Le jour où je suis devenu fou
Je n’ai pas perdu la raison d’un seul coup.
Je l’ai perdue méthodiquement, face à une administration qui exige de ses serviteurs qu’ils deviennent aveugles, sourds et dociles — surtout quand ils travaillent trop.
À l’automne 2018, j’étais responsable de la sécurité de l’un des plus grands sites patrimoniaux de France, régulièrement classé parmi les trois préférés des Français.
Un site immense, prestigieux, laissé à l’abandon, où les pannes de sécurité s’accumulaient et où les alertes sérieuses devenaient la norme.
Je travaillais jour et nuit. Littéralement.
Parce qu’une collègue subordonnée ne faisait rien. Depuis trente ans.
Téléphone rivé à l’oreille, rumeurs distillées à longueur de journée, présence formelle, efficacité nulle. Tout le monde le savait. Tout le monde fermait les yeux.
Mais c’est moi qui posais problème.
Fin septembre 2018, je suis convoqué à Paris pour un entretien médical.
Motif officiel : des « conflits relationnels » avec cette collègue.
Absurde.
Totalement absurde.
Cette femme ne travaillait pas. Son absence de travail m’obligeait à une surcharge inhumaine. Et pourtant, l’institution avait choisi de considérer que le dysfonctionnement venait de celui qui faisait tenir le système.
Pire : je soupçonnais déjà cette collègue d’avoir tenté de me piéger physiquement. Des situations suffisamment graves pour me poser une question que personne ne devrait jamais avoir à se poser dans son travail : ma sécurité personnelle est-elle encore garantie ?
Mais le point de bascule eut lieu lors de cet entretien avec la médecine de prévention.
Le chef de la sécurité de l’institution — avec qui je collaborais depuis sept ans — affirma soudain ne pas comprendre pourquoi je lui écrivais.
Je cite presque mot pour mot ce que la médecin me répéta, docile :
« Monsieur, n’envoyez pas de courriels à Monsieur P., ce n’est pas votre chef. »
J’étais sidéré.
J’avais échangé près de mille courriels avec lui en sept ans.
C’est lui qui m’avait fait promouvoir.
C’est avec lui que j’avais obtenu une commission de sécurité favorable. Enfin, c'est surtout par mon travail que j'ai obtenu l'avis favorable, lui ne m'a pas aidé...
Il savait que j’avais organisé plus de vingt-cinq manœuvres de pompiers, piloté un plan de sauvegarde des œuvres, transmis des centaines de rapports.
Et soudain, cet homme ne me connaissait plus.
Pire encore : alors que je signalais des pannes de sécurité urgentes, personne ne me demanda comment elles étaient traitées, ni par qui.
Personne ne s’interrogea sur l’absence de réponse de ma hiérarchie.
La médecine de prévention ne déclencha rien.
Elle entérina.
L’absurdité des réactions face aux mensonges manifestes de mes chefs de service, de la DRH et de la médecine de prévention atteignait un tel niveau que je le dis aujourd’hui sans détour : j’aurais très bien pu y laisser ma peau.
Car lorsque des alertes graves sont ignorées, niées ou retournées contre celui qui les émet, ce n’est plus seulement un conflit administratif — c’est un danger réel.
Ce jour-là, je compris que je n’étais plus un professionnel confronté à des problèmes techniques, mais un problème à neutraliser.
J’avais pourtant alerté tout le monde :
mon chef direct, l’administrateur du site,
la chargée du patrimoine,
le chef de la sécurité de l’institution,
la médecine de prévention,
le commandant de la caserne de pompiers, qui me demanda, lui, de relancer ma hiérarchie.
Tous se défaussaient.
Chacun renvoyait vers l’autre.
Personne n’assumait.
Puis survint l’irréparable.
En début 2019, j’empêche un collègue violent de frapper un autre collègue.
Je stoppe une agression.
Résultat : je prends un avertissement.
La violence était tolérée.
Le rappel à l’ordre, puni.
La DRH entérina la sanction sur la base de déclarations mensongères, servant à masquer les absences et les manquements de ma hiérarchie tout en me désignant comme coupable idéal.
Le ton était infantilisant, paternaliste, humiliant.
On ne m’avait pas parlé ainsi depuis l’école primaire.
Et toujours cette même rengaine absurde :
« Monsieur, il ne faut pas envoyer de courriels au chef de la sécurité. »
Comme si, dans une organisation multisites, un responsable sécurité devait travailler isolé, sans référent, sans échange, sans traçabilité.
Le plus grave fut révélé ensuite :
le chef de la sécurité avait supprimé l’intégralité de nos échanges.
Des courriels de sécurité. Des rapports. Des alertes.
Ce qui est non seulement anormal, mais interdit.
La DRH n'avait pas mon contrat de travail, avec un avenant qui montrait une promotion. Si elle l'avait eu elle aurait pu s'étonner que j'avais un avertissement un an après une promotion mais elle s'en ficha puisqu'elle n'avait aucun papier. Je lui fournissais.
La DRH elle-même me demanda si j’avais conservé des courriels du chef de la sécurité de l'institution.
Je lui transmis une vingtaine de messages prouvant sept années de collaboration étroite.
Mais au lieu de demander des comptes à celui qui avait détruit les preuves, l’institution choisit de protéger l’homme à deux ans de la retraite — et d’écarter celui qui en savait trop.
Dans la lettre d’avertissement du 6 mars 2019, le C. de l’institution poussa l’absurdité à son comble :
il me remercia… pour avoir signalé les dysfonctionnements de sécurité.
Et me sanctionna… dans le même courrier.
J'ai toujours le courrier absurde de Mr D dans mes affaires.
J’étais remercié et puni simultanément.
Kafka n’aurait pas osé.
Peu après, une réunion sur la sécurité du site fut organisée à Paris.
Sans moi.
Mon chef vint me demander, juste avant, les noms des prestataires sécurité.
Je les donnai. Trop gentil, trop con.
Je ne me le pardonnerai jamais.
Les dés étaient jetés.
Deux chefs se débarrassaient de moi pour couvrir leurs fautes.
Une administration préférait sacrifier un agent que regarder ses propres manquements en face.
J’ai démissionné.
Pas parce que j’étais fou.
Mais parce que rester aurait signifié l’être devenu.
Ce jour-là, j’ai compris comment on fabrique la folie administrative :
en laissant quelqu’un seul face au danger,
en punissant celui qui alerte,
en protégeant ceux qui mentent,
et en appelant cela « gestion des ressources humaines ».
INTERDIRE A UN CHEF SECURITE DE COMMUNIQUER A UN AUTRE CHEF REFERENT DE SECURITE.. faut le voir pour le croire....
Les fous furieux représentés par le directeur de cabinet, la DRH, la médecin et les responsables du patrimoine....ont été capables de cela...
Deux jours après, à 100 mètres de là, NOTRE DAME DE PARIS brûlait..... voilà le travail.....Bienvenue en France