Nous, organisations de la société civile et personnalités, souhaitons réaffirmer l’importance du sport comme vecteur de tolérance, d’égalité et d’insertion. À moins d'une dizaine de jours des Jeux Olympiques de Paris 2024, il s’agit pour la France de se présenter comme un exemple d’inclusion des femmes dans le sport, y compris pour les femmes qui portent le voile.
Le sport, un enjeu d’égalité
La pratique du sport a vocation à être accessible et universelle, sans distinction de genre, de religion ou d'origine ethnique.
Pourtant, le monde du sport en France demeure peu accessible aux femmes et des inégalités de genre persistent. En 2022, parmi les licencié.es de la Fédération française de football, seulement 9% étaient des femmes. Le traitement médiatique accordé au sport féminin est également révélateur : en 2021, seulement 4,8% du temps consacré au sport dans les médias français était dédié au sport féminin.
Ces inégalités concernent également les postes de direction au sein des fédérations : seulement 19% des Président.es de fédérations internationales sont des femmes, et 26% des arbitres sont des femmes tous sports confondus.
Sans compter, les inégalités salariales toujours aussi aberrantes. L’exemple du basket féminin en NBA, où le salaire moyen était de 113 295 dollars en 2023 contre 9,7 millions de dollars pour les hommes soit 85 fois plus. Rappelons qu’ avec près de 200 000 licenciées le Basket-Ball est reconnu comme le premier sport collectif pratiqué par les femmes en France.
Les besoins spécifiques et les particularités des femmes peinent encore à être pris en compte par les institutions sportives.
En 2021, l’équipe féminine de beach handball norvégienne avait écopé d’une amende pour avoir joué en short plutôt qu’en bikini lors du Championnat d’Europe. Ce n’est qu’en 2023 que les équipes de football de France ou d’Angleterre ont enfin pu laisser tomber leur short blanc au profit d’une couleur plus adaptée aux menstruations. Ces exemples montrent l'inadéquation des normes du sport avec les réalités des femmes.
L’interdiction pour les athlètes françaises de porter le voile lors des Jeux Olympiques de Paris est une nouvelle barrière à l’entrée des femmes dans le sport. Cela revient à exclure certaines femmes de leur pratique sportive en raison de leur religion ou de leurs vêtements. Une décision intolérable et contraire aux valeurs fondamentales du sport.
Le port du voile : une crispation française
Nouhalia Benzina est devenue la première footballeuse à porter le hijab lors d’une Coupe du Monde. Une avancée vers plus d’inclusion dans le sport international, qui n’est pourtant pas partagée par la France.
En effet, la Ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a indiqué le 24 septembre 2023 dans l’émission “Dimanche en politique” que les athlètes françaises n'auront pas le droit de porter le voile lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Cette interdiction, justifiée par le principe de laïcité, a fait réagir l’ONU, qui a rappelé son opposition ferme à cette décision. Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a déclaré le 26 septembre que « personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non ».
Sport & Rights Alliance, soutenue par Amnesty International et Human Rights Watch, a qualifié cette interdiction de discriminatoire et appelé à son retrait le 11 juin.
Cette déclaration contraste avec les pratiques habituelles des Jeux Olympiques. Depuis plusieurs années, le Comité international olympique (CIO) laisse les fédérations internationales de chaque discipline trancher sur la question du voile. De nombreuses fédérations ont affiché leur ouverture concernant le port du voile, comme la fédération d’athlétisme ou de basket.
Le décalage de la position française avec l’attitude adoptée par les instances internationales met en lumière les manquements de la France en matière de droits des femmes dans le sport, ainsi que la crispation française autour du port du voile.
Comme en témoigne le communiqué de presse datant d'il y a trois jours d'amnesty international qui énonce cette gravité par l’interdiction du port du foulard dans le sport en France met au jour l’existence d’une politique du « deux poids, deux mesures » discriminatoire à la veille des Jeux olympiques et paralympiques
Les Jeux Olympiques : une plateforme mondiale pour le changement social
Depuis leur création, les Jeux Olympiques sont un haut lieu de la diplomatie et des relations internationales. Avec 3,5 milliards de téléspectateurs, les Jeux Olympiques sont regardés par près d'un humain sur deux. C’est l’occasion pour le pays organisateur de faire rayonner son influence et de véhiculer des messages partout dans le monde. On se souvient du poing levé des athlètes Tommie Smith et John Carlos en 1968, aux JO de Mexico, symbole de lutte contre la ségrégation raciale, ou encore du boycott des JO de Moscou par les États-Unis en 1980, pour protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan. Le sport n’est pas neutre et est bien au contraire éminemment politique.
Comment prétendre lutter contre un séparatisme en organisant l’exclusion de certaines personnes sur la base de leur genre et de leur religion ?
Nous condamnons fermement l’interdiction du port du voile lors des Jeux Olympiques de Paris 2024 et appelons la France à revenir sur cette décision. Les lois et les gouvernements n’ont pas à dicter aux femmes leur manière de s’habiller. Il est temps de mettre un terme à l’exclusion des femmes sur la base de leur religion ou de leurs choix vestimentaires. Les Etats et fédérations sportives n’ont pas à faire d’ingérence dans le choix de tenue des femmes dès lors que celles-ci sont adaptées et sans risque pour la pratique sportive.
La France doit être à la hauteur de ce rôle et réaffirmer le droit des femmes à pratiquer leur sport librement et à disposer de leur propre corps.
Signataires :
- Humanity Diaspo ONG - Présidente : Charlotte KAN
- Académie des futurs leaders - Alice BARBE : Fondatrice & CEO
- UniR- Universités et réfugié.e.s - Camila RIOS : Fondatrice & Directrice
- Jean-Marc JOUANNET : Membre du Haut Conseil à l’Egalité (HCE) à commission “violences”
- Seydou MBAYE : Directeur Adjoint de mairie & expert en politique de la ville
- So Parks - Aminata NDIYAE : Fondatrice & Directrice
- Femmes Entraide & Autonomie- Sokhna FALL : Coordinatrice
- Association d'Aide à l'Éducation de l'Enfant Handicapé (AAEEH) - Ernestine NGO MELHA : Fondatrice & Directrice
- The Sorority Foundation - Priscillia ROUTIER TRILLARD : Fondatrice
- Maryem GARGOUBI : Professeure de physique
- Institut du Genre en Géopolitique (IGG) - Alice Apostoly : Co-directrice
- Actions Droits des Musulmans (ADM)
- Esfand - Mégane GHORBANI : Fondatrice
- Yvee group- Helloada- Lab kids - Aissata KOITE CEO & Founder