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Billet de blog 26 juin 2009

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Les centimètres de Sarkozy et l'identité de gauche

Doit-on rire du fait que Sarkozy soit plus petit que la moyenne des hommes de son âge et de son rang? J'entends: doit-on l'injurier pour sa taille médiocre, assimiler celle-ci à une insulte, le traiter avec mépris de « nain » comme il arrive à l'occasion dans des contributions ou commentaires publiés sur Mediapart. Je suis enclin à penser que non, y compris (c'est mon cas) si on le juge insupportable à d'autres titres.

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Doit-on rire du fait que Sarkozy soit plus petit que la moyenne des hommes de son âge et de son rang? J'entends: doit-on l'injurier pour sa taille médiocre, assimiler celle-ci à une insulte, le traiter avec mépris de « nain » comme il arrive à l'occasion dans des contributions ou commentaires publiés sur Mediapart. Je suis enclin à penser que non, y compris (c'est mon cas) si on le juge insupportable à d'autres titres. Ce type de raillerie est peut-être, à la limite, acceptable dans les chroniques ou caricatures d'humoristes professionnels, qui ont un statut spécifique, un droit de "transgression codée". Mais je crois fermement qu'on ne doit pas l'insérer dans la polémique politique ordinaire, y compris et même surtout si on est de gauche.

Il est vrai qu'il m'est arrivé dans un 1er billet posté sur ce site de me moquer fugitivement du fait que (comme Chirac n'assumait pas un handicap auditif) Sarkozy n'assume pas sa petitesse, abuse des talonnettes, se hisse sur ses doigts de pieds, impose autant que possible aux photographes de le grandir. Mais ce n'est pas du tout la même chose que railler la petitesse en tant que telle : c'est même le contraire. Dans un cas on moque un désavantage physique dont le porteur est victime comme s'il était en réalité coupable, comme si le fait d'être « petit » justifiait l'injure, le stigmate, l'humiliation. Dans l'autre on moque la vanité d'un homme qui adhère à la norme selon laquelle il est indigne d'être petit, qui triche pour apparaître plus grand qu'il n'est et qui se désolidarise bien sûr de ceux qui partagent ses caractéristiques, comme si elles étaient honteuses. Les photos où Sarkozy est artificiellement grandi invitent donc légitimement à l'ironie, ni plus ni moins que les portraits qui, conformément à une ordonnance légale, embellissaient au XVIème siècle une reine anglaise soucieuse « même à l'âge de 70 ans, qu'on l'entretînt d'un avantage dont elle ne fut cependant que médiocrement douée » (cf. Le livre des singularités).

Je ne crois pas que cette distinction soit marginale, que cette question soit un détail. Un des fils majeurs de discussion sur Mediapart est « Qu'est-ce qu'être de gauche? Quelles sont les valeurs qui fondent l'identité de gauche? Qu'est ce-qui, intimement, profondément, noue le coeur et les tripes à gauche? ». Or une des dimensions qui m'a paru insuffisamment soulignée est celle de la résistance réflexe, viscérale, au mépris que se croient parfois en droit d'exercer ceux qui jouissent de tel ou tel avantage. Pour le dire très simplement, il me semble que dans le sentiment que j'éprouve d'être « à gauche » il y a, comme allant de soi, l'allergie aux pratiques d'arrogance et d'humiliation, qu'elles soient le fait du nanti tenant pour une tare la privation de Rolex, du détenteur d'autorité brimant un sans-grade, du fort bousculant le faible ou de tout autre bénéficiaire d'une propriété socialement avantageuse (fût-ce l'apparence physique valorisée à une période et en un lieu donné) narguant, selon le schéma de la « double peine », celui ou celle qui en est privé.

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