Gérald Darmanin, premier flic de France, a été questionné sur la position gouvernementale vis-à-vis des groupuscules d’extrême droite. Cette interpellation a été formulée par David Guiraud, député LFI de la 8ème circonscription du Nord, lors d’une séance de questions au gouvernement au palais Bourbon le 13 décembre. Lors de son intervention, il rappelle que ses camarades Louis Boyard et Carlos Martens Bilongo, tous deux députés insoumis, ont été la cible d’une attaque d’extrême droite à Bordeaux. Dans des vidéos largement relayées par les réseaux sociaux, on peut voir une vingtaine de militants, masqués, tenter de forcer l’entrée d’une conférence tenues par les deux parlementaires. Sur l’une des vidéos, on parvient même à entendre un des agitateurs estimer que la « La France elle est à nous, pas à vous ! ». Dans la continuité de cette action, des tags à caractère raciste, attribués par la direction de l’université de Bordeaux Montaigne à l’Action française et à la Cocarde étudiante, ont été retrouvés sur les murs de l’établissement. Début novembre, Carlos Martens Bilongo avait essuyé une injure raciste du député Rassemblement National (RN) Grégoire de Fournas, qui avait crié en plein hémicycle « Qu’il retourne en Afrique ! », alors qu’il défendait l’accueil de l’Ocean Viking sur le territoire national. Depuis, le député du Val d’Oise est la cible d’attaques racistes, xénophobes, récurrentes. Dans un tweet en date du 6 novembre, le syndicaliste policier Bruno Attal l’accuse de manière à peine sous-entendue d’être antisémite. Plusieurs articles de Mediapart et de Libération avancent qu’il s’agit d’une fake news destinée à nuire à la réputation de Carlos Martens Bilongo. Par ailleurs, plusieurs affiches reprenant la phrase du député de Fournas ont fleuri à plusieurs endroits en France, comme à Wattrelos en fin novembre. Quant à Louis Boyard, son altercation sur le plateau de Cyril Hanouna le 11 novembre dernier n’est pas si lointaine. Pour rappel, on avait pu assister à une séquence télé, inédite par sa brutalité, au cours de laquelle Cyril Hanouna, présentateur sur C8 (propriété de Vincent Bolloré) de l’émission Touche Pas à Mon Poste (TPMP), se permettait d’injurier copieusement un parlementaire en direct à une heure de grande écoute. Autant dire que les deux camarades font partie des (nombreuses) bêtes noires des milieux d’extrême droite.
Pendant sa prise de parole, David Guiraud reproche aux forces de l’ordre, pourtant stationnées non-loin du lieu de l’évènement, de n’avoir pratiqué aucun contrôle d’identité sur les militants venus attaquer la conférence. La direction de l’université, quant à elle, indique toutefois que la police est bien intervenue pour « disperser les agitateurs ». Sans contester le fait que les policiers n’ont procédé à aucun contrôle, Darmanin affirme en réponse que ses services sont parvenus à identifier plusieurs individus parmi les militants et qu’une enquête a été ouverte. Néanmoins, peut-on réellement attendre des suites de ce ministère ?
En début de question, David Guiraud interroge : « dites-nous pourquoi l’Etat hésite encore à dissoudre ces groupuscules bien identifiés, notamment l’Action française, qui est une organisation séparatiste, comme son slogan “Décapitons la République” l’a montré par le passé […] ». Sait-il seulement que, ce faisant, il s’adresse… à un ancien de l’Action française ? Les liens que Gérald Darmanin a entretenu pendant ses jeunes jours avec ces royalistes ne sont plus à prouver. S’il est bien connu que le ministre avait appelé pendant la Manif pour tous à marcher contre le droit au mariage pour tous, ses anciennes connivences avec le milieu de l’Action française sont sans doute moins exposées. Alors âgé de 26 ans, en 2008, le futur ministre de la Vème République, délégué de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) dans le Nord, se fend de l’écriture de quelques articles dans le mensuel d’extrême droite Politique Magazine, organe de presse rattaché à l’Action française. Une erreur de parcours ? Selon Anne-Sophie Mercier, journaliste au Canard Enchaîné, Darmanin adopte bien, dans cette période, une position de catholique traditionnaliste à « tendance intégriste ». En lui demandant de dissoudre la mouvance, l’insoumis toque donc à la mauvaise porte.
Cela se sent d’ailleurs dans la réponse apportée par le ministre. Celui-ci ne promet rien, et se contente de condamner des « évènements inacceptables », ainsi que les « atteintes portées aux parlementaires ». Tout juste garantit-il qu’une fois les dossiers de surveillance sur les groupuscules complétés ils seront portés en conseil des ministres pour acter une dissolution. Cela a de quoi rassurer, lorsqu’on sait qu’un an après les faits, l’enquête sur l’agression par les Zouaves des militants de SOS Racisme est au point mort. Le ministre se permet même de vanter l’utilité de la loi « séparatisme » pour lutter contre les groupes d’extrême droite. En mauvais esprits, nous pourrions y voir une certaine ironie, sachant que cette loi a essentiellement été pensée dans le cadre d’une offensive islamophobe dans le débat public et parlementaire.
L’intervention de David Guiraud, relayée par son compte twitter, relevait sûrement plus du coup de com’ que d’une véritable démarche législative. On s’interroge toutefois sur ses effets. A-t-elle seulement été utile à l’antifascisme, ou plutôt permis à Darmanin de faire bonne figure, tout en promouvant une loi liberticide ?