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La mort d’Axelle Dorier
Ce procès était celui de Youcef Tebbal et Mohammed Yelloule. Le premier était accusé d’avoir causé la mort, le 19 juillet 2020, d’Axelle Dorier, en lui roulant dessus et en la traînant sur plus de 800 mètres avec son véhicule. Au second, on reprochait de ne pas avoir porter assistance à la « personne en danger ». A l’origine du procès, il y a donc un homicide d’une violence inouïe, rare. Le soir de son anniversaire, Axelle Dorier perd la vie dans une douleur que l’on devine insupportable. Ses frères étaient présents lors des faits. L’un d’eux, Evan Dorier, retrouve le corps sans vie de sa sœur. A la lecture du récit qu’il livre à France 3, insoutenable, chacun devinera qu’il est durablement marqué par la violence dont il a été témoin. Son frère, Théo, est la personne qui a prévenu sa mère du décès de la jeune femme. L’émotion est donc vive. Pour la défense, Youcef Tebbal a été pris de panique alors qu’il était cerné par des amis des Dorier, et aurait percuté puis traîné Axelle « sans s’en rendre compte », et ce pendant 800 mètres. Mohammed Yelloule était son passager, et il est accusé d’être resté passif durant cette course mortifère.
Un verdict qui ne sera pas rediscuté, sauf par l’extrême-droite
Il ne s’agit évidemment pas ici de refaire le procès, ni de s’étaler sur un fait divers aussi sordide. MM. Tebbal et Yelloule ont respectivement été condamnés vendredi dernier à douze ans de réclusion criminelle et à cinq ans de prison, dont deux fermes, mais aménageables. Aucun des deux partis ne souhaite faire appel, l’avocat des plaignants estimant qu’il s’agit « quand même de douze années » (contre seize initialement requises) et la défense se satisfaisant d’avoir « gagné quatre ans ». L’affaire aurait pu (aurait dû ?) s’arrêter là. Toutefois, le drame de la disparition d’Axelle Cordier, comme celui de la petite Lola avant lui, a été récupéré par une large frange de l’extrême-droite. Elle court ici de Mathieu Valet, porte-parole d’un syndicat de commissaires, fustigeant « des années d’impunité pénale » aux identitaires des Remparts de Lyon.

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Les Remparts s’invitent au procès
Depuis le début du procès, le 13 janvier, les Remparts s’emparent régulièrement du sujet. Selon eux, « Axelle est le symbole d’une jeunesse héroïque et martyre ». De quel crime est-elle le martyre ? Réponse dans le même communiqué, en date du 20 : « L’ensauvagement et l’insécurité sont les produits de l’immigration massive et du laxisme judiciaire » (le crime, c’est donc l’immigration en soi). Dès le 16 janvier, les Remparts se mettent en scène, taguant à même le goudron « Justice pour Axelle », d’une écriture blanche marquée ponctuellement par du rouge pour évoquer les traces de sang laissée par la victime écrasée sous la voiture. La mort d’Axelle est recréée dans sa dimension la plus violente. « L’immigration tue », insistent-ils.

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Toujours dans cette logique xénophobe, ils se rassemblent le soir du 20 devant le tribunal, dans l’attente du verdict. Ils déploient alors une banderole : « Youcef, Mohamed, Assassins de mon peuple ». Ce message est évidemment à caractère raciste, les prénoms des deux accusés étant supposés renvoyer à la criminalité intrinsèque de l’immigration maghrébine. Avec « mon peuple », les identitaires usent de la sémantique pour exclure l’immigration du « peuple » français. Le lecteur avertit aura compris que, par cette opposition, les militants d’extrême-droite tentent de faire le lien entre le drame qui a coûté la vie à Axelle Dorier et le concept de francocide, régulièrement repris par Reconquête !. Le principe est le suivant : les français sont tués (par l’immigration) car français. La mort d’Axelle résulterait non pas d’un terrible concours de circonstances (qui ne justifie en rien les gestes des accusés) mais d’une dynamique elle-même liée au « grand remplacement » de Renaud Camus. La jeune femme ne serait qu’une figure des meurtres systématiques commis à l’encontre des « français ». Portant fièrement leur message, ils défilent jusqu’à ce que leur marche soient arrêtée par les forces de l’ordre, dans un face à face que les Remparts ne manquent pas d’immortaliser en le publiant sur leurs canaux de communication.
Théo Dorier aurait effectué un salut nazi
La quiétude de la cour d’assises a également été troublée de l’intérieur. D’une part, des hommes, identifiés par les médias comme des proches de accusés, ont tenté de forcer l’entrée de l’audience en affrontant des policiers, jusqu’à en blesser l’un d’eux. D’autre part, des heurts ont éclaté à l’annonce du verdict. Lorsque les peines furent communiquées, une femme, vraisemblablement prise d'une crise de panique, n’a pu s’empêcher ni s’arrêter de crier. Une attitude perçue comme provocatrice par Théo Dorier, qui est sorti rageur de la salle d’audience et a brisé une fenêtre au passage. Avant de sortir, plusieurs témoins (deux journalistes mais également un huissier) ont affirmé qu’il avait effectué un salut nazi (ce qu’il conteste). Il est néanmoins l’objet d’une enquête pour « provocation publique à la haine ou à la violence ». Pour Maître Metaxas, avocat de Youcef Tebbal, ce geste confirme l’orientation à l’extrême-droite de l’entourage des Dorier. Il regrette ainsi de ne pas avoir pu mobiliser cet argument durant son réquisitoire, rappelant que l’accusé avait expliqué sa panique par la présence de skinheads parmi les personnes l’ayant encerclé. Durant le procès, l’avocat avait ainsi attribué la responsabilité de la surréaction de son client à un certain Clément, un ancien militaire, petit-ami d’Axelle Dorier, qui avait reconnu avoir violemment frappé le pare-brise du véhicule qui emporta la jeune femme quelques instants plus tard. Face à la mort violente dont elle a été victime, on ne peut que s’émouvoir. Face aux sordides récupérations et réinterprétations qui en sont faites, on ne peut que se désoler.