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Billet de blog 10 décembre 2025

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Là où Brusini construit pour élever, Praud fabrique pour humilier

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Journalisme ou obscurité ? La parole du sage Hervé Brusini contre le fainéant de l'info Pascal Praud et l’extrême-droitisation du récit national

« Le journalisme est pourvoyeur de lumière. »
Hervé Brusini formule ainsi ce qui devrait être l’éthique minimale de l’information : éclairer ce qui est, et non chauffer ce que l’on craint.

À l’aune de cette définition, ce qui se déploie autour de Pascal Praud — et plus largement dans le dispositif médiatique façonné par Vincent Bolloré — relève non du travail journalistique mais d’un contre-travail : un usage inverse des médias, où l’on obscurcit plutôt qu’on éclaire, où l’on excite les affects plutôt qu’on les instruit.

L’obsession structurante de ce système discursive est évidente : une cible quasi exclusive, les musulmans, désignés comme menace culturelle, sociale, démographique, voire civilisationnelle.
Il ne s’agit pas d’examiner un phénomène politique — l’islamisme — mais d’essentialiser un groupe humain comme problème public.

C’est là que les méthodes historiques de propagande théorisées par Goebbels — simplification radicale, répétition incantatoire, désignation d’un ennemi intérieur, victimisation du porte-parole, dramatisation émotionnelle, substitution du réel par le récit affectif — fournissent un cadre analytique utile.

Il ne s’agit pas d’assimiler des personnes ou des régimes, mais de constater la proximité des mécanismes :
on ne cherche pas à comprendre le réel,
on le scénarise pour produire un effet politique.

Brusini nomme cela la falsification.

Pendant longtemps, on aurait opposé à cela l’existence de garde-fous.
Or ils ne fonctionnent plus :

l’ARCOM ne régule pas,
le pouvoir politique recycle ces narrations — Macron empruntant le registre du déclin civilisationnel ou défendant le Pétain de 1916, Darmanin celui de “l’ennemi intérieur islamiste”, Retailleau celui du pays menacé de dissolution,
l’extrême-droitisation du vocabulaire est devenue structurelle.

Mais le comble tient dans l’inversion accusatoire que pratique Praud :
il accuse le service public de manquer de pluralisme,
comme si France Télévisions ou Radio France diffusaient une pensée homogène verrouillée.

Le problème est qu’il prononce cela depuis un lieu où le pluralisme est précisément absent.

Ce n’est pas un accident, c’est une architecture :
le pluralisme n’est pas dans les gènes de Vincent Bolloré,
qui préside idéologiquement et stratégiquement à ce dispositif.

Les plateaux dirigés par Praud sont des scènes de pensée unique,
où le débat contradictoire n’existe qu’à condition d’être humilié, marginalisé ou désigné comme traître.
La diversité d’idées n’y est pas un principe, mais un ennemi dramatique.

Dénoncer le manque de pluralisme du service public depuis un plateau conçu pour organiser l’homogénéité intérieure du discours,
c’est effectivement “l’hôpital qui se moque de la charité”.

Là où le service public expose la contradiction,
le système Bolloré l’élimine ou la traite comme spectacle sacrificiel.
Là où le pluralisme s’incarne dans des désaccords structurés,
Praud construit des rituels d’adhésion émotionnelle.

Les musulmans deviennent alors l’objet sacrificiel permanent,
prétexte à l’indignation, matière inflammable du récit quotidien.
Non parce que la réalité l’exige, mais parce que le schéma narratif est calibré ainsi.

Brusini rappelle que l’opinion n’est respectable que lorsqu’elle repose sur des faits.
Quand le fait devient accessoire et que l’opinion devient dogme,
on ne débat plus : on conditionne.

Ce phénomène n’est pas un épiphénomène médiatique,
mais un dispositif de normalisation affective,
dont le pouvoir politique, loin de s’en protéger,
réutilise désormais les productions discursives.

Sommes-nous en train de perdre la lumière comme principe collectif ?

Dans ce renversement — où l’obscurité se déguise en pluralisme,
où la cible minoritaire devient causalité universelle,
où la parole politique épouse la parole télévisuelle —
s’installe une crise morale, cognitive et civique.

Hervé Brusini le résume presque en anthropologue :
« On ne peut pas vivre durablement dans la haine et la colère. »

Ce n’est pas une maxime
— c’est une condition de survie sociale.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.