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Billet de blog 10 novembre 2025

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Sarkozy : On nous a vendu Cayenne, on a eu un Airbnb monastique

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Tribune — Sarkozy, trois semaines de claustration pour trois décennies de mascarade

 ou Du tapis rouge à la cellule-minute : la farce Sarkozy

Il faut bien le dire : nous avons assisté à une parodie de justice, une superproduction grotesque, un carnaval républicain où l’on a confondu l’entrée d’un détenu avec la montée des marches à Cannes. Toute une rue mobilisée, des troupes de groupies vociférant, des caméras chauffées à blanc, des “courage, Nicolas !” hurlés comme si la France s’apprêtait à sacrifier son dernier martyr sur l'autel de l’Injustice. Les communicants, ces dramaturges de bas étage, avaient tout huilé : contre-jour parfait, silhouettes attendries, ambiance quasi-liturgique.

Et puis… pschitt.
Le condamné que l’on imaginait déjà en bagnard, direction Cayenne, s’est avéré n’être qu’un moine de passage dans un monastère de luxe, entouré de lettres d’amour, de cadeaux, de visites officielles. Le ministre de la Justice en personne est venu prendre des nouvelles du pénitent — pauvre homme, trois semaines de solitude, quelle épreuve ! Deux gardiens, Internet, télévision, appels téléphoniques… Il ne manquait que la tisane du soir et les chants grégoriens.

On nous a infligé toute la panoplie du roman national de pacotille : Edmond Dantès prêt à creuser son tunnel, Dreyfus réincarné dans neuf mètres carrés, et même, pour les plus exaltés, un Christ montant au Golgotha — rien que ça. Pendant ce temps, ses avocats se démenaient comme des bateleurs, fouettant la mauvaise foi comme on bat les blancs d’œufs : il fallait bien remplir l’air du temps, saturer l’espace public de plaintes geignardes et de comparaisons indécentes. Aux frais du contribuable, évidemment.

Et soudain, silence sur l’essentiel.
Disparue, étouffée, exfiltrée : la question de fond — celle que tu poses — de la compromission géopolitique, de la proximité complaisante avec le pire dictateur de la planète, de la présence de Senoussi dans les coulisses diplomatiques, des éloges envers Poutine contre rétributions, des amitiés de milliardaires, des petits arrangements entre amis fortunés, des rémunérations exotiques, des conseils d’administration parfumés au luxe du Golfe.

Tout cela balayé d’un revers de main, effacé sous la mousse et le vernis des pleurnicheries. Comme si Bygmalion n’avait pas existé, comme si l’“affaire Bismuth” n’était qu’un conte pour enfants, comme si la campagne de 2012 — cette orgie de moyens indécents, ces duplex délirants dans des dizaines de villes — n’était pas l’une des plus délirantes pantalonnades démocratiques de la Ve République.

Mais la scène de l’adieu, alors là !
Quel numéro !
On en aurait presque eu la larme à l’œil — l’expression qu’il utilisait pour se moquer de Hollande, retournée comme un gant — tant il savait, encore une fois, tirer sur la ficelle du pathos. On aurait voulu lui dire : “Arrête ton cinéma, Nicolas, tu n’es pas Napoléon à Fontainebleau. Tu n’es même pas un acteur de série B. Juste le protagoniste d’une époque où les grands manipulateurs tiennent mieux la caméra que la République ne tient son rang.”

Son « exil carcéral » aura duré moins longtemps qu’une cure détox d’influenceur. Une cellule visitée, jamais apprivoisée. Pas le temps de compter les carreaux, encore moins de connaître la cour de promenade. Une incarcération minute, version fast-food judiciaire, trois semaines pour rien. Une pitrerie. Une tartufferie intégrale.

Et tout cela au bénéfice d’un homme qui, depuis trente ans, confond intérêt public et business personnel, qui a gouverné dans une atmosphère d’affairisme poisseux, laissant derrière lui un sillage d’affaires, de compromissions et de connivences.

Ce n’était pas un châtiment.
Ce n’était pas une sanction.
Ce n’était même pas une parenthèse.

C’était une comédie morbide dont seuls les cyniques savent rire — certainement pas les victimes de Lockerbie ou du DC-10.
Eux n’auront jamais droit aux violons, aux caméras, ni à la tendresse du ministère.

Voilà la vérité :
Sarkozy sort comme il est entré : en acteur principal d’un théâtre dégradé, celui où l’on maquille la faute, où l’on enjolive la condamnation et où l’on transforme la justice en décor de carton-pâte.

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