Les idéaux de la révolution dujasmin semblent aujourd'hui bafoués. Quelques pages facebook de militants dénonçant le gouvernement provisoire ont été censurées sur ordre du tribunal militaire de Tunis. Enquête.
L'armée censure : L'Agence Tunisienne d'Internet (ATI) révèle avoir reçu Mardi 10 Mai l'ordre par le Tribunal Militaire de Tunis de bloquer deux pages Facebook. La première page étant TAKRIZ, particulièrement connue de la jeunesse active et militante, le mystère plane encore sur l'identité de la seconde « web victime ». Ces mesures drastiques choquent la jeunesse cyberactive et créent une énorme zone d'ombre sur la transparence de ce type de manœuvre.
Pourquoi TAKRIZ ?: Il y a quelques semaines, le profil du militant Jalel Brick a été définitivement caviardé. Connu pour avoir tourné et fait circuler une vidéo dans laquelle il accusait de manière explicite le chef de l'état major tunisien de complot et de tentative d'avortement de la révolution, Jalel Brick a rejoint le mouvement TAKRIZ sous le pseudonyme « papy tak » et a continué sa campagne dénonciatrice, visant les trois principales figures du gouvernement provisoire : le président Foued Lembazaa, le premier ministre Béji Caied Essebsi, et Rachid Amar chef de l'Etat Major. « De ce fait, TAKRIZ devient une source de haine complètement accessible. On peut lire sur la page Facebook des rdv pour manifester, casser, troubler l'ordre public, et ça c'est inacceptable en cette période de transition que vit actuellement la Tunisie », rapporte une source militaire. Une décision qui semble donc raisonnable compte tenu de l'instabilité sécuritaire que vit le pays.
Censure légitime, mais est-elle légale ?: L'ATI est le grossiste fournisseur d'accès à internet en Tunisie, opérant sous la tutelle du ministère des Technologies de la communication. Ses principales missions se résument à servir l'accès aux fournisseurs de service internet, à gérer le domaine national (.tn), à lister l'adressage IP en Tunisie et à promouvoir l'accès auweb. « Il n'est en aucun cas question de jouer à la police online », déclare une source del'ATI. « Mais c'est la révolution, nous avons tous une responsabilité et un rôle à jouer pour la protéger. Si l'ordre public est menacé, et qu'il est de nos compétences d'y remédier, nous devons le faire par devoir patriotique », renchérit-elle.
Pourquoi est-ce une décision militaire ?Nous aurions pu nous attendre à une décision du Ministère de l'Intérieur pour ce genre de cas, surtout lorsqu'il est question d'incitation à la violence. Mais la décision de censure a été prise par le Tribunal Militaire de Tunis. Sur les pages censurées, nous pouvons lire qu'elles ont été filtrées en application d'une réquisition émanant du « Juge d'Instruction auprès du Tribunal Militaire Permanent de Tunis ». Le Porte Parole du ministère de la Défense nous explique que « Le ministre de la défense exerce les attributions qui lui sont dévolues par le code de justice militaire. La sûreté du pays est en jeu et ces actions hostiles que nous traquons visent le président de la République, le premier ministre et le général de corps d'armée, chef d'Etat-major des armées et chef d'Etat major de l'armée de terre.Une enquête judiciaire s'ouvrira pour examiner leurs (celles de TAKRIZ ndlr) déclarations préméditées - action qui relève uniquement de la justice qui travaillera demanière indépendante pour discerner le vrai du faux ».
Finalement censure ou condamnation ? L'absence de communication de la part du ministère de la défense et du juge d'instruction en charge de l'affaire pousse aujourd'hui les tunisiens, suspicieux et toujours méfiants, à douter de la légitimité de cette action. En effet, sur le banc des accusés, les partisans de TAKRIZ ont entamé une campagne de dénonciation, misant sur les nuances et insistant sur le mot « censure », l'ennemi de la jeunesse tunisienne depuis 23 ans. Le cas de TAKRIZ n'est malheureusement pas unique en Tunisie : de nombreuses organisations prônent la violence et la haine pour discréditer le gouvernement provisoire. Selon les autorités, il est donc légitime, dès qu'il s'agit de sûreté nationale, particulièrement en période d'instabilité que connaît actuellement la Tunisie, de condamner ce genre d'actions.