«De l'argent il y en a: à BNP PARIBAS!» C'est en passant devant la célèbre banque que le speakeur de Sud Rail a trouvé ce slogan hurlé en chœur par la foule.C'était juste avant les longues minutes passées devant les bureaux du Figaro: place au «Bouuuuhhhhh» général, repris même par les passants et sympathisants en marge de la manif'. Les quelques vigiles de la sécurité postés à l'entrée pour l'occasion semblaient un peu pâlots.
Allumant fumigènes sur fumigènes, il y avait de l'ambiance dans le cortège des Sud Rail. On les entendait venir de loin, et lorsqu'ils arrivaient c'était souvent au pas de course.
Vers 17h30, place Saint-Augustin: fin du parcours.
L'arrivée des Sud Rail n'est pas passée inaperçue, les fumigènes enfumant une grande partie de la place.
«Cassez-vous la Police! Enculés!» Un groupe d'hommes aux visages cachés se fait insulter par des manifestants. Il s'agissait de policiers en civils, repérés et désignés par certains. Un groupe alcoolisé qui voulait en découdre se met alors à leur poursuite. Du coup une partie des manifestants se met à les suivre non sans enthousiasme. Les gendarmes appelleront des renforts.
«C'est quand même dommage quand on voit cette foule de photographes. Les fouteurs de merde se comptent sur le doigt d'une main et ne cassent rien. Mais tu peux être certain que les photos seront belles et qu'elles seront en Une de la presse demain.» La remarque est du couple derrière moi.
«On était à Lyon, on vient pour vous taper!» dira un des jeunes en première ligne face aux gendarmes.«Alors, qui est chaud pour taper des flics? On s'en fout de la presse, cachez vos visages!» dira un autre, bière dans la main. La bouteille finira éclatée aux pieds des gendarmes quelques minutes après.
Une fille s'élancera avec son oola-oop, pour calmer l'atmosphère. «Vas-y! Ça va déconcentrer les gendarmes: excite-les!» L'humour semble avoir pris le pas sur l'excitation de certains. La foule commence à se disperser, et seule une poignée de kamikazes se retrouvent face aux gendarmes. «Vous êtes des baltringues! Revenez!», criera l'un des jeunes. Le gros des troupes fait la sourde oreille.
La centaine de personnes qui se trouve encore sur la place se fait encercler rapidement par les policiers qui se rapprochent en ligne, tapant leurs matraques sur leurs boucliers.
Un groupe de policiers en civil se fait (encore) repérer. Face à la foule qui court vers eux en les insultant, ils rejoignent rapidement leurs camions. Brassards et matraques tout à coup dégainés.
Tout comme la presse, les policiers filmaient.
Au même moment, surprise: d'autres policiers en ont profité pour gagner du terrain.
Encerclant rapidement la centaine de personnes restante (dont la moitié de la presse), on se retrouvera très rapidement «entassés comme des sardines». Ambiance collé-serré, mais contre des boucliers.
Il ne reste plus que quelques jeunes encore enthousiastes et quelques babas cool essayant de faire rire les policiers («on est pas bien là? assis par terre devant les flics, avec un joint et de la bière?!»).
Après quelques charges épiques sur les groupes assis par terre, il ne restera plus grand monde entre les boucliers des policiers qui nous encerclaient. Au fur et à mesure les policiers attraperont les jeunes repérés depuis quelques heures pour les embarquer dans leur camion.
Les journalistes ayant une carte de presse avaient pu facilement se faire la belle. Pour les autres, «il faudra aller au poste avec les autres qu'on embarque».
Un photographe: «Quoi? Dans le panier à salade?»
Réponse du policier fouettard: «Ce n'est pas un panier à salade, c'est un car.»
Après fouilles, contrôles et pourparlers, ceux qui comme moi n'ont pas de carte de presse seront priés de «filer, et rapidement». L'un d'eux commencera à être molesté mais il sera sauvé de la brutalité policière par la présence de ses collègues photographes prêts à immortaliser la scène.
Une fois le car rempli, réouverture totale de la circulation.
20h30, rue de Rome.
A quelques mètres une quinzaine de jeunes passés entre les mailles du filet bloquent la circulation devant la station du métro Saint-Lazare, rue de Rome, en solidarité avec ceux qui sont en route pour le commissariat.
Ils suscitent la curiosité de nombreux passants mais ne tiendront pas longtemps face aux policiers en civils très agressifs qui arriveront en nombre, lâchant au passage leurs gaz lacrymogènes sur ceux qui ne remontaient pas assez vite sur le trottoir.
La circulation reprend, la police reste (en nombre).
«C'est pas fini», me dira un Ukrainien, travailleur sans papiers. «Car Sarkozy, il va trop loin. Il faut le dire.»