Nous vivons à l’heure du covid-19. Nous vivons confinés dans nos appartements étriqués. J’ai conscience qu’en période de confinement des âmes charitables nous ont mis canal + en clair, un mode battle royal de Call of Duty gratuit, plein de trucs inutiles et pas chers à acheter sur Amazon.
Mais vous pouvez aussi lire. Moi j’ai lu le projet de loi d’urgence pour faire face au covid-19 présenté au Sénat.
https://www.senat.fr/leg/tas19-076.html
Je ne suis pas constitutionnaliste, je ne suis pas médecin, je suis un ou... le citoyen lambda.
Et bien ce texte m’a fait peur. Une fois adopté, la Vème République ne sera plus, et je ne sais pas si il est raisonnable de compter sur la bonne foi d’un gouvernement pour qu’il fasse machine arrière une fois l’épidémie passée. Est-ce que nos politiciens n’ont pas un goût pour l’autocratie ? Après tout, le parti communiste chinois est encensé pour sa gestion de l’épidémie.
La procédure de ce projet de loi est accélérée, il y a eu une première lecture au sénat le 18 mars, une seconde à l’assemblée le 20 mars. Tout cela en comité restreint. Le sénat l’a adopté, on peut raisonnablement penser que cette loi d’urgence sera promulguée dans les prochains jours.
Cette loi contient des mesures permettant d’organiser le second tour des élections municipales ultérieurement et de maintenir les conseils municipaux et maires d’ici là. Pour ne pas perdre la face, le gouvernement entérine les résultats du premier tour qui sont plus que contestable au vu de l’ambiance électorale et de la faible participation. Même si en cas d’épidémie, l’enjeu des municipales est secondaire, une modification des règles électorales et donc, de notre démocratie, me semble particulièrement dangereuse.
Le second objectif de cette loi est d’instaurer un dispositif d’état d’urgence sanitaire. On y est déjà avec le confinement, mais la loi va permettre de lui donner un cadre légal. Je pense que tout le monde comprend maintenant que nous ne couperons pas à des mesures liberticides temporaires pour le bien commun. Il faut que l’épidémie soit jugulée rapidement. Mais le caractère temporaire n’est pas inscrit dans la loi. Comme l’état d’urgence contre le terrorisme qui été maintenu puis pérennisé par une loi, il nous fait rentrer dans une démocrature où l’état s’arroge le contrôle des foules.
Et ce contrôle se fera à l’avenir sans l’accord, ni même la consultation du pouvoir législatif. L’assemblée et le sénat ne seront pas informés des mesures prises par le gouvernement ou seulement à leur demande.
Je suis allé lire les amendements acceptés et rejetés lors du débat au sénat. C’est consternant. La sénatrice de Gironde Mme Delattre avait proposé comme amendements :
Amendement 44 : « L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence sanitaire. » Rejeté.
Amendement 45 : « Supprimer l’article 8 Avec comme commentaire : L’institution par l’article 8 d’une prolongation automatique des délais d’habilitation à légiférer par ordonnance et de dépôt des projets de loi de ratification d’ordonnance est non seulement inhabituel mais aussi constitutionnellement douteux, malgré les circonstances exceptionnelles que traverse notre pays. C’est pourquoi il est proposé de supprimer cet article. » Rejeté.
Voilà l’article 8 :
« Les délais dans lesquels le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnances, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi sont prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à la date de publication de la présente loi. Les délais fixés pour le dépôt de projets de loi de ratification d’ordonnances publiées avant la date de publication de la présente loi sont prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à cette date »
Autre exemple l’amendement du sénateur socialiste M. Kanner,
Amendement 63 : « Après l'article 11 Les articles 4 à 11 du projet de loi sont valables jusqu'au 31 décembre 2020. Avec comme commentaire : Cet amendement prévoit la caducité de l'ensemble des mesures qui seront prises au titre de l'état d'urgence sanitaire et économique. Ces mesures visent à répondre dans l'urgence à une situation exceptionnelle. Elles ne peuvent en conséquence qu'avoir un caractère temporaire. Il y a à craindre que ces crises se reproduisent dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle il appartiendra au gouvernement de prévoir le cadre futur de gestion de telles crises. Ce travail ne pourra se faire que lorsque les circonstances le permettront. » Rejeté.
Comme vous pouvez le constater, tous les garde-fous ont été rejetés. Édouard Philippe s’essaie au fascisme.
La troisième partie du texte de loi est aussi savoureuse.
Elle a pour objet de sauver l’économie du covid-19. Monsieur Macron vous remercie de vos engagements sociaux et de vos manifestations. Il a abandonné la réforme des retraites mais maintenant, cyniquement il va pouvoir faire passer toutes les réformes rêvées par le Medef. Et cela par décret. Dans les dents Martinez !
Certains journaux rapportent une possible fin des 35h, une suppression de semaines de congés payés, tout ça dans le but de sauver l’économie. Ou plutôt leurs économies qui fondent comme neige au soleil en bourse. Personnellement si la banque s’effondre, j’aurais juste gagné la fin du remboursement de mon crédit immobilier et perdu un PEL pas très joyeux.
L’heure me semble grave. Nous allons jouer le jeu du confinement. Respecter l’esprit de concorde. S’envoyer des bonnes blagues par WhatsApp. Être solidaire avec nos soignants. La dangerosité du virus n’est pas remise en cause, mais celle de notre gouvernement est peut être sous-estimée. Et l’argument du bien commun ne tiendra pas. Alors le soir, après avoir applaudi l’hôpital et tous les gens qui luttent contre ce terrible virus à 20h, on pourrait peut-être ressortir à 20h30 et gueuler de nos balcons !
Que nos politiques comprennent qu’une fois que l’on ressortira on leur demandera des comptes. Soyons vigilant
Un citoyen