Si la préfecture communique encore et toujours sur des opérations de « mise à l’abri volontaires visant à sauver des vies » (citation du Monde), les associations locales dont fait partie HRO ne peuvent que constater une mise en scène démesurée et absurde des services d’ordre de l’État, ne répondant absolument pas aux besoins pourtant criants des personnes.
La semaine dernière, les associations dénombraient environ 900 personnes attendant de traverser la frontière à Dunkerque, et la quasi-totalité a été visée par l’expulsion d’hier. A Calais, quatre lieux de vie différents, sur lesquels survivent environ 700 personnes ont été visés par ces opérations. Alors qu’un de ces lieux de vie est un terrain public relevant d’une procédure d’expulsion différente, tous ont été traités de la même façon par la préfecture, ce qui témoigne d’un premier détournement du droit. Et aucune audience n’a permis aux habitants des lieux de vie de se défendre devant un juge avant l’expulsion, en violation du droit à un procès équitable et des droits de la défense.
D’abord, et c’est ce qu’HRO documente à chaque expulsion de cette envergure à Calais et à Dunkerque, ces « mises à l’abri » correspondent plus à des mises en bus forcées qu’à une quelconque mesure humanitaire prise par les autorités locales pour porter assistance aux personnes en situation de rue. Le fait que ces opérations commencent à 5 heure du matin – en violation des dispositions légales - le montre bien ; l’objectif et de prendre les personnes par surprise quand elles sont encore endormies. Si les départs avaient véritablement été volontaires, pourquoi venir réveiller les personnes concernées si tôt avec autant de forces de l’ordre (HRO ayant compté au moins 3 différentes compagnies de CRS et de gendarmerie, 9 véhicules de la Police Nationale et une dizaine de fourgons de la PAF) ? Nombre de nos preuves photos et vidéos attestent du caractère coercitif de ces « mises à l’abri » ; encerclements, courses-poursuites, usage de gaz lacrymogène... Et pour cause, une fois encore, le « choix » donné aux personnes exilées se révélait être une parfaite illusion : si elles n’acceptaient pas de monter dans des bus, dont les destinations sont restées inconnues jusqu’à leurs arrivées (en Bretagne, à Paris et même à Grenoble ou Perpignan !), la Police Aux Frontières présente sur place procédait à leur arrestation. Douter du caractère volontaire de ces « mises à l’abri » résulte donc du bon sens.
Par ailleurs, ces mises en bus forcées ne répondent pas correctement aux besoins des populations visées, et cela pour la simple et bonne raison que leurs besoins ont été ignorés tout au long du processus encadrant ces opérations. Alors que juridiquement, une expulsion de terrain occupé devrait prendre place suite à la réalisation d’un diagnostic social évaluant les besoins particuliers de chacun.e (et en particulier des personnes vulnérables, telles que les mineurs), rien de cela n’a été effectué et tout le monde, de manière indiscriminée, s’est vu « offrir » la même solution, pourtant inadaptée pour toustes. HRO remarque une fâcheuse tendance des services préfectoraux à décider à la place des personnes concernées ce qui leur conviendrait le mieux, tout en piétinant leurs droits. Cela s’ajoute au fait que les « abris » proposés sont des CAES, c’est-à-dire des centres d’accueil d’urgence, ne recevant pas plus de deux à trois semaines les personnes hébergées (il ne s’agit donc absolument pas d’une solution d’accueil pérenne correspondant à l’arrivée des froids hivernaux), se trouvant extrêmement loin de la frontière et du tissu local dans lequel s’ancrent les personnes expulsées. Et cela sans compter les personnes mises en bus qui ne se sont même pas fait diriger vers des CAES mais laisser sans hébergements spécifiques (près de Reims et près d’une gare à Paris, notamment).
Les personnes qui reviendront à Dunkerque et Calais dans les prochains jours (puisque le but reste pour beaucoup le passage au Royaume-Uni) seront bien en mal de retrouver un endroit où s’abriter, même de façon extrêmement précaire. En effet, des équipes de nettoyage privées, mandatées par l’État, se sont appliquées à détruire à grand renfort de tractopelles les espaces de survie et d’organisation sociale des différents espaces expulsés, notamment en détruisant toutes les tentes sans exception.
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Affaires volées, espaces détruits, droits des personnes vulnérables piétinées, non-respect des procédures… Depuis le début de l’année, il s’agit de la troisième opération d'expulsions de ce type dans le Calaisis, et la douzième dans le Dunkerquois, preuve de la non-effectivité de ces opérations, extrêmement coûteuses et qui ont une vision court-termiste : vider la frontière pour quelques jours, afin de permettre aux autorités locales et nationales de développer un discours mêlant pseudo-humanitaire et sécuritaire, alors même qu’une véritable mise à l’abri respectueuse des besoins de chacun.e est de plus en plus urgente !
Human Rights Observers dénonce fermement cette politique hostile et répressive à l’égard des personnes exilées et appelle à la fin des violences d’État à la frontière, ainsi qu’à la mise en place d’une politique d’accueil digne et respectueuse des besoins de chacun. Nous rappelons en outre que le droit et les procédures légales doivent être respectés par les autorités publiques sans discrimination.