques qui disserteront bien à leur aise d’un sujet dont ils ignorent tout.

Qui pourrait sérieusement se prévaloir, avec quelle légitimité d’ailleurs, de représenter à coup sûr la cause des élèves sans jamais passer une seule journée avec eux ?

Surgiront à nouveau au cœur des débats, comme une perpétuelle litanie, la question de la violence à l’école, du rétablissement, vital, de l’autorité professorale, pourquoi pas, d’un nécessaire retour aux « leçons de choses ».

Cristalliser toute l’attention sur les conséquences en place de s’attacher à remédier aux causes profondes ?

L’idiot… le doigt…

Des solutions simples et peu onéreuses existent pourtant.

En place de stages inutiles et infantilisants, des formations ténues aux neurosciences affectives et sociales sont à dispenser en urgence à tous les enseignants, à ceux, particulièrement, en contact avec la petite enfance mais par-dessus tout, à tous les hauts fonctionnaires de l’Éducation nationale, régulièrement absents du « terrain », afin de leur faire appréhender l’impact direct de leurs décisions sur l’environnement affectif des enfants.

Un accent particulier serait placé avec grand profit sur la prévention par l’intervention, directement dans les écoles :

  • de pédopsychiatres pour former le personnel éducatif à l’apprentissage au respect du corps, à celui de la notion de consentement ;
  • de kinésie-thérapeutes pour transmettre les bonnes postures aux élèves dès le plus jeune âge ;
  • d’orthophonistes pour la prévention de la plupart des troubles en « dys »,

Dans le même temps, des élèves issus d’écoles spécialisées en horticulture ou en paysagisme pourraient contribuer, sous forme d’interventions ponctuelles ou de stages, au développement et à l’entretien d’espaces verts et de carrés potagers directement au sein d’établissements scolaires. Le partage de passions est terriblement contagieux et chaque école, voire, chaque collège ou lycée de France devrait désormais disposer d’un jardin.

Voyez-vous ? Les idées ne manquent pas. À cet effet, associer étroitement les parents à la bonne marche d’une communauté éducative, ainsi que nous l’avons fait ces 7 dernières années à l’école maternelle Jean Mermoz, dans un climat de respect mutuel entre tous les intervenants, constitue sans doute une piste à privilégier.

Ils s’appellent Sacha, Mila, Ruben, Yasmine, Pierre, Arthur, Romy, Sophia, Sohan, Maxima, Aaron, Lou, Yana et beaucoup d’autres encore.

Ils m’ont enseigné, sans y prendre garde, une ligne de vie fondamentale autour d’une idée simple :

Tout ce qui n’est pas donné, transmis, partagé est… perdu !

Les sages… les étoiles… !

D’autres pays montrent la voie, la Finlande, bien sûr, encore, toujours et plus récemment l’Allemagne qui s’est lancée depuis une vingtaine d’années dans une courageuse mais nécessaire réforme de tout son système scolaire.

Sans doute la France arrive-t-elle à un moment essentiel de son histoire pour initier à son tour une véritable révolution de son système éducatif à l’aune des découvertes des neurosciences et ce, dès la maternelle ? » 

La prise en compte de l’urgence climatique qui ferait l’impasse sur une telle priorité, au lieu d'en faire une cause nationale, reviendrait à placer notre pays en situation de non-assistance à générations en danger !

Bien sincèrement et respectueusement ».

Dans la crise traversée par l’école maternelle Jean Mermoz depuis la rentrée, l’Inspection Académique des Bouches-du-Rhône et le Rectorat ont usé de la Convention internationale des droits de l’enfant comme d’un paillasson !

Le Ministère de l’Éducation nationale en a été averti par plusieurs dizaines de courriers de parents d’élèves, tous restés sans réponse.

Comptez-vous remédier à cet état de fait ?

Dans quels délais et par quelles mesures ?

L’histoire, j’insiste, retiendra que vous aurez été convenablement et régulièrement informé de pratiques dégradantes et déplacées, infligées aux 180 familles d’une petite école maternelle dont l’aura rayonnait auparavant au-delà de la ville de Marseille.

L’ensemble des messages laissés depuis plus d’un mois maintenant sur l’interface de l’Élysée entrent dans le cadre du statut de lanceur d’alertes que j’ai invoqué dès le début de cette crise, qui a pris effet le 2 juillet 2021, n’a à aucun moment été respecté par l’administration de mon ministère de tutelle et dont je vous demande de bien vouloir reconnaître la légitimité.

Bien respectueusement,                                

Pierre Massi

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