Trump fait main basse sur la justice américaine
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump semble déterminé à gouverner comme un monarque absolu : la justice américaine doit désormais plier devant sa volonté. Qu'on se le dise, l'indépendance du système judiciaire – jadis pierre angulaire de la démocratie américaine – est traitée par Trump comme une obstacle encombrant, bon à être contourné ou écrasé. En dynamitant la séparation des pouvoirs et en transformant le Department of Justice (DOJ) en instrument personnel, le président franchit un à un les seuils qui séparent la démocratie de la dictature. Le spectacle pourrait prêter à rire tant il emprunte à la farce ubuesque, s'il n'annonçait pas une tragédie bien réelle pour l'État de droit.
Une justice sous contrôle personnel
Dès le début de ce nouveau mandat, Trump a placé ses fidèles aux postes-clés de l'appareil judiciaire. La nomination de Pam Bondi – ancienne procureure générale de Floride et avocate dévouée de Trump – au poste de Attorney General (ministre de la Justice) symbolise cette mainmise. Lors de son audition de confirmation au Sénat, Bondi a certes tenté de rassurer en niant toute volonté de politiser le DOJ, mais elle s'est prudemment dérobée lorsque les sénateurs l'ont interrogée sur la promesse de Trump de poursuivre ses adversaires politiquesbrennancenter.org. Le message est clair : le bras judiciaire doit désormais frapper où le Chef l'ordonne, et uniquement là.
Des policiers sécurisent le périmètre du Department of Justice à Washington, peu avant un discours du président Trump dans ses murs le 14 mars 2025. Un tel déplacement politique au sein du ministère de la Justice – rarissime – illustre la volonté du président de montrer que ce bastion indépendant est désormais sous son contrôle direct. C'était la première visite de ce type d'un président en exercice au DOJ depuis près de dix anscbsnews.com.
Trump ne s'est pas contenté de nommer ses loyaux serviteurs : il a littéralement investi les lieux. Le 14 mars 2025, il s'est rendu en personne au siège du DOJ pour y prononcer un discours aux allures de meeting de campagnecbsnews.com. Devant un parterre de juristes médusés, le président a déroulé un catalogue de griefs contre les enquêtes criminelles le visant, se posant en victime d'une justice "corrompue" et "biaisée" à son égardcbsnews.com. Il a promis rien de moins qu'une ère nouvelle : "tourner la page de quatre longues années de corruption et de politisation" pour restaurer une justice "juste, équitable et impartiale" sous la vraie loi – la sienne, évidemmentcbsnews.com. Le fait même qu'il utilise la tribune du ministère pour régler ses comptes et menacer ses ennemis témoigne du renversement total des valeurs. Historiquement, afin de préserver son intégrité, le DOJ observe une règle tacite visant à limiter les contacts avec la Maison-Blanche sur les affaires en courscbsnews.com. Trump, lui, piétine allègrement cette tradition : plus aucune barrière entre le Bureau ovale et les procureurs fédéraux, le président se pose en procureur en chef au mépris de l'apparence d'impartialité. Ses propres stratèges l'avaient annoncé dans leur programme – le fameux Project 2025 – qui prévoit de faire sauter les cloisons entre le pouvoir politique et la justice, afin que le président puisse diriger directement les enquêtes et poursuites selon son bon vouloirbrennancenter.org. Nous y voilà.
Les premiers résultats de cette politisation effrénée ne se sont pas fait attendre. La justice à deux vitesses version Trump s'est illustrée tant par la clémence envers les amis du régime que par la férocité contre ses opposants. On se souvient qu'au cours de son premier mandat, Trump était déjà intervenu dans des dossiers individuels : en 2020, indigné que son ami de longue date Roger Stone risque jusqu'à 9 ans de prison, il avait publiquement qualifié cette perspective de "horrible et très injuste". Miracle : quelques heures plus tard, les chefs du DOJ faisaient volte-face et préconisaient une peine bien plus légère de 3 à 4 anstime.com. Trump s'était même félicité que son ministre de la Justice de l'époque ait "repris les choses en main" dans l'affaire – au mépris total de la séparation des pouvoirs. Scandalisés, les quatre procureurs fédéraux chargés du dossier Stone ont claqué la porte pour ne pas cautionner cette ingérence politique flagrantetime.com. La leçon a porté ses fruits : M. Stone, resté loyal et silencieux, écopera au final d'un pardon présidentiel. Avec Trump, la clémence s'achète par l'allégeance.
Cette philosophie du "amis pardonnés, ennemis accablés" s'est confirmée dès le retour de Trump à la Maison-Blanche en 2025. Sur le pas de la porte du Bureau ovale, une liasse de décrets de grâce attendait déjà les alliés du régime. "Le président Trump a commencé à enfreindre la loi dès le premier jour de son mandat, et a immédiatement gracié des centaines de criminels violents en arrivant au pouvoir", s'est alarmée la représentante démocrate Rosa DeLaurocbsnews.com. Derrière cette hyperbole partisane se profile une réalité inquiétante : le pouvoir de clémence est utilisé massivement comme outil politique, pour récompenser les fidèles (y compris des émeutiers violents de son camp) tout en laissant entendre aux autres qu'aucune pitié ne leur sera accordée.
Juges intimidés, procureurs purgés
Quiconque ose s'opposer à la volonté du Président s'expose désormais aux foudres publiques et aux représailles. Les juges qui contrarient Trump en faisant respecter la Constitution deviennent ses cibles privilégiées. L'idée même d'une justice indépendante est tournée en dérision par le camp Trump, qui n'hésite plus à exiger la tête des magistrats récalcitrants. Récemment, face aux nombreux revers que les tribunaux ont infligés à ses décrets abusifs, Trump et ses alliés ont carrément appelé à destituer les juges fédéraux ayant osé lui tenir têtewashingtonpost.com. Pour un verdict défavorable, la punition proposée est la mise à l'écart pure et simple du juge – comme si l'appareil judiciaire devait être purgé de toute opposition. La pression a atteint un niveau tel que même les plus hautes autorités judiciaires tirent la sonnette d'alarme : le président de la Cour suprême, John Roberts, a rappelé que "le gouvernement ne fonctionne pas si la justice n'est pas indépendante" et que le rôle des juges est précisément de freiner les excès du Congrès ou du présidentwashingtonpost.com. De son côté, la juge Ketanji Brown Jackson dénonce le climat de peur engendré par les attaques incessantes contre les tribunaux : selon elle, voir des juges menacés pour leurs décisions est le signe d'un inquiétant affaiblissement des normes démocratiqueswashingtonpost.com. Il faut dire que les magistrats subissent désormais un torrent d'invectives et même des menaces physiques de la part de partisans chauffés à blanc par la rhétorique présidentiellewashingtonpost.com. On l'a compris : Trump souhaite que plus aucune robe noire ne se dresse sur son chemin.
Parallèlement, le président mène une entreprise systématique de mise au pas du ministère public. La chasse aux sorcières interne n'épargne aucun serviteur de la loi jugé tiède dans son loyalisme. Dès le mois de janvier 2025, à peine investi, Trump a ordonné l'éviction expéditive d'une douzaine de procureurs et d'agents du DOJ impliqués de près ou de loin dans les enquêtes sur sa personne – ces fonctionnaires ont appris par courriel leur licenciement pour cause d'« incapacité à appliquer l'agenda du président »cbsnews.com. Le ton était donné : si vous n'êtes pas avec Trump, vous n'avez plus rien à faire au ministère de la Justice. Dans les mois qui ont suivi, le DOJ a été saigné à blanc. Selon un rapport d'anciens de la maison, près de 5 500 employés de carrière ont quitté le département depuis le retour de Trump, que ce soit par démission, départ "volontaire" négocié ou mise à la porte pure et simplethe-independent.comthe-independent.com. Ce chiffre vertigineux – plus de la moitié des 10 000 avocats fédéraux du pays – donne la mesure de la purge. Les départs forcés ont touché en priorité ceux qui avaient eu le tort de faire leur devoir sans considération politique. Les procureurs ayant poursuivi les émeutiers du 6 janvier 2021, par exemple, ont été systématiquement écartés, considérés comme trop "anti-Trump"the-independent.com. La Division des droits civiques du DOJ a été décimée : la majorité de ses 600 employés aurait pris la porte, de même qu'une grande partie des juges administratifs en charge de l'immigration, domaines où l'agenda trumpiste supporte mal la contradictionthe-independent.com. À Washington D.C., la nouvelle procureure fédérale en poste – l'ancienne commentatrice TV Jeanine Pirro – a avoué avoir perdu 90 procureurs de son équipe en quelques mois, au point de lancer un appel inédit aux retraités pour combler les postes vacantsthe-independent.com. Ce nettoyage par le vide n'a qu'un but évident : ne laisser en place qu'un corps judiciaire docile, composé d'idéologues et de loyalistes, qui ne remettront jamais en question les désidératas du chef. L'administration Trump II l'assume d'ailleurs sans fard, arguant qu'elle cherche simplement à recruter "les individus les plus qualifiés" – comprenez les plus idéologiquement alignés – pour servir le peuple américainthe-independent.com.
De l'ubuesque au sinistre
Ne nous berçons pas d'illusions : à ce stade, il devient difficile de prétendre que les États-Unis n'ont "pas encore basculé dans la dictature". Toutes les lignes rouges institutionnelles ont été franchies l'une après l'autre, souvent sous des dehors bouffons qui rendent la réalité plus effrayante encore. L'histoire nous enseigne que les autocrates commencent par se moquer des règles avant de les abolir tout à fait. Il y a un siècle, Benito Mussolini réussissait son coup de force en Italie en démantelant pas à pas l'État de droit et en muselant juges et oppositions. Les parallèles avec l'ère Trump sautent aux yeux pour qui garde la mémoire ouverte. Trump applique le manuel du parfait chef opportuniste : comme le Duce en son temps, il fait preuve d'un instinct politique retors, d'une ruse animale pour flairer la faiblesse de ses rivaux et retourner la colère populaire à son avantagenewrepublic.com. Et tout comme Mussolini, dont la soif de pouvoir exigeait le contrôle total, Trump ne tolère aucun contre-pouvoir et s'entoure exclusivement de serviteurs zélés. Il a écarté quiconque pouvait tempérer ses pires impulsions, remplissant son cabinet et l'administration de personnes dont la seule "qualification" est une loyauté aveugle envers le chefnewrepublic.com. Le voilà qui trône, tel un empereur moderne, persuadé de son infaillibilité et prêt à intervenir personnellement dans les moindres affaires si cela flatte son ego – Mussolini insistait pour mener lui-même les négociations cruciales, de la même façon Trump s'arroge le rôle de négociateur en chef en toute occasion, convaincu de tout savoir mieux que les expertsnewrepublic.com. Le côté ubuesque de ce règne – mélange de grotesque et de brutalité – ne doit pas masquer le danger bien réel qu'il fait peser sur la démocratie. À force de jouer avec les allumettes autocratiques, l'incendie autoritaire s'est déclaré. On riait de la farce, on déchante face au cauchemar. Et tandis que les derniers garde-fous tombent, le rire jaune finit de se figer – laissant place à l'ombre froide d'une tyrannie qui ne dit pas son nom.
Sources : Associated Press, CBS News, Washington Post, The Independent, Brennan Center, Time, New Republic...cbsnews.comthe-independent.com et al. (voir références dans le texte)
Citations
Project 2025’s Plan for Criminal Justice Under Trump | Brennan Center for Justice
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
Project 2025’s Plan for Criminal Justice Under Trump | Brennan Center for Justice
More Than 1,100 Former DOJ Officials Call for Barr to Resign | TIME
https://time.com/5784969/former-doj-officials-barr-resignation/
More Than 1,100 Former DOJ Officials Call for Barr to Resign | TIME
https://time.com/5784969/former-doj-officials-barr-resignation/
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
As Trump attacks judges, chief justice stresses independence of courts - The Washington Post
As Trump attacks judges, chief justice stresses independence of courts - The Washington Post
As Trump attacks judges, chief justice stresses independence of courts - The Washington Post
As Trump attacks judges, chief justice stresses independence of courts - The Washington Post
https://www.cbsnews.com/news/donald-trump-justice-department-remarks/
Which Past Fascist Does Trump Most Resemble? The Incompetent One. | The New Republic
https://newrepublic.com/article/194029/fascist-trump-resembles-incompetent-mussolini
Which Past Fascist Does Trump Most Resemble? The Incompetent One. | The New Republic
https://newrepublic.com/article/194029/fascist-trump-resembles-incompetent-mussolini
Which Past Fascist Does Trump Most Resemble? The Incompetent One. | The New Republic
https://newrepublic.com/article/194029/fascist-trump-resembles-inco