L'ennemi est presque toujours perçu comme un être négatif qui restreint notre liberté, qui s'interpose entre nous et nous même.
Pourtant, sans lui, comment atteindre la partie d'ombre qui existe en nous‑mêmes. L'ennemi a la dimension d'une altérité particulière, il est l'autre absolu.
A défaut de le combattre nous devrions nous soumettre à lui. En rendant le conflit inévitable, l'ennemi nous oblige à reprendre notre quête d'identité. Sur le chemin de l'initiation, il est un allié précieux.
Parce qu'il incarne l'autre, il nous montre ce que nous sommes sans le savoir. Nous pouvons accepter l'affrontement et faire de lui l'adversaire, c'est à dire celui qui représente l'autre versant de nous-même, l'autre à réaliser en nous.
Si nous engageons la lutte, l'ennemi nous permet d'accéder à ce que nous serions condamnés à ignorer de nous‑mêmes, à défaut d'atteindre notre plénitude.
Le chemin d'accès à celle-ci est la voie d'Aiki.
La parcourir implique, de franchir des obstacles, de s'éprouver pour connaître le renoncement à la partie vindicative de soi, la réalisation de ce que la véritable compassion s'exprime dans le respect et l'amour de tous et aussi de cet être presque inaccessible pour notre conscience qu'est l'ennemi.
Inaccessible, il l'est parce qu'il incarne ce qui est enfoui dans la profondeur de notre inconscient, parce que c'est en lui que nous sommes le moins enclin à nous chercher, tant il représente la part de nous que nous rejetons absolument.
Mais il se rend accessible par le désir d'opposition qu'il provoque, par le fait qu'il nous met en face de nos épreuves.
Entendez toute attaque comme une demande d'amour, une demande d'aide !
Toute situation conflictuelle s'inscrit dans le processus de quête personnelle.
Nous sommes toujours co-auteurs de nos conflits. Nos conflits extérieurs ne sont que l'exact reflet de nos conflits intérieurs.
Chacun des protagonistes est indispensable à l'autre pour résoudre son propre conflit.
L'ennemi pose des limites externes à notre être et participe ainsi a notre définition. Notre identité précisée, nous sommes en mesure d'entreprendre son expansion.
Grâce à l'adversité, nous dirigeons celle-ci vers l'intérieur de nous-même.
L'ennemi nous aide à créer (réaliser) nos souffrances comme il nous aide à nous en libérer.
La souffrance est le lien qui nous guide quand la conscience s'absente du combat contre l'ennemi intérieur. Elle conserve une trace de nous-même.
L'autre nous‑même, devient toujours notre ennemi, si nous ne l'entendons pas en nous, si peu à peu nous ne lui laissons pas place dans notre vie.
Sans ennemi, il n'y aura pas d'accès à la conscience de soi.
Regardez bien dans les yeux de ce que vous affrontez ou craignez d'affronter.
Vous y verrez une parcelle de votre lumière.
André COGNARD, Maître d’Aïkido - Mai 1997