Lettre ouverte en réponse à la tribune du Monde signée par notre direction
Il n’y a pas de blocage au lycée Diderot et tous les professeurs qui souhaitent faire cours le peuvent. Qui sont à Diderot « ceux qui sont épuisés de ne plus exercer leur métier » ?
En signant cette tribune, vous sous-entendez que le lycée connaît lui aussi des « violences », des « perturbations quotidiennes ». En cela, vous nuisez à l’image du lycée.
Oui, « les élèves sont désorientés et à cran » à Diderot. Nous vous en alertons depuis les conseils de classe du premier trimestre notamment. Nous essayons collectivement de soutenir les plus fragiles. Mais êtes-vous bien sûr de pointer la bonne cause ?
Oui, le lycée est perturbé par un mouvement de grève. N’avez-vous rien à dire à ce sujet ? Etes-vous satisfaits de la réforme des retraites dont les enseignants, et plus encore les enseignantes, seront les grands perdants ? Etes-vous satisfaits de la désaffection pour le métier d’enseignant ? Etes-vous satisfaits de la mise en place de cette réforme ? Etes-vous satisfaits des moyens qui sont alloués aux « plus vulnérables » ? Etes-vous sûrs que, quand tout va bien, tout va bien ?
« Ce sont les plus vulnérables qui paient le plus lourd tribut ». Pensez-vous que, nous qui enseignons, parfois depuis le début de notre carrière, dans des établissements publics, périphériques parfois même relégués aux marges de la République, n’avons pas nous aussi constaté que dans notre République tous n’ont pas le même « droit à l’éducation » ?
Le 16 janvier, votre syndicat majoritaire, le SNPDEN, a demandé la suppression des E3C (au profit d’un contrôle continu). Mais ce n’est pas médiatiquement cette position qui restera de vous.
De tout cela, il n’est pas question.
Vous avez la chance de pouvoir publier une tribune dans Le Monde. Vous êtes écoutés, relayés. Nous citerions volontiers cette phrase que les élèves connaissent bien : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Vous évoquez l’épuisement d’enseignants empêchés de faire cours ou le vôtre engagés physiquement « à l’aube », occupés toutes « les matinées ». Si nous avons des doutes sur l’existence des premiers à Diderot, nous n’en avons aucun sur la charge qui pèse sur les chefs d’établissement. Mais cette fatigue est-elle imputable aux seuls blocages ? N’avez-vous pas cette année des missions alourdies, une réforme impréparée à mettre en place, seuls ?
Vous n’avez pas un mot pour évoquer l’énergie et l’engagement de ceux qui à l’Education Nationale ou ailleurs sont en grève, manifestent et passent leur temps à se réunir, à débattre, pour que « vive une réelle expression démocratique ». Sont-ils tous les jusqu’au-boutistes que vous opposez de façon réductrice à « ceux qui sont épuisés de ne plus exercer leur métier » ? Opposition binaire, caricaturale qui satisfera certainement un ministre qui parle, lui, de « radicalisés ».
Rien à dire non plus sur ces formules-là sans doute… Par devoir de réserve ?
Les enseignants du lycée Diderot réunis en assemblée générale ce 27/01/2020