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Billet de blog 11 décembre 2025

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Pourquoi le dirigeant de la plus ancienne institution française doit démissionner

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi le dirigeant de la plus ancienne institution française doit démissionner

La condamnation récente, en 2024, du dirigeant de la plus ancienne institution française — une figure directement liée au président de la République — marque un basculement majeur.
Elle ne révèle pas seulement un faux pas individuel : elle met à nu un système de gouvernance devenu incompatible avec les exigences d’intégrité, de responsabilité et de protection des agents au service du public.

Une condamnation qui éclaire des années d’aveuglement hiérarchique

Le verdict judiciaire ne fait que cristalliser ce que certains ont observé pendant des années : une manière de diriger où les protections hiérarchiques comptent davantage que la sécurité réelle des personnes et des biens, où l’on sacrifie la vigilance au nom de loyautés internes, et où l’alerte devient suspecte dès qu’elle dérange la tranquillité du pouvoir.

Dans l’une des institutions placées sous son autorité, les dysfonctionnements les plus graves — notamment les pannes répétées d’équipements de sécurité essentielles — étaient directement imputables au chef de site.
Ces pannes, connues, documentées, parfois critiques, ont perduré trois années sans qu’aucune solution ne soit apportée.

Le chef de sécurité, pourtant parfaitement informé, n’a jamais organisé la moindre réponse structurelle. L’agent qui alertait se retrouvait isolé, exposé, contraint d’assumer seul des responsabilités qui relevaient normalement de la hiérarchie, notamment lors :

  • de tournages à haut risque,
  • d’opérations techniques non sécurisées,
  • de situations où l’instabilité du chef de site mettait en danger le public, les biens et les équipes.

Ces alertes n’ont pas simplement été ignorées : elles ont été systématiquement réinterprétées comme un problème, plutôt qu’un service rendu à l’institution.

Protéger les responsables fautifs plutôt que la mission publique

La responsabilité du dirigeant ne réside pas dans un détail technique ou une erreur d’appréciation ponctuelle.
Elle tient dans un choix constant : maintenir, soutenir et parfois couvrir les deux strates hiérarchiques à l’origine des dysfonctionnements — le chef de site et le chef de sécurité — tout en marginalisant la voix la plus lucide, celle qui rappelait les dangers.

Malgré les centaines de preuves, d’alertes et de documents transmis par l’agent, la hiérarchie a volontairement choisi de les ignorer, de les minimiser ou de les neutraliser. Cette stratégie avait un objectif clair : dégager de toute responsabilité les chefs de service dont l’inaction prolongée aurait pu relever de qualifications pénales lourdes — “délit d’entrave à la sécurité”, “harcèlement moral”, “manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur”, voire “mise en danger délibérée de la vie d’autrui” — tant leur absence de réaction, pendant des années, fut flagrante.

Il ne s’agissait pas d’un simple déni, mais d’une mécanique parfaitement rodée où :

  • la loyauté interne primait sur la sécurité,
  • les signaux d’alarme étaient perçus comme des menaces pour l’image,
  • les risques réels — parfois vitaux — étaient traités comme des détails secondaires,
  • la chaîne de commandement servait davantage à neutraliser la critique qu’à résoudre les problèmes.

Ce système, fidèle à son architecte, a produit une chose : l’abandon méthodique de l’agent exposé, confronté seul à des situations qu’aucune institution moderne ne devrait tolérer.

Prestige, protocole et indemnités : une démesure devenue insoutenable

À cette logique de prestige disproportionné s’ajoute une gestion des rémunérations et des indemnités proprement scandaleuse.

Le bras droit du dirigeant, avec deux fois moins d’ancienneté qu’un agent lanceur d’alerte, a bénéficié d’indemnités vingt-deux fois supérieures à celles versées à cet agent pourtant plus expérimenté, plus exposé, et porte-voix indispensable des risques du terrain.

Cette disproportion ne reflète pas seulement une injustice :
elle révèle un système où la proximité hiérarchique compte davantage que le mérite, l’ancienneté, le courage ou le service rendu.

Le prestige, le protocole, les faveurs internes prenaient toute la place.
La sécurité, le terrain, les responsabilités réelles n’en avaient aucune.

Le traitement invraisemblable des violences internes

Plus grave encore : les violences internes commises par un collègue ont été totalement inversées par la hiérarchie.
Deux agents ont été agressés, intimidés, rabaissés — tandis que leur agresseur, brutal, manipulateur, diffuseur des rumeurs les plus absurdes, était présenté comme une victime exemplaire… puis gratifié.

La hiérarchie a préféré protéger le bourreau plutôt que les victimes.
C’est là le signe d’une institution malade : lorsque la violence est récompensée, la probité devient un danger.

La promotion des courtisans, la relégation des agents courageux

Ce mode de gouvernance a promu les agents les plus complaisants :
ceux qui, incapables de la moindre initiative, se contentaient d’obéir sans réfléchir, de flatter la hiérarchie, et de disparaître lorsqu’un problème réel surgissait.

Ce sont eux que le système a récompensés.

À l’inverse, ceux qui assumaient des responsabilités, qui prenaient des risques (souvent malgré eux et en raison des carences hiérarchiques), qui tentaient de protéger le public, les biens et les collègues, ont été sacrifiés.

Cette inversion morale — récompenser l’inaction, punir la vigilance — a sapé en profondeur la capacité de l’institution à fonctionner.

Une dissimulation systématique des violences et des accidents graves

La hiérarchie a également dissimulé des accidents du travail graves, parfois potentiellement mortels, afin de protéger l’image du site et de préserver l’impunité du chef de site et du chef de sécurité.

Les violences entre collègues, les comportements dangereux, les mises en danger délibérées du personnel n’ont jamais été traités.
Ils ont été étouffés, maquillés, effacés administrativement.

Lorsqu’une institution préfère taire les dangers plutôt que de les résoudre, elle cesse d’être un service public : elle devient une machine de désastre.

Une importance invraisemblable accordée à la hiérarchie

Dans cette structure, la hiérarchie valait loi.
Elle était toujours protégée, toujours justifiée, toujours blanchie, même lorsqu’elle mettait les agents et les visiteurs en danger.

C’est ce culte de l’autorité qui a permis :

  • de protéger un chef de site instable,
  • de couvrir un chef de sécurité inactif durant trois ans,
  • de justifier les violences d’un collègue agressif,
  • de récompenser les courtisans les plus creux,
  • de discréditer ceux qui tentaient simplement de faire leur devoir.

Conclusion : la démission est devenue indispensable

Le maintien en fonction d’un dirigeant condamné, symbole d’un système qui préfère les courtisans aux compétents, le protocole à la sécurité, l’image à la vérité, fragilise toute la structure institutionnelle.

Sa démission est nécessaire :

  • pour rétablir un rapport sain entre prestige et mission,
  • pour mettre fin à la protection des violents et des incompétents,
  • pour rendre justice à ceux qui ont assumé les risques,
  • pour restaurer la sécurité et la dignité du service public,
  • pour redonner confiance aux agents et au public.

Démissionner ne serait pas une sanction.
Ce serait un premier acte de vérité — enfin.

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