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Billet de blog 18 décembre 2025

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Le "souverainisme des rues" en Afrique a ses limites

Depuis un moment plusieurs pays africains débaptisent des rues portant des noms liés à la période coloniale pour les remplacer par ceux de personnalités locales. Une opération qui ne résout pas le problème d'adressage auquel nombre d'états du continent sont confrontés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est devenu une mode au Sahel. Du Sénégal au Niger en passant par le Mali et le Burkina, on veut, en plus du départ des soldats français, débaptiser des rues évoquant le passé colonial et les remplacer par des noms de figures locales. Un changement opéré à la faveur de l’arrivée à la tête de ces états de dirigeants qui ont fait du nationalisme le marqueur de leur régime. Et parmi les exemples de cette tendance, le changement de nom à Dakar du boulevard du Général de Gaulle désormais appelée « Mamadou Dia », du nom de l’un des principaux artisans de l’indépendance du pays de la Téranga.

Cette poussée souverainiste est compréhensible et attendue car à un moment ou un autre, une ancienne colonie éprouve le besoin de se débarrasser des symboles du passé et de se réapproprier son identité. Cependant les instigateurs de ce bouleversement ont choisi des symboles et ne s’attaquent pas à un problème plus profond et plus global: l’appellation des rues en Afrique. En général ce sont les quartiers résidentiels et ceux où étaient établis les colons qui en disposent alors que ceux périphériques sont oubliés.

J’ai encore fait dernièrement le constat de cette situation lors d’un séjour au Sénégal et plus précisément à Dakar. Pour me rendre chez des proches aux Parcelles assainies, un quartier périphérique, le chauffeur de taxi me demande où j’allais précisément. Je lui réponds que lors de mon dernier séjour, il y a une décennie, la rue n’avait pas de nom mais peut-être que les choses avaient changé. Mais je lui dis quand même que la maison où je me rendais se trouve « entre la mosquée et l’église ». Il me dépose à côté et je poursuis le reste du chemin à pied. Et comme je m’y attendais la rue n’avait toujours pas de nom. Et quelques jours après, j’ai voulu rendre visite à ma petite soeur au quartier Petit Mbao. Pour retrouver la maison, elle me demande de dire au chauffeur que c’est à côté des « Trois manguiers ». De fil en aiguille on arrive au lieu indiqué mais aucune trace des arbres. « Je pense qu’ils ont été coupés il y a longtemps ! », fis-je. Par la suite, elle me dit encore que chez elle c’est tout près d’une boulangerie.    « Et si celle-ci fermait ? », lui dis-je.

C’est souvent un parcours de combattant pour trouver une simple adresse. Et ç’est là où le bât blesse. En effet beaucoup de pays s’attaquent à des symboles et oublient de voir la situation dans sa globalité. L'adressage n'est pas une priorité alors qu'il est d’une importance capitale pour les déplacements des services de secours, la livraison de colis,  la distribution de courrier, des marchandises, des courses, l’accueil de touristes, etc.

Le « souverainisme partiel » des rues, qui ne concerne que l’aspect colonial, est une vision courte. Il faudrait plutôt profiter de cet élan nationaliste pour donner un nom à toutes les rues. Et il est fort à parier que le nombre de rues à débaptiser est infime par rapport à celles qui attendent depuis longtemps qu’on leur attribue enfin un nom. Et, heureusement, de nouvelles entreprises, s'emploient à pallier ce manque. Parmi elles figure FindMe ("trouve-moi" en anglais), une start-up créée en 2021 par Brandon Wanguep, un jeune camerounais installé au Sénégal. Sa mission: proposer en un rien de temps "une solution fiable, utile et sécurisée pour permettre à chaque foyer africain d'avoir une adresse postale aux normes internationales". 

Ibrahima  Athie

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