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Billet de blog 24 avril 2017

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Présidentielles: Pourquoi le tournant de la France n'a pas eu lieu ce soir

Ce soir un évènement historique a-t-il eu lieu? Le possible Macron Président est promu par son envie de changement et d'alternance : mais, la partie n'est pas finie. Si l'élection aura raison de lui, le "boom" politique ne connaitra que deux soirées, pas plus.

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Illustration 1
Macron/Le Pen les deux candidats qualifiés au second tour de l'élection présidentielle © Le Figaro

20h00 - L'heure du constat est-là: l'annonce des résultats de ce premier tour nous renseigne sur l'état politique de la France. En premier abord, le premier symptôme décelé est celui de la fin du bipartisme socialiste-républicain par la refonte de l'échiquier politique. Un système qui semble prendre fin à cause de la qualification au second tour d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen selon nombres d'analystes.

Egalement comme constat, une tentative de "renouveau politique" qui devient un véritable échec: celle des primaires. Doit-on d'ailleurs en parler au passé? Le PS, EELV, et LR ont échoué en instaurant ces primaires certes démocratiques mais les sanctionnant en provoquant leur absence au second tour. Le PS/LR perdent la moitié de leur terrain de ce fait: fut un temps à 60% des électeurs au premier tour 2012, 100% des électeurs au second, aujourd'hui en 2017 ils sont réduits à 25% et la bulle pour le deuxième round.

Puis, la montée de mouvements radicaux confirmée autour de la "France Insoumise" portée par Jean-Luc Mélenchon tel "Podemos" en Espagne. Mais les 19% de "l'ancien communiste" marque aussi une vague eurosceptique: en somme, plus de 49% de voix cumulés pour les candidats eurosceptiques.

Enfin, des résultats découses. Décousues par les 6% du PS d'Hamon réduit au néant, à se demander s'il dépassera le seuil des 5% nécessaire pour obtenir le remboursement des frais campagne. Et puis "le manque d'enthousiasme" est l'une des principales réactions ressorties à la sortie des urnes. Une situation ressentie dans l'annonce des résultats. Pour rappel, en 2012, Hollande et Sarkozy se démarquaient de plus de dix points du troisième candidat. De plus, leur résultat respectif était de  30% et 28% soit à eux deux quasi 60% de l'électorat acquis à leur cause dès le premier scrutin. Aujourd'hui, Macron et Le Pen ne sont plus qu'à deux points de distance du troisième, et ne rassemble à eux deux que 45% soit même pas la moitié des électeurs convaincu. 

Pour conclure ce constat, nous pouvons projeter la victoire de Macron et la défaite de Le Pen. Les anti-FN gagneraient-ils du terrain sur Marine?

La déperdition est donc présente, l'érosion s'est faite par le remodelage de l'échiquier politique voulue par un ras-le-bol politique, un manque de confiance accrue envers la politique mais aussi les institutions (européennes et internationales notamment), des situations financières compliquées, et la montée du terrorisme islamiste.

Malgré cela, doit-on le généraliser ce constat dressé? Non, en rien la France vient de connaitre un tournant malgré les observations faites ce soir. 

Non, le bipartisme LR/PS n'est pas mort

Aujourd'hui, "Les éléphants" de la politique française chutent. Mais demain, ils seront plus forts. Il ne faut pas en douter puisque "En Marche !" repose sur un système égocentrique d'un surhomme qu'est Macron. Une vanité telle que les initiales du mouvement "En Marche !" sont les mêmes que celle de son fondateur et cher candidat Emmanuel Macron: EM. Or l'élection la plus importante en France est bien l'élection législative qui mise sur une unité de personnes, sur plus de 577 candidats dans chaque parti et non un candidat unique. 

Dans deux semaines nous élirons donc notre monarque républicain, notre seul élu, avec lequel nous allons signé un CDD de 5 ans (non-renouvelable si possible). Entre Présidentielles et Législatives, la donne risque d'être différente parce que le mode de scrutin est différent pour les législatives: axé sur l'aspect territoriale et non nationale, possibilité de triangulaire donc un FN présent de nouveau au second tour laissant peu de manœuvre à EM! avantagé, mais aussi au bout de la course par le fait que nous n'ayons pas un seul candidat élu mais bien 577.

Notre futur monarque sans l'appui du pouvoir législatif verra ses fonctions réduites à de la com': celle de ne faire uniquement de la présence sans pouvoir réel. On passerait donc à la benne toutes les belles phrases de Macron et son programme. Même sans l'élection de Fillon, va-t-on quand même vers l'application de son programme par la victoire des "Républicains" aux législatives? Il faut en croire.

LR sont crédités dans les sondages d'une fourche de 260 à 340 députés obtenant tout d'abord la majorité de voix et potentiellement la majorité absolue leur permettant d'avoir plus de 50% du poids à l'Assemblée. Ce qui en clair revient à dire que LR n'aurait besoin de faire aucune alliance politique pour gouverner la France même sous une Présidence Macron.

Quant au PS, il a au moins le mérite d'avoir résisté aux régionales en maintenant la Bretagne, la Nouvelle Aquitaine, l'Occitanie, la Région Centre-Val-de-Loire et la Bourgogne-Franche-Comté sous la couleur rose longtemps annoncée comme battue par la vague Bleue Marine et LR. Cette résistance nous informe sur la force territoriale encore présente du PS. Ce n'est pas pour rien que le PS peut encore rafler 180 à 220 sièges de l'Assemblée Nationale selon les sondages. Par ce score les socialistes maintiendraient les deux-tiers de ses 300 actuels sièges à une heure où leurs résultats "présidentiels" ont été divisé par cinq.

Le PS a encore un poids politique

Illustration 2
Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire général du PS

Pour ne parler que de ces élections législatives, le PS compte bien profiter de sa position de leader législatif pour négocier un pacte avec "En Marche !". Après tout, le PS, annoncé ruiné et en baisse, met une tutelle à Emmanuel Macron pour conforter en douceur sa possible présidence et un possible Gouvernement Socialiste. Le PS a signé un coup-de-maitre en formant l'alliance avec EELV qui devient leur bouc-émissaire, le bon charbon à envoyer au feu.

Ce deal signé entre écologistes et PS vaut une non-concurrence électorale entre les deux partis. Il est le suivant, et presque assumé: Cambadélis (PS) se charge de conforter les nombreuses circonscriptions socialistes afin de maintenir sa majorité, et se charge au passage de catapulter aux circonscriptions "moins sures" des candidats écologistes dans l'espoir que des députés Macronistes soient élus. En effet, par leur absence dans des circonscriptions, en envoyant sous l'étiquette moindre EELV un pseudo-mandataire, ils installent une absence plus importante de la gauche offrant plus de chance à "En Marche" d'obtenir des voix. "EM!", qui a une sensibilité de gauche-centriste, et qui devrait signer ce pacte officieusement.

Et ce, en formant la coalition "En Marche !", "MoDEM" qui soutient Macron, et le PS, ils pourraient potentiellement s'installer comme un poids majeur législatif voire de rafler la majorité.

Puis, au Sénat, le PS est la seule opposition encore en place. Pour qu'un parti emporte des sièges au Sénat encore faut-il qu'il n'ait un peu de bouteille en ayant déjà des maires, des conseillers régionaux, départementaux, de sa couleur. Ce qui n'est pas le cas du jeune-pouce "En Marche !" qui devrait donc composer avec une Assemblée Nationale incertaine entre stratégie socialiste et remontée des LR et une majorité de droite au Sénat qui n'est pas prête de bouger. Pour informations, il faut savoir que depuis la création de la Ve Constitution en 1958, le Sénat a toujours resté de droite sauf durant la trêve socialiste 2011-2014. Pas sûr que cela change de si tôt.

Les législatives vont être le caillou dans la chaussure de Macron et Le Pen qui sont loin d'être gagnées. Un caillou imposant qui risque de ne pas les quitter aussi simplement. D'ailleurs, le PS et LR ont annoncé dès ce soir se tourner vers ces élections.

La résistance de droite

Illustration 3
François Fillon, candidat "Les Républicains"

"Les Républicains" ne sont pas ruinés. Si leur première primaire a élu Fillon de façon unanime, contesté par un programme ultralibéral et son affaire d'emploi fictif, il n'en demeure moins que le candidat LR a su limiter la casse. En ayant le soutien quasi indéfectible des ténors que sont Alain Juppé, son ancien adversaire, Jean-François Copé, son ancien adversaire à la présidence de l'UMP, de l'ancien Premier Ministre Raffarin alors que De Villepin a soutenu Macron, de l'actuel Président du Sénat à droite, Gérard Larcher, ce qui constitue un appui politique qui n'est pas moindre et du "boss" de la droite Nicolas Sarkozy.

Annoncé à quasi 300 sièges à l'Assemblée Nationale, LR a au moins le mérite de continuer de surfer sur son étiquette de parti d'opposition et contestant le bilan de Hollande. Et "Les Républicains" ont encore matière et essence à faire campagne malgré cette défaite: par la montée du terrorisme nécessitant plus de fermeté selon certains français, sur la montée du chômage ...

Et puis, il faut dire que LR a un électorat solide. En supprimant le RSI, augmentant la TVA, baissant les impôts sur les sociétés ils se sont solidifier les électeurs du grand patronat mais aussi du petit (TPE-PME). En parlant immigration, retraites, complémentaires santés, LR s'est gardé le précieux électorat des retraités.

Et c'est bien par cette façon là que "Les Républicains" n'a pas chuté. Ils sont en baisse pour la présidentielle, le seront-ils aux législatives? Ils ont au moins le mérite d'avoir sauvé plus de meubles que le PS qui n'a souffert que de trahisons et de manigances politiques par la scission de Macron et un bilan contrasté de Hollande.

L'élection de Macron n'est pas la défaite du FN

Illustration 4

Vainqueur dans les sondages du second tour et bénéficiant d'un bloc de soutien (PS, LR etc...) annonçant à voter pour lui, le "Front National" gagne tout de même du terrain. Et ce sur trois thèmes.

Le premier, le passage du "Front National" de 17% à 22% mais une victoire mitigée puisque le parti d'extrême-droite aurait bien espéré faire plus. Plus, toujours plus à faire au premier tour, pour prendre de l'avance sur la difficulté du second et du front républicain s'opposant à elle pour le deuxième match.

Puis le second, pour ne parler que de ce deuxième tour, contrairement au FN d'il y a 15 ans, Marine Le Pen parviendrait à doubler ses voix selon les instituts de sondage. Au second tour, le père a égalisé en faisant 18% au premier tour, et toujours 18% au second tour en 2002. Marine Le Pen aujourd'hui à 22% est créditée dans les sondages de 40%. Cela montre que le "front républicain" et la diabolisation du FN n'est plus efficace pour lutter contre. Même haut, Marine Le Pen parvient à gagner au moins une vingtaine de points ce qui ne lui permettrait cependant pas d'être élue.

Enfin, le troisième terrain demeure l'éternel thème des législatifs. En 2014, le FN est parvenu à faire entrer au très républicain Sénat deux de ses membres. En juin, le FN pourrait passer de deux sièges à une soixantaine de sièges. L'incertitude est donc plus présente qu'aux présidentielles pour les législatives.

C'est une fois de plus de l'eau au moulin pour le FN qui se voit donc renforcer sérieusement électoralement en s'étant déjà imposé comme "le premier parti de France" aux élections européennes.

Quoi qu'il advienne, il serait étonnant que Macron n'accède pas à l'Elysée. Il surfera de ses plein pouvoirs pour ses premiers jours et devra en profiter puisqu'il n'est pas assuré d'avoir cette souplesse-là ad vitam aeternam. La montée d'un cran de néo-mouvements est comparable à Ciudadamos et Podemos en Espagne. Mais en France avec les législatives, cela ne risque-t-il pas de rester qu'une simple montée sans pouvoir réel derrière?

Aujourd'hui les deux partis espagnols plaisent et rassemblent lors des élections mais n'accèdent pas au pouvoir. Le socialisme et la droite espagnole ne sont pas morts des précédentes élections par des accords électoraux solides, comme le PS et EELV, par un électorat de droite solide comme celui de Fillon qui a réunit 20% malgré les casseroles.

Et encore moins de là à mettre fin au bipartisme espagnol puisqu'actuellement Mariano Rajoy est toujours le Premier Ministre du PP (parti de droite) en Espagne. Finalement, et si la politique espagnole était une prédiction de notre politique? Macron a annoncé ce soir devant ses militants d'"En Marche !": "Vous avez participé à un changement politique": vraiment?

La défaite de Hamon et Fillon ce soir n'est pas la défaite du PS et de LR.

Ce soir rien ne nous dit que le bipartisme est terminé, que l'alternance est lancée, le renouveau également, mais rien en nous dit non plus qu'ils n'auront pas lieue non plus.

H.D.

Pour Les Décodeurs de la semaine / Mediapart

Distribué en CC-BY-NC-ND-SA

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