Le 20 mai 2025, une femme et son fils de huit ans ont perdu la vie dans un mouvement de panique sur le littoral, alors qu’ils tentaient d’embarquer à bord d’un bateau pneumatique pour traverser la Manche.
Ces morts ne sont ni un accident, ni une fatalité.
Elles sont la conséquence directe de politiques publiques qui, sous couvert de lutte contre les réseaux de passeurs, aggravent la vulnérabilité de personnes déjà épuisées, traumatisées et privées de toute voie légale de protection. Le ministre de l’Intérieur lui-même l’a reconnu – sans pour autant en tirer les conséquences. Le 3 octobre 2024, après une rencontre avec son homologue britannique, il déclarait sur son compte X : « Nous avons aussi partagé le constat que cette efficacité (policière) avait des conséquences néfastes avec une augmentation des décès… »
Une déclaration citée et commentée dans La Voix du Nord du 25 octobre 2024 (p. 31), qui acte un aveu aussi grave que glaçant : la politique actuelle tue. Et pourtant, rien n’a changé. Les dernières discussions entre les gouvernements britannique et français laissent même penser que cette situation va encore s’aggraver.
Depuis des mois, les autorités procèdent à des démantèlements systématiques des campements informels où tentent de survivre, dans des conditions indignes, des centaines de personnes exilées. Ces interventions, qualifiées de « mises à l’abri », ne proposent aucune solution d’hébergement durable, ni de véritable accompagnement. Elles n’ont pour seul objectif que d’éloigner momentanément les personnes du littoral, en les empêchant de partir. Ces expulsions, couplées à une présence policière massive et dissuasive, avec confiscation des embarcations, contraignent les personnes à prendre la mer dans des conditions toujours plus dangereuses et désespérées. On les empêche de rester, on les empêche de partir. Dans cette impasse, l’arrivée d’un bateau déclenche des mouvements de foule incontrôlables, car l’embarquement devient la seule issue possible. Des bateaux surchargés prennent l’eau ou se retournent sur les premières vagues. Des personnes tombent, se blessent, s’écrasent. Les traumatismes sont innombrables. Certains s’en sortent traumatisés, hantés par ce qu’ils ont vécu. D’autres, comme cette femme et son enfant, n’en réchappent pas.
Nous avons alerté la justice. Le 18 juin, un signalement pour mise en danger délibérée d’autrui a été adressé au Procureur de la République, conformément à l’article 223-1 du Code pénal. À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse.
Combien de morts faudra-t-il encore pour que l’État assume ses responsabilités ? Pour que cesse cette politique de l’indignité ? Pour que la France respecte enfin ses engagements internationaux – notamment la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l’Homme ? Nous appelons à une réaction immédiate, humaine et juridique, et non à un marchandage de vies humaines comme le prévoit le dernier accord franco-britannique.
Nous demandons :
-L’arrêt des démantèlements
-Des solutions d’hébergement pérennes et adaptées, avec autorisation de travailler
-L’ouverture de voies de migration sûres et légales
-Le respect du droit à la vie, à la protection et à la dignité
Il est temps de sortir du silence. Il est temps d’agir. Ces morts ne doivent pas rester impunies.
Associations signataires :
Salam Nord-Pas-de-Calais
La LDH Dunkerque
Le MRAP Dunkerque
MRS
La Maison Sesame
Amis
L'Auberge des migrants
Project Play
Human Rights Observers
Utopia 56
Médecins du Monde Programme Nord Littoral