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Billet de blog 2 octobre 2025

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« Sarkozy ou le triomphe de l’hypocrisie »

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Tribune – Sarkozy, de la compromission au chaos

L’Histoire retiendra peut-être que Nicolas Sarkozy n’a pas seulement été le président du bling-bling, mais aussi celui du chaos. Chaos au Proche-Orient, chaos en Afrique, chaos jusque dans les institutions françaises.

Car avant d’apparaître comme le sauveur improvisé du peuple de Benghazi en 2011, Sarkozy s’était complu dans une diplomatie des compromissions. En 2007, il ouvrait en grand les portes de Paris à Mouammar Kadhafi, lui offrant les ors de la République et une tente plantée à deux pas de l’Élysée. Il cultivait la proximité avec Ben Ali jusqu’aux derniers jours de sa dictature. Il déroulait le tapis rouge à Bachar el-Assad lors du 14 juillet 2008. Cette politique n’était pas une maladresse : elle reposait sur des intérêts croisés, des contrats, des financements occultes, comme l’ont révélé les enquêtes judiciaires sur la campagne de 2007 et sur les réseaux libyens.

Quand le « printemps arabe » éclate, Sarkozy est pris de court. Les régimes qu’il avait fréquentés tombent les uns après les autres. La France se retrouve éclaboussée par son image de complaisance avec les tyrans. Alors, Sarkozy se « raccroche aux branches » : il se fait le champion d’une intervention militaire en Libye, posant la France en protectrice des victimes de Kadhafi. Mais cette volte-face, loin d’effacer ses compromissions passées, ne fut qu’un masque. Un rattrapage cynique, destiné à dissimuler les accointances inavouables et l’argent sale des dictatures, derrière une vitrine humanitaire.

La conséquence est tragique : un pays anéanti, livré aux milices ; un Sahel inondé d’armes, précipitant le Mali et le Niger dans la guerre ; des milliers de morts, des migrations massives, la montée en puissance d’AQMI et de Boko Haram. Ce n’est pas seulement une erreur stratégique : c’est un désastre géopolitique né de la collusion entre affaires privées et raison d’État.

Henri Guaino, plume de Sarkozy, a osé déclarer sur BFMTV que la raison d’État se situait au-dessus de l’État de droit. Cette phrase résume le cynisme de toute une époque : on traite avec les bourreaux jusqu’au jour où l’opinion impose de se ranger du côté des victimes. On ferme les yeux sur les violations des droits humains, puis on bombarde au nom de l’humanitaire. On joue sur deux tableaux : la caisse noire et la posture morale.

Mais cette duplicité a un prix. Les victimes ne sont pas seulement celles du DC10 d’UTA, ou des répressions sanglantes de Kadhafi, de Ben Ali ou d’Assad. Les victimes sont aussi ces milliers de morts en Libye et dans le Sahel, conséquence directe d’une guerre déclenchée pour masquer la compromission. La France, entraînée tout entière dans ce double jeu, en porte aujourd’hui encore la charge.

Le verdict du tribunal correctionnel sur les affaires libyennes ne doit pas seulement se lire à travers le prisme du financement électoral : il doit être relié à ce chaos géopolitique. Car la corruption politique ne reste jamais cantonnée aux caisses de campagne. Elle produit des choix diplomatiques biaisés, des guerres absurdes, des destructions irréparables.

La raison d’État invoquée par les proches de Sarkozy n’était qu’une couverture pour des arrangements d’affaires qui, in fine, ont ensanglanté toute une région. Kadhafi est tombé et on ne va pas le regretter mais aucun plan n'a été prévu pour la suite politique donnée à l'intervention en Lybie. 

Il est temps d’oser dire que cette hypocrisie — être à la fois dans le camp des bourreaux et dans celui des victimes — mérite non seulement la condamnation morale, mais aussi la sanction pénale. Non pas par vengeance, mais parce que la justice doit reconnaître que l’usage cynique de la soi disant et très contestable "raison d’État" a coûté des milliers de vies.

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