J'écris ici à titre personnel sans prétention à représenter qui que soit si ce n'est moi-même (cf. quelques notes autobiograpiques en fin de billet).
Abonné et lecteur assidu de Médiapart (la rédaction et les blogs), j'ai lu de nombreuses réflexions pertinentes ces dernières semaines.
Les dangers de l'état d'urgence, le malaise et le mal-être de la société française ; dans sa peur du terrorisme, dans l'expression de son vote et de son abstention; cela a été analysé souvent avec rigueur et détails et commenté souvent avec finesse (pas toujours, certes mais j'aimerais me concentrer sur les aspects positifs).
Il me semble se dégager de ces textes trois points forts:
-la résistance à la dérive sécuritaire et autoritaire actuelle (dans la majorité ou dans l'opposition);
-un refus de la peur et de l'angoisse généralisées : peur de son prochain ou de son voisin, angoisse de l'avenir etc
-la conviction qu'un autre système est possible : tant dans le fonctionnement de la représentation que dans le fond des propositions.
Cependant ces lectures se terminent souvent par une déception qu'un commentaire lu résume assez bien : "avec qui ? comment ?"
Ce sentiment d’impuissance (ou de ne pas savoir par où commencer) m'a d'abord frappé suite à la manifestation du 29 novembre : autant l'inadmissible répression a été bien documentée autant la suite logique n'a pas été esquissée : ne pas laisser la rue, les places de nos villes aux forces de l'ordre et à l'armée en se retrouvant à la même heure au même endroit le 6 décembre. Je comprends parfaitement la peur de repasser 24 ou 48h en garde à vue, la peur des violences ainsi que la peur de représailles plus sournoises (carrière bloquée, mise à l'index, etc.) mais quand même ...
Pour ne plus être spectateur de ma société , une réponse simple (simpliste peut-être) s'est doucement imposée comme un commencement :
J'irai le 1er Janvier place de la République et j'aimerais ne pas être seul. Cette envie individuelle offre une première réponse, un premier pas de fourmi au commentaire précédemment cité : tous ensemble en commençant par reprendre notre droit à manifester nos convictions.
Le premier Janvier est le symbole fort d'un renouvellement. Le 7 Janvier (en mémoire de l'attentat contre Charlie Hebdo) ou le 10 Janvier (le dimanche suivant) sont aussi des dates symboliques importantes. Des raisons personnelles (cf. fin de note) mais surtout l'idée qu'une nouvelle année commence qu'un renouveau est possible me font préférer la date du 1er.
J'irai place de la République pour me recueillir et rendre hommage aux victimes des attentats qui ont endeuillés le début et la fin de l'année 2015.
J'irai surtout pour mon droit à manifester mes convictions.
Celles-ci je les ai déjà exprimées :
-l'état d'urgence doit cesser ainsi que la dérive sécuritaire qui l'accompagne. Que l'on songe à la vague d'attentat de 86 : parfois un attentat par jour (3-4-5 février) parfois un attentat tout les 3 ou 4 jours (4 au 17 septembre). Si le mode opératoire des année 80 est moins effrayant et meurtrier qu'aujourd'hui la répétitions des actes est terrifiante. Si par la suite la législation a évolué, je ne crois pas que la Nation (pouvoir, média, ressenti collectif) ait sombré dans ce que nous vivons aujourd'hui.
-Le système actuel ne changera pas par le haut. "Le changement c'est maintenant" disait l'un... Le changement viendra surtout d'en bas ; de la somme de nos actions individuelles et je vois bien qu'il sont nombreux déjà à emprunter cette voie.
-Il nous faut combattre la peur et la division qui se sont enracinées dans notre société. Combattre la peur de l'autre : du voisin qu'on ne connaît pas à celui qui nous paraît étranger parce qu'il nous est inconnu. Combattre ce qui nous divise pour chercher et défendre ce qui nous rassemble.
L'urgence temporelle me semble être la lutte contre l'état d'urgence : que se passera t il dans 2 mois, le gouvernement prendra t il le risque de lever l'état d'urgence car le risque d'attentat aurait diminué ... Laisserons nous un parti d'extrême droite arriver aux portes du pouvoir sous un régime d'exception (je note ici que si les résultats du second tour des régionales est plutôt positif, ils n'effacent pas les résultats du premier tour et la situation reste des plus préoccupantes). Que se passera t il en cas de nouvel attentat ? Le pouvoir déclarera t il l'état de siège dans une fuite en avant sécuritaire ? Le régime d'exception d'aujourd'hui doit cesser au plus vite.
L'urgence politique me semble être celle du rassemblement dans l'action. Avant de réactiver les querelles d'ego (absurdes) et les divergences d'opinions (il est normal que nous ne soyons pas tous d'accord sur tout), il nous faut nous réunir autour de principes communs forts et partagés. Paradoxalement, en ces temps d'un patriotisme exacerbé qui me dérange, il me semble que l'ensemble des citoyens français peuvent partager ensemble l'idéal de notre devise
Liberté - Égalité - Fraternité
Je sais bien que nombre des fanatiques de nos symboles ne partagent pas mes convictions ni ma perception de mon pays. Je sais bien aussi que pour nombre de mes concitoyens ces mots ne pèsent pas plus que le vent produit par leur énonciation. Dois-je pour autant abandonner l'idéal dont notre devise est porteuse aux tenant de la haine de l'autre ? Non, Je ne le veux pas. Je ne le peux pas.
Je veux réaffirmer la force et l'espoir de ces trois injonctions
Liberté - Égalité - Fraternité
Je veux les manifester place de la République en ce début d'année.
L'exigence de liberté impose la fin de l'état de l'état d'urgence
L'égalité, en ces temps difficiles, exige la fin de l'arbitraire préfectoral pour qu'à nouveau nous soyons égaux face à la justice.
La fraternité est notre union, la possibilité d'un rassemblement autour de la lecture suivante :
C'est notre fraternité qui donne le sens de notre liberté et de notre égalité.
Notre fraternité ouvre la voie pour que l'égalité, proclamée aux frontons de nos écoles, ne soit pas que de papier et pour qu'elle s'inscrive enfin dans notre quotidien.
Notre fraternité ouvre la voie d'un rassemblement au-delà de mon environnement (lecteur de médiapart, universtaire, formé à Paris, etc.)
Me sentir frère de chacun de mes concitoyens n'est pas évident tant mes désaccords avec certains d'entre eux sont nombreux. Mais c'est un pas que je me dois de faire pour nous retrouver. Faire ce pas me permet de m'ouvrir à toutes les bonne volontés, à toute les initiatives pour construire un autre avenir.
Et après me demandera t on ? Il faut bien commencer quelque part. La suite semble déjà esquissée même si ce n'est là encore qu'un début :
- strict encadrement des mandats
- Répression de la délinquance en col blanc en particulier quand il s'agit d'argent public
- Ne plus considérer la croissance du PIB comme le seul indicateur pertinent
- etc
Pour tout cela le 1er Janvier 2016, j'irai place de la République,
une bougie pour la statue
des fleur pour offrir
la fraternité dans le coeur
pour défendre la liberté
Ismaël Soudères
-------- Note biographique -----------
En quelques mot et simplement :
Je suis citoyen français, homme blanc, d'environ 30 ans, universitaire (mathématicien).
J'ai grandit à Paris, j'ai vécu à Saint-Denis.
Pour des raisons professionnelles, je suis résident allemand.
Je m'appelle Ismaël et comme chacun d'entre nous je m'inscrit dans une histoire bien plus complexe que les trois lignes précédentes.