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Billet de blog 16 décembre 2022

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Prison ferme requise pour les cagoulés de Montpellier

Quatre membres du commando qui avait attaqué les étudiants mobilisés dans la faculté de droit en 2018 contre la loi Orientation et Réussite des Etudiants (ORE) se sont pourvus en appel. L’absence de remise en question des prévenus, liés à l’extrême-droite, a poussé le procureur à demander la confirmation de leur peine prononcée en 2021.

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            Aux origines de cette affaire, on trouve l’expédition de plusieurs dizaines de personnes, encagoulées, dont plusieurs se sont livrées à des violences sur des étudiants à Montpellier. Ces derniers avaient organisé un blocage de leur établissement pour protester contre la loi ORE. Bien évidemment, la direction ne cautionne pas l’occupation des lieux, mais la tolère, sûrement pour éviter de faire des blessés ou d’exacerber les tensions. Le préfet, saisit sans trop de conviction par la direction pour intervenir, partage ce point de vue. Si des camions de CRS stationnent non-loin des locaux occupés le 22 mars 2018, aucune opération n’est menée pour déloger les étudiants. Conscients de ce répit après une journée de mobilisation, ces-derniers se reposent et se vident la tête sans chahut à l’intérieur du bâtiment, qu’ils comptent occuper pour la nuit. Néanmoins, à minuit, et malgré la porte fermée de l’établissement, un commando encagoulé parvient jusqu’aux protestataires. S’ensuivent des scènes de violence brute et éminemment politique. Les occupants sont frappés, parfois au sol, au niveau de la tête, par des militants armés de planche de bois, de gourdin, de gants renforcés. Tout porte à croire qu’il y aurait même eu des tirs de Taser. Au milieu du chaos, des étudiants parviennent à identifier au milieu des assaillants Jean-Luc Coronel, professeur de droit, et Phillipe Pétel, doyen de l’université.

            Il ne fait aucun doute qu’à eux seuls, les deux hommes auraient été bien en mal de libérer les locaux de l’occupation à laquelle ils étaient opposés. Aussi ont-ils pu compter sur des renforts de taille. C’est ce qu’avance Martial Roudier, selon qui ce sont en majorité des étudiants qui ont composé le commando. Le témoignage est toutefois à prendre avec des pincettes, compte-tenu qu’il semble ériger les bloqueurs en activistes violents et déterminés, ce qui colle mal à la description faite du déroulement de la soirée par les différents témoins. Martial Roudier est le fils de Richard Roudier. Avec son frère et son père, ils dirigent la Ligue du Midi, une mouvance identitaire connue en Occitanie pour l’agitation qu’elle y provoque. Parmi ses actions coups de poing, on trouve le saccage d’un local associatif militant pour l’accueil des migrants en 2017. Chez les Roudier, les frères et le père ont tous été condamnés à de la prison ferme, en raison des bagarres et des intimidations qu’ils provoquent, ainsi que de leur manie à porter des armes sans permis. Martial avait même été condamné en 2013 pour avoir poignardé un militant antifasciste, âgé de 16 ans, dans le dos. L’Humanité révèle aussi qu’il présidait un comité de soutien à l’assassin de l’antifasciste Clément Méric. Autant dire que, déjà à l’époque, les Roudier font passer le Front National (FN) d’alors un parti modéré.

            Avec Roudier, Thierry Vincent se permet également d’insister sur le caractère violent des occupants de la faculté, des « professionnels de l’agitation », des « anarchistes ». Le colonel à la retraite est le seul à assumer pleinement son implication dans les violences. Entre deux comparaisons avec l’attaque terroriste du Bataclan (les étudiants sont comparés aux terroristes ayant fait 90 morts et des centaines de blessés le 13 novembre 2015), l’ancien militaire minimise ses exactions, parlant de « violences raisonnables ». Pour lui, le doyen Pétel « aurait dû être félicité ».

            Et quel est le rôle dudit doyen dans cette histoire ? On sait aujourd’hui que si l’ancien doyen n’a pas commis lui-même de violence, on l’a vu discuter avec les membres du commando durant l’action. En 2021, il écope de 18 mois de prison avec sursis pour son rôle supposément central dans la planification et la mise en œuvre de l’attaque. Au centre de son implication, il est notamment soupçonné d’être la personne à avoir ouvert la porte (alors verrouillée) de l’établissement aux attaquants. Les prévenus Coronel et son épouse Patricia Margand insistent d’ailleurs tout au long de leur procès en appel sur la responsabilité première du doyen, figure, selon eux, de l’autorité légitime. Or, Pétel, contrairement à ces deux personnages, ne s’est pas pourvu en appel, reconnaissant « sa faute en acceptant le projet qu’on lui avait présenté » selon son avocate. Précisons également que Pétel est le seul prévenu à ne pas entretenir de liens avec les milieux d’extrême-droite au moment des faits. « Il a bon dos, Philippe Pétel ! », résume l’avocat de la partie civile (l’université). Agacé par la charge du couple faite au doyen, il rappelle que « les absents ont toujours tort ».

            Au cours du procès en appel, le président de la cour revient sur le rôle central dans l’instigation de cette opération, attribué en première instance non pas à Pétel mais bien à Patricia Margand. Elle rejoint son mari Jean-Luc Coronel le soir des faits devant la faculté. Elle est accompagnée de nombre de ses amis, tous acquis à des degrés divers à l’idéologie d’extrême-droite, qui formeront le gros du commando. La sympathique bande revenait alors d’une soirée anti-PMA organisée par la Manif pour tous au château de Flaugergues, demeure de la descendance d’une famille notable de Montpellier. Selon Mme Margand, qui a ramené tous ses amis militants devant une fac occupée pour y rejoindre son mari, qui semble être le dénominateur commun à tous les membres du commando ayant pu être interrogés, c’est le doyen Phillipe Pétel qui lui demande, très intéressé, d’utiliser ce renfort providentiel pour mettre à exécution un plan qu’il a lui-même élaboré pour débloquer les locaux. De manière fort pratique, ces individus d’extrême-droite tombant à pic pour violenter les farouches bloqueurs se trouvaient justement être en possession de cagoules. Interrogée au sujet de ces accessoires, Patricia Margand peine à expliquer que ses amis en disposaient. Selon elle, les cagoules étaient nécessaires au service d’ordre que ses compagnons assuraient pour la soirée anti-PMA, ce qui explique pourquoi ils les avaient encore, une fois arrivés devant la faculté. Etonné, un assesseur demande : « Ils avaient besoin de cagoules pour faire le service d’ordre ? ». Margand répond alors simplement que « ça se fait », et nous n’aurons guère plus d’éléments à ce sujet, puisque la prévenue se mure dans le silence lorsque son interlocuteur tente d’en savoir plus.

            Face à une bien maigre défense, et à une stratégie de défausse des responsabilités sur Phillipe Pétel, il est à prévoir que la cour d’appel confirmera les peines prononcées en première instance. Se pose à présent la question du retour de Jean-Luc Coronel en qualité de professeur de droit à l’université de Montpellier. Le personnage est proche de l’extrême-droite et a eu l’occasion de côtoyer Renaud Camus, théoricien complotiste du « grand remplacement » début décembre, comme le souligne Mediapart. Interdit pendant quatre ans d’exercer son métier, le professeur pourrait reprendre les cours dès 2023, dans la même faculté où il est accusé d’avoir porté des coups à des étudiants. Forcément insatisfaits de cette situation, le ministère de l’enseignement supérieure et la direction de l’université ont fait recours pour acter le renvoi définitif du professeur, qui pourrait être muté pour l’intérêt du service en attendant que la Justice statue définitivement sur son cas.

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