Un frisson sur l'horizontalité
... les êtres, les mots, sont des oiseaux de mer ; ils s'effacent d'un trait au large d'une nuit en nous offrant le vide ; subtil coup d'ailes, instant de nudité où l'on se sent tout à coup entouré de milliers d'enfants qui dévalent en riant les ruelles insondables de l'absurdité du monde
celui-ci se tient immobile au pied d'une fresque immense adossée à trois montagnes
il retouche ce triptyque des yeux :
Bosh ?
Mazilu ?
Van der Weyden ?
ses doigts frémissent : un paysage aride se cristallise, des nappes de poussière lourdes comme de l'eau vallonnent et s'évanouissent dans des combes avant de rejaillir en milliers de trombes brassant du vivant agglutiné, du grouillant éperdu
vers le couchant, les flaques ont déserté la baie
les silhouettes s'allongent
il reconnaît Tombelaine
plot chétif
caveau des petites morts
pimpesouée dans l'ombre portée de l'archange voisin
désormais sans morgue
sans orgues
sans chapitre
sans Merveille
voyeur extravague du bain des belles d'estran, son écume était de celle dont se drapaient les femmes quand sonnait l'heure des oraisons marines, mais les civilisations n'auront été qu'une ride, un frisson sur l'horizontalité
une transparence lui prend la main et l'invite à rejouer la scène des chaises bleues, les haies d'aubépine, la moisson des guérets ; il tourne sur lui-même, la tête basculée en arrière ; c'est une danse ; la poussière l'enveloppe, le grise jusqu'au déséquilibre où il tombe et se retire...
inspire l'absence une fois encore
trace des signes dans le sable, prolonge du bout des doigts les graphes laissés par les pattes d'un scarabée, ramasse d'une main le sable et les signes, lève le poing à hauteur des yeux et desserre peu à peu l'étreinte de ses doigts... le sable sec tombe en pluie en soulevant un nuage ocre
une bourrasque chaude lui renvoie au visage la poussière du désert
le désert ?
vide inconsolé
l'enfant au visage de sable pose son regard sur l'horizon lointain des collines de Gnosis ; au pied des blocs de grès rouge, par-delà les pentes qui s'en vont mourir dans l'océan, s'étalent des champs d'oliviers, injure pers faite à une infinité de nuances allant du pourpre au rose