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Billet de blog 12 avril 2009

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Qui peut parler aux africains "en notre nom"

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Qui peut parler aux africains « en notre nom »?

Le pardon sollicité par Ségolène Royal au nom de la France et des Français pose trois questions.

La première concerne la façon dont cette initiative s'insère dans la compétition pour exercer le

leadership dans la mouvance socialiste et plus largement dans l'électorat de gauche. Elle n'est sans

doute pas négligeable, mais on conviendra que si l'on n'est pas affilié à tel courant, telle faction,

telle coterie interne ou externe au PS, elle n'est pas aujourd'hui essentielle. J' avoue qu'en

l'occurrence, elle m'indiffère.

La deuxième concerne ce que l'on peut appeler très sommairement le « fond », l'évaluation du

jugement porté par Sarkozy sur les peuples d'Afrique, la justesse ou l'inanité de propositions telles

que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire » ou « le paysan africain...dont l'idéal de

vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé

par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles ». Cette question est bien sûr

importante mais elle peut être vite tranchée: le discours prononcé par le chef de l' État à Dakar est

un pitoyable exemple de niaiserie anthropologique qui invite moins à s'interroger sur la véracité ou

la fausseté des déclarations que sur leurs parts respectives d'ignorance et d'arrogance.

La troisième est celle si l'on veut de la « forme », de la légitimité statutaire du locuteur: est-il

pertinent ou impertinent qu'une candidate défaite à l'élection présidentielle s'octroie le droit de

parler au nom de la France et des Français? A cette question les histrions de l'UMP ont bien

évidemment des réponses négatives, à commencer par celle de Nadine Morano qui, à mi-chemin

entre coquecigrue et obscénité, a vu dans l' initiative de S.R. un antisarkozysme « hystérique »

(!?!?!). Les premiers de la classe médiatique, façon Christophe Barbier, sont moins bouffons mais

non moins sévères: ils assurent, avec une gravité d'expert, voire de docteur honoris causa du conseil

constitutionnel, que Ségolène Royal ne saurait représenter que la région qu'elle préside, Nicolas

Sarkozy ayant seul titre à parler « au nom » de la France et des Français. Ce type de remarque a les

apparences du bon sens, à un détail près, où loge le diable, comme il se doit. La question de la

pertinence du discours de Ségolène Royal est indissociable de celle de la légitimité de l'adresse de

Nicolas Sarkozy aux peuples d'Afrique, et cette dernière n'est pas une simple affaire de compétence

territoriale. En tant que représentant d'une ancienne puissance colonisatrice, ayant fait entrer de trop

nombreux africains dans l'histoire occidentale comme esclaves ou chair à canon, le président de la

république française était particulièrement infondé à tenir le discours qu'il a prononcé, à donner les

leçons qu'il s'est cru autorisé à distribuer. Par désinvolture, sottise, cynisme ou vanité, il a en

l'occurrence failli politiquement et abusé du mandat qui lui était confié: le fait d'être officiellement

chef de l'État français (les gaullistes, s'il en reste, devraient le savoir mieux que quiconque)

n'autorise pas mécaniquement à dire ou faire n'importe quoi « au nom » de la France et de ses

citoyens. Il était donc hautement souhaitable que le dérapage de Dakar soit solennellement

désavoué. On peut éventuellement regretter que cela n'ait pas été fait plus tôt et par une autre

instance. Mais on ne peut que se féliciter que l' initiative ait été enfin prise, et, fût-ce faute de

mieux, par quelqu'un qui a symbolisé lors de la dernière campagne présidentielle une autre « voix

de la France » possible.

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