La France, cliente premium des cabinets d’affaires
Il y a des pays qui gouvernent.
Et puis il y a la France d’Emmanuel Macron, qui benchmarke, sécurise, audite, et finit par signer — soulagée, presque reconnaissante — la facture.
Car enfin, soyons justes :
qu’est-ce qu’un État, sinon un client comme les autres, dès lors qu’il a renoncé à être une puissance ?
L’État start-up : pitch, closing, facture
Sous Macron, l’État ne décide pas : il structure.
Il ne tranche pas : il s’aligne.
Il ne gouverne pas : il fait appel à conseil.
La souveraineté ? Trop conceptuelle.
L’industrie ? Trop conflictuelle.
Le droit ? Ah, le droit… Voilà quelque chose de sérieux, de propre, de rassurant — surtout quand il est facturé à l’heure.
La vente d’Alstom à General Electric fut un moment pédagogique.
Une masterclass.
Un TED Talk grandeur nature sur le thème : “Comment ne surtout pas décider, mais le faire très cher.”
Panique juridique soigneusement entretenue, empilement de cabinets, réunions sans fin, “risques” brandis comme des totems — et, au bout du compte, une évidence : puisque tout est complexe, autant payer ceux qui expliquent la complexité.
Le Japon : ces gens qui n’ont pas compris la modernité
Au Japon, on a visiblement raté la révolution macronienne.
Là-bas, quand un actif stratégique est en jeu, on ne se précipite pas pour faire travailler quinze cabinets en parallèle afin de vérifier qu’on a bien peur.
On anticipe.
On internalise.
On encadre.
Des juristes puissants au sein de l’État et des entreprises, des honoraires plafonnés, des cabinets privés réduits à un rôle technique. Bref : une hérésie.
Le Japon continue de croire à une idée dépassée : plus un enjeu est vital, moins on le confie à des prestataires intéressés.
Une vision archaïque, sans doute. Très peu PowerPoint-compatible.
La Corée du Sud : l’indécence réglementée
La Corée du Sud, elle, a fait un choix radical : considérer que les cabinets d’affaires sont… des entreprises.
Avec des intérêts.
Et donc des limites.
Là-bas, quand les honoraires deviennent indécents, on ne convoque pas un colloque sur “l’attractivité de la place juridique”.
On régule.
On plafonne.
On interdit parfois.
Transparence obligatoire, surveillance des pratiques, réinternalisation massive. Le droit n’est pas un culte, c’est un outil subordonné à la stratégie nationale.
À Séoul, on ne confond pas la liberté du marché avec le droit au racket élégant.
L’Allemagne : cette passion étrange pour les règles
En Allemagne, pays notoirement hostile à la créativité financière, un cabinet ne peut pas dire tranquillement :
“C’est très complexe, donc ça coûtera 25 millions.”
Il doit justifier.
Il doit se référer à des barèmes.
Et s’il exagère, un juge lui rappelle que la loi existe encore.
Quelle idée saugrenue : encadrer un marché au lieu de l’implorer.
Les Allemands n’attendent pas que les avocats soient vertueux.
Ils font pire : ils les contraignent.
La France macronienne : le mouton globalisé
Et la France ?
La France a choisi l’excellence… en imitation.
– imitation du droit anglo-saxon,
– imitation de la facturation à la peur,
– imitation de la gouvernance par cabinets interposés,
– imitation de la capitulation, rebaptisée “réalisme”.
Emmanuel Macron a inventé l’État “facilitateur”.
Facilitateur de quoi ?
Des décisions ? Non.
De la souveraineté ? Encore moins.
Facilitateur de facturation.
Alstom, Arabelle : le chef-d’œuvre en deux actes
Acte I : on vend un actif stratégique, la main sur le cœur, au nom de l’ouverture et de la modernité.
Acte II : dix ans plus tard, on le rachète en grande pompe, au nom de la souveraineté retrouvée.
Entre les deux ?
Des cabinets prospères.
Des contrats impeccables.
Des honoraires sublimes.
Ce n’est pas une reconquête.
C’est une facture différée, avec intérêts.
Ce que font les pays sérieux (spoiler : c’est très ennuyeux)
Les pays sérieux font des choses terriblement peu disruptives :
ils plafonnent les honoraires sur les actifs stratégiques,
ils contrôlent les intermédiaires,
ils arment juridiquement l’État,
ils refusent la panique comme mode de gouvernance,
ils décident avant de sécuriser.
La France macronienne préfère :
– paniquer d’abord,
– déléguer ensuite,
– payer beaucoup,
– expliquer longtemps.
Conclusion
La France ne manque pas d’avocats.
Elle manque de vertèbres.
Macron n’a pas vendu la France à des cabinets d’affaires dans une arrière-salle enfumée.
Il a fait mieux : il a transformé l’État en client premium, convaincu que la souveraineté est un service comme un autre.
Le Japon gouverne.
La Corée encadre.
L’Allemagne structure.
La France, elle, bêle en anglais juridique, ravie d’avoir été “accompagnée”.
Et comme tout bon client, elle remercie —
avant de régler la facture.