1 - Toute assertion (affirmation, proposition ou interrogation), est plus ou moins vraie, a un degré d’exactitude variable. Elle exprime une certitude, une croyance, ou une opinion.
La certitude est celle de la science devant ce qu’un physicien quantique nommera un observable quantifiable. Elle est entièrement objective. Elle est universellement recevable.
La croyance est essentiellement subjective même quand elle « croit » pouvoir se prévaloir de « révélations » ayant une certaine objectivité ou que partagée par d’importantes communautés elle tend à avoir valeur d’opinion, et même si elle s’affirme catholique, universelle, elle enferme quand elle n’opprime pas.
Seule l’opinion préserve la possibilité du débat qui unit et celle du droit à la différence, à la singularité même, dès lors qu’un espace commun est maintenu.
La nécessité du maintien de cet espace commun constitue pour moi un a priori.
2 – Commentant le « il est » par lequel Parménide ouvre son célèbre poème Paul Ricoeur écrit : « ce disant, le penseur ne donne pas de sujet au verbe être ; il le laisse être dans sa nudité et sa globalité. Toutes les fois que l’interrogation humaine revient à « il est », elle reprend contact avec le socle ontologique de la pensée » (article « ontologie », encyclopédie Universalis).
Je fais mienne cette assertion. C’est une opinion. Elle me paraît fortement étayée : l’univers n’existe pas sans être, sans puiser sa possibilité dans une puissance qui elle n’a pas d’origine. Être exprime l’absence d’origine de l’univers, il est, mais également son devenir, infini dans l’espace, éternel dans le temps.
Cet univers qui n’a pas d’origine, pas de commencement, ne peut avoir de terme. Il est cependant dans le temps car il ne peut exister que dans le temps, un temps, comme lui, sans commencement.
Cette logique n’est fermée à personne. Elle pourrait constituer un premier pas pour unir les humains.
3 – Le terrain d’accueil de ce qui se présente à la logique, au sentiment, à la sensibilité éthique ou esthétique de chacun est d’une variété qui situe devant un abîme.
A partir du socle ontologique défini en 2 j’ai ailleurs conclu à ce que le socialisme constituait le mode de vie qui convenait à l’humanité, comme une évidence.
Ce socle ne peut être atteint que par une démarche transcendantale. Celle-ci consiste à extrapoler de ce qui existe les conditions de possibilité de cet existant. Pierre-Henri Travoillot, par ailleurs apôtre du vivre ensemble, considère cette démarche comme constituant « la clé de voûte » de notre « coexistence » avec les humains « Si on le nie, alors le sens et la cohérence de nos actions et pensées disparaissent » (Philo-magazine, juin 2019). Il était le dimanche 28 septembre l’invité de l’émission « En Société », autorité formatrice de l’opinion ». Je n’ai pas eu la magnanimité de l’écouter fort longtemps disant sa satisfaction qu’il y ait des français très riches, tel Bernard Arnault, ou la préoccupation si finement juridique des juges de la Cour Suprême américaine. Je n’ai pas d’information de première source, mais je considère le premier comme un dissident de l’humain et les seconds comme des partisans sous emprise.
L’abîme dénoncé ci-dessus se creuse quand les pires âneries trouvent un large écho. Car il y a bien, de mon côté ou dans celui de l’autre, une ânerie.
La même clé ouvre des portes si différentes ou est oubliée paresseusement dans une poche.
4 – La porcherie.
On y entend des grognements. Je ne suis pas un fan d’Elise Lucet, dans ses émissions j’ai le sentiment de me diluer, et puis à mon âge, on se couche tôt. A 22 heures, des grognements j’en avais assez entendus de ce très percutant Cash investigation de fin septembre.
Moi, moi, moi disait un gros porc qui avait porté son choix sur la plus grosse SUV qui se puisse trouver. Son sourire satisfait disait : « je nous emmène tous en enfer, mais, moi (grognement), j’aurais pris mon pied ». Moins intelligent que moi, tu vivrais.
Du fric, du fric, du fric grognaient ces vendeurs en leasing, jusqu’à l’écoeurement. Ils savaient pratiquer une très belle vidange du portefeuille des acheteurs. Plus intelligent qu’eux, nous vivrions.
L’absurdité du monde dans lequel nous vivons, un écrivain, tel Michel Lévy dans « Sonia, l’avant-garde » la décrit d’une façon plus percutante, incarnée en des personnages entièrement dévoués à la cause de l’humain. Heureux les assoiffés de justice car ils verront… non pas Dieu mais ce que doit être notre monde : radieux.
5 - Ê T R E
C’est un fait. Nous existons et nous sommes. Exister et être. Ce sont deux façons pour nous de dire la plupart du temps la même chose. Mais si nous y prêtons attention, être a également qualifié le divin. Dieu est selon les Ecritures Celui qui EST. Il serait, s’il existe, l’Eternel. Son existence fait aujourd’hui largement question. Francis Wolff et Claude Romano nous ont récemment rassurés sur l’existence effective des objets qui peuplent notre monde et, à moins d’inventer une forme spontanée de génération, il nous est permis de dire que ce monde EST au sens où nous le disions du divin. D’être est l’explication de l’existant. De cela seule une modélisation peut rendre compte, car le mot être, forme verbale, ne peut qu’exprimer l’acte d’une puissance qui n’est pas une origine, il n’y en a pas, qui, tout simplement EST.
J’ai proposé cette modélisation, un comme si :
Comme si depuis toujours et pour toujours est un foyer. Comme si un grand feu embrasait un combustible inépuisable jusqu’à le faire éclater en mille braises suspendues entre deux désirs, celui de conserver le lien avec la chaleur vitale et celui de gagner les plus lointains pour s’inventer singulières et découvrir la manière de se conserver braises, ensemble, afin que le foyer vive. Le grand feu ne s’éteindrait jamais mais les braises auxquelles il est donné d’accéder à la pensée et à la volonté peineraient avant de prendre conscience de leur désir, de le penser, de le vouloir et de le satisfaire.
Poètes, à vos plumes. Il y aura mille manières d’interpréter le « il est » de Parménide.
Nous sommes, ici dans l’ontologie, la discipline qui s’efforce d’élucider la question « Qu’est-ce que être ». Me vient la question d’évaluer la pertinence de nommer ontologies, avec Descola, le naturalisme et l’animisme, plus précisément d’évaluer si le « il est » trouve dans l’un de ces modes de vécu davantage de satisfaction ou de contrariété que dans l’autre.
Qu’il y ait dans le naturalisme une épuration d’un certain primitivisme propre à l’animisme n’empêche pas de penser que ce dernier satisfait davantage que le premier la reconnaissance si essentielle d’un socle, précisément « animateur », que le physicalisme propre au naturalisme ignore totalement.