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Billet de blog 1 octobre 2025

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Avec Arfi contre le brouillard : trumpisme et post-vérité au service du clan Sarkozy

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Sarkozy, la post-vérité et le naufrage démocratique

Lors de l’émission En société du 28 septembre sur France Télévisions, Fabrice Arfi a mis les mots justes sur la dérive française : un vortex de trumpisme hexagonal, où la vérité se dilue et devient une simple hypothèse, une « version » de la réalité parmi d’autres. Cette mécanique de la post-vérité, déjà éprouvée aux États-Unis, menace directement notre démocratie.


Une situation absurde

La situation est pourtant limpide. Imaginez un homme déjà condamné plusieurs fois pour vols, surpris à deux heures du matin dans un musée après avoir brisé une vitre, en compagnie d’un complice notoire pour recel. Et parce qu’aucun tableau n’a encore été décroché, on décrète qu’il n’y a pas de preuve de vol. Absurde ? C’est pourtant ainsi que certains commentateurs décrivent les affaires Sarkozy : tant qu’il n’existe pas un « chèque libyen » libellé au nom du candidat, on ferait comme si les soupçons n’étaient qu’une construction.

Or, que voyons-nous ? Takkiedine, intermédiaire bien connu des ventes d’armes et de leurs commissions occultes, assis dans la même pièce qu’Hortefeux, Guéant et Senoussi dès 2005. Des retraits d’espèces avérés, des millions qui circulent via des circuits opaques, des rencontres documentées.

Et ce n’est pas un dossier isolé : le papier des Décodeurs du Monde du 25 septembre dresse la liste des innombrables affaires où le nom de Sarkozy revient – Libye, Bismuth, Bygmalion, Karachi, sondages de l’Élysée… Rarement un ancien président aura été cité dans autant de procédures judiciaires.


La vérité, pas une hypothèse

C’est là que le danger pointé par Fabrice Arfi prend toute son ampleur. Car face à ces éléments précis, graves et concordants, une partie des élites médiatiques choisit de renvoyer le débat à une querelle d’interprétations : la vérité ne serait qu’une version parmi d’autres. On ne parlerait plus de corruption, mais d’« hypothèse » de corruption. On ne verrait plus des preuves, mais des « récits concurrents ».

Cette rhétorique, c’est celle de la post-vérité. Elle a permis à Donald Trump de nier l’évidence, de qualifier les faits de « fake news » et d’imposer ses propres fictions. Elle menace aujourd’hui la France si nous acceptons que le réel soit relativisé au point de devenir invisible.


Qui trompe les Français ?

Contrairement à ce qu’affirment certains éditorialistes, ce n’est pas Mediapart qui prend les Français pour des imbéciles : en enquêtant, en publiant, en donnant à voir ce que d’autres voulaient cacher, ce média a respecté l’intelligence collective. Celui qui a rabaissé les citoyens, c’est Nicolas Sarkozy, promettant « je ne vous mentirai pas » à la Concorde en 2007 pour ensuite s’acoquiner avec Kadhafi.

Celui qui a rabaissé la fonction présidentielle, c’est lui encore, en introduisant le soupçon de corruption au plus haut niveau de l’État, en pactisant avec un dictateur terroriste, en transformant la démocratie en marché clandestin de valises de cash.


Des preuves multiples, pas des fictions

Répéter que « le document libyen est un faux » est un paravent commode, mais trompeur. L’accusation ne repose pas sur un seul papier : les flux financiers, les témoignages, les rencontres, les retraits sont multiples et dûment documentés. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire : ce sont les indices graves, précis et concordants qui forment la preuve. Et ils abondent.


Les vraies victimes

Dans ce brouillage organisé, on oublie les victimes réelles : les familles des 170 passagers tués dans l’attentat du DC-10 d’UTA, pour lesquelles voir la France pactiser avec le régime responsable est une blessure supplémentaire. On oublie aussi les Français eux-mêmes, trahis dans leur confiance démocratique, puisque l’élection de 2007 était entachée d’un financement illégal.


Le naufrage de la vérité

Le plus grave est peut-être ailleurs : dans cette incapacité de certaines élites à appeler un chat un chat, dans cette peur d’admettre que la République a eu pour président un homme qui a failli à l’État. Ce refus d’affronter la réalité nourrit le cynisme, alimente la défiance et ouvre grand la porte au trumpisme à la française.


Conclusion

La vérité n’est pas une hypothèse parmi d’autres. Elle n’est pas relative, discutable à l’infini, soluble dans le brouillard médiatique. Elle est ce qui distingue la démocratie de la tyrannie. Refuser de la voir, c’est cautionner le naufrage moral d’un pays.

Nicolas Sarkozy n’est pas victime d’un « acharnement judiciaire ». Il est l’acteur central d’un système de corruption et de mensonge qui a trahi la France. Et c’est seulement en nommant ce scandale, en l’assumant pleinement, que nous pourrons conjurer le vortex de la post-vérité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.