humaro (avatar)

humaro

sociologue parfois

Abonné·e de Mediapart

54 Billets

1 Éditions

Billet de blog 5 mai 2009

humaro (avatar)

humaro

sociologue parfois

Abonné·e de Mediapart

DEVINETTE : Calamittin est l'anagramme de deux marchands de conseils aux princes, faux prophètes et vrai plagiaires. Kissontil?

humaro (avatar)

humaro

sociologue parfois

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jacques Attali et Alain Minc, bien sûr, distributeurs de conseils d'experts à gauche puis à droite, stratèges en amitié, constamment proches des puissants dans les registres politiques, financiers et médiatiques, fabricants de compilations prétentieuses, de prophéties fantaisistes, d'essais ayant les apparences du savoir encyclopédique, les insignes de la hauteur de vue, les tintements de la synthèse brillante, autrement dit spécialistes de supervisions à l'esbroufe donnant (à qui n'y regarde pas de trop près ou confond le génie scientifique avec les médailles de l'X ou de l' ENA) l'illusion d'une « intelligence hors du commun » (« ça fait chef d'oeuvre! », comme le disait ironiquement Max Jacob du Soulier de satin ).

On aura remarqué que nos deux prophètes n'ont strictement rien vu venir de la crise actuelle mais que cela ne les gêne pas plus que cela.

Jacques Attali, avec une effronterie rare, prétend aujourd'hui l'avoir prévue sous prétexte qu'il avait annoncé dans Un brève histoire de l'avenir, essai paru en 2006, une crise commençant aux Etats-Unis. Il est vrai qu'il y pronostiquait la fin de « l'Empire américain » et de l'actuelle forme dominante de l'ordre marchand. Mais il situait cette fin dans 20 ou 30 ans et lui promettait en attendant « un bel avenir » (pp 122 & 162 de l'édition de poche, imprimée en 2008). Il tenait comme probable, en tout cas comme référence privilégiée, le maintien d'un taux de croissance moyen de l'ordre de 4% par an jusque dans les environs de 2025 (p 124). Il sélectionnait 24 grandes sources d'incertitude à l'échelle mondiale dans le registre économique, politique ou écologique mais en omettant précisément d'envisager une éventuelle crise financière (pp 119-120). Celle-ci n'apparaissait qu'en fin de volume, dans une sorte d'annexe spécifiquement consacrée au déclin...de la France (qui « ne travaille pas assez » etc). On conviendra que tout cela n'atteste pas vraiment une compétence de visionnaire et qu'il faut un peu de culot pour jouer encore au prophète.

Mais Alain Minc fait bien pis. Si sa Suprême Clairvoyance n'a pas prévu la crise, c'est – il fallait y penser - qu'il n'y a pas de crise ou si peu...un simulacre de crise, une fiction tout juste bonne, comme les histoires de fantômes, à faire peur aux enfants et aux manants. On sait (Edwy Plenel en avait immédiatement souligné la stupidité, François Bayrou la rappelle dans son récent pamphlet), qu'il avait osé dire en octobre 2008 que la crise était « grotesquement psychologique » alors que les piliers du système financier mondial avaient commencé à s'effondrer. Et depuis il a propagé, notamment sur Public-Sénat, un sophisme consternant qui peut être résumé à peu près comme suit: s'il y a x années de croissance négative à -y% après le triple ou le quadruple d'années de croissance positive à 3 fois ou quatre fois y%, le bilan restera largement positif. Le raisonnement est bien sûr imparable à condition d'admettre que le scénario envisagé (une crise ni très profonde, ni très durable) figure parmi les plus probables, ce qui est loin d'aller de soi, mais aussi à condition de considérer comme totalement négligeable un fait masqué derrière le jeu formel avec les chiffres: ceux qui ont le plus profité de la croissance positive ne sont pas exactement les mêmes que ceux dont la vie est brisée par la crise.

Il est vrai que dès 1997, dans Le voleur de maison de vide, Jean-François Revel écrivait qu'il y avait deux recettes pour être « considéré de toutes les majorités »: « La première est de ne se tromper jamais [...]. La seconde est de se tromper toujours. C'est celle d'Alain Minc. Elle est encore plus difficile à appliquer que la première et suppose une sévère et constante discipline de soi, si l'on veut être sûr de ne jamais se relâcher dans son effort vers la futilité pompeuse ni succomber à la tentation de la modeste vérité ».

Le fait que Jacques Attali et Alain Minc soient apparentés en charlatanerie intellectuelle (même si le premier ne parvient pas tout à fait à atteindre, dans ce domaine, les sommets d'impudence et de pitrerie du second) est encore attesté par le fait qu'ils ont été l'un et l'autre pris la main dans le sac à l'occasion de grossiers plagiats sur lesquels il n'est pas vain de s'attarder un peu.

Jacques Attali, on le sait, a été condamné pour avoir pillé, en confectionnant ses Histoires du temps, un ouvrage d'Ernest Junger. Mais au-delà du plagiat, son manque de rigueur et d'honnêteté intellectuelle, son abus de l'esbroufe et son usage immodéré de l'invérifiable ont été mis en cause à l'occasion de plusieurs publications par des historiens, bien sûr, mais aussi par Michel Foucault. C'est précisément à propos d'un énième essai d'Attali que le philosophe avait jugé utile de souligner dans un entretien que l'éthique du chercheur c'est sa technique, c'est à dire le soin de montrer comment et par quels moyens il est en mesure de proposer ses résultats au lecteur.

Alain Minc, de son côté, a été condamné parce que (comme l'a signalé sur Mediapart Laurent Mauduit) son Spinoza, un roman juif était truffé de plagiats d'un ouvrage de Patrick Rödel. Or comme on peut le lire dans le n° 663-664 de la revue Critique ou dans la biographie de Revel rédigée par Pierre Boucenne, lorsque le professeur de philosophie honteusement pillé contacta l'effronté pilleur, celui-ci crut bon de lui répondre ceci:

« Vous me permettrez de penser qu'un militant spinoziste comme vous aurait dû se réjouir de voir l'amateur éclairé que je suis contribuer à davantage remettre Spinoza au coeur de l'actualité que n'y parviennent malheureusement les spécialistes les plus respectables ».

Je traduis:

« Misérable vermisseau professoral, ne devrais-tu pas être fier et reconnaissant qu'une éminence ayant comme moi conquis les titres les plus brillants, la célébrité la plus étincelante, les plus notoires signes matériels et symboliques de la réussite, se soit abaissée à cueillir tes obscurs travaux et ait consenti à y apposer sa céleste signature pour les faire accéder à la lumière » .

Où l'on voit qu'entre un parrain comme Sarkozy, un marchand de soupe comme Séguéla et un clerc de cour comme Minc, il y a de profondes affinités de caste. Où l'on voit aussi qu'il n'y a guère de limite à la morgue des "bouffons d'élite", ou de façon plus triviale mais peut-être plus judicieuse, à l'arrogance obscène des trous du cul pour peu qu'ils soient assis à droite, à gauche ou aux pieds du prince.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.