Ayant grandi en France et en Tunisie, deux pays que le terrorisme a bouleversé, j’écris aujourd’hui car on le sait, le souvenir a de tout temps précédé la cohésion sociale. Et nos constats sont terribles M. le terroriste, Salah Abdelslam.
La France est blessée.
Il eût existé une exception française qui justifiait que notre pays ait été la principale cible des djihadistes sur le continent européen, un spectacle tragique multiséculaire auquel le pays s’est hélas habitué. Car oui, l'Histoire de la France, ce pays de mon enfance au futur sans insouciance, est une histoire que tu ignores. Il y a la culture, la science, la solidarité contre quoi s’élèvent la colère, la folie, la haine, amalgame de sentiments destructeurs qui s’insurgent contre cette puissance démocratique à la tradition laïque et à l’interventionnisme imparfait. Nous sommes habitués aux attaques et aux agressions. D’autres avant toi, avaient au nom d’autres d’idéologies assassines attaqués l’esprit de liberté de Jean Moulin, le rêve d’égalité de Olympe de Gouges et la société de fraternité de Jean Jaurès, le bonheur des dames et la fierté des hommes d’un pays dont le travail de mémoire historique n’appelle ni à la déification ni au discrédit. Tu aurais aimé que l’on oublie, que l’amnésie se généralise mais ici, le peuple se remémore, le pays entier commémore. Nous avons sept ans plus tard, fait le choix du droit, de la justice, de la civilisation sans en opposer aucune, le choix du débat et de la vérité pour montrer au monde entier ce que tu es.
L’islam est blessé.
On sait combien le niveau d’éducation religieuse des tiens, petits soldats du djihadisme, est faible. Comment oser prétendre défendre une religion dont on bafoue les principes ? Le respect de la vie, la tolérance, la solidarité. Cesse alors de crier que Dieu est grand et laisse ce chant à ces autres croyants épris de paix et de liberté. Mon dieu est assez grand pour se défendre, il est grand et hais ta petitesse. Nous en avons marre de cette guerre des mots et des outrages qui nous oppose à ce que nous sommes et nous lie à ce que tu es. Tu es venu renforcer la méfiance envers tes supposées coreligionnaires qui ne cèdent ni à la folie ni à la haine, qui marchent silencieux dans la honte et la frustration, las de répéter que tout cela ne les concerne pas. Nous ne sommes pas la bête béate de violence et de barbarie que tu es devenue. L’islamisme t’a dévoré, la promesse de l’au-delà t’a fait oublier que l’humanité assassinée ici bas est plus précieuse que tout ce dont tu rêvais cette ceinture explosive autour de la taille.
Ton héritage d’horreur est une blessure que seule la cohésion sociale pansera.
Terroriste, tu n’es qu’un entrepreneur de peur et de colère dont le récit de terreur inspire les réseaux et les milieux radicalisés, une jeunesse à la foi fragile, à l’attachement national précaire, à l’éducation limitée. Ta responsabilité est grande dans ces dangereux passages à l’acte dispersés qui prospèrent. Ailleurs, partout dans le monde, tes frères d’armes continuent de tuer, dans les ruines syriennes, dans les écoles nigérianes, dans les ruelles afghanes là où par ta faute l’éducation décline, l’économie vacille, les droits des femmes reculent, des soldats dévoués meurent.
Terroriste, tu es un piège tendu à notre société, qui ne jure aujourd’hui que par des réponses majoritairement répressives et sécuritaires. Tu as favorisé l’émergence d’une génération de politiques populistes, nationalistes, autoritaristes qui utilisent la blessure que tu as faite pour justifier la haine et la violence qu’ils propagent alors qu'aujourd'hui, tous nos efforts doivent se concentrer sur l'aide aux victimes, la prévention de la radicalisation et la poursuite du devoir de mémoire nationale, souvent mésestimé. Tu es à l'origine de l’insécurisation de toute une population qui ne s’unît aujourd’hui que dans les bougies qui se creusent, incapables de se lier dans le combat contre les extrémismes. Tu es là source de la haine de certaines idéologies extrêmes qui tuent aujourd’hui à ta place. Nous retrouverons notre résilience à l'extrémisme, remplirons ces éternels silences par des sourires collectifs.
Terroriste, sache que la peur n’est plus. Nous savons les combats de justice et d’égalité que nous avons à mener et le monde est las de tout sang injustement versé. Mon affliction n’apaise certes pas la douleur de celles et ceux qui ont perdu un bout de leur vie mais il nous faut le dire, l’émotion demeure intacte pour honorer les victimes et la vie ici, continue ! Charlie court toujours et dessine des choses aussi belles que bêtes, les terrasses parisiennes ont retrouvé leurs airs de fête, nos soldats, nos policiers sont encore plus déterminés à protéger et servir, nos professeurs continuent de transmettre des bouts de liberté et de science.
Tu es, vil terroriste, entre quatre murs de prison. Impuissant, incapable, indigne. Et nous sommes ensemble pour espérer un jour être unis, apaisés, libres. Nous le devons aux victimes, à leur familles, aux blessés de ces attentats que l’on espère ne jamais revivre, ni ici, ni ailleurs. La tristesse nous unit mais la résistance mieux encore. L’idéologie que tu défends veut la guerre civile, nous répondrons par la cohésion sociale.