Donald Trump – Jeffrey Epstein : assez de diversions, place aux faits
La récente résurgence de l’affaire Jeffrey Epstein – le financier prédateur sexuel retrouvé mort en prison en 2019 – met en lumière la stratégie bien rodée de Donald Trump : la diversion. Plutôt que de s’expliquer sur ses propres liens avec Epstein, l’ex-président détourne l’attention vers autrui – Bill Clinton en tête. Cette manœuvre grossière ne saurait occulter les faits documentés qui lient Trump à Epstein sur plus de quinze ans. Photos, vidéos et témoignages à l’appui, de nombreuses incidents attestent de leur complicité avant qu’elle ne devienne politiquement toxiquetheguardian.com. Il est temps de le reconnaître : les écrans de fumée ne trompent plus personne, et la vérité doit primer sur les diversions.
Une amitié longtemps assumée
Contrairement à ce qu’il prétend aujourd’hui, Donald Trump a entretenu pendant des années une amitié ostentatoire avec Jeffrey Epstein. En 1992, par exemple, Trump organise une soirée privée à Mar-a-Lago, son club en Floride, autour d’un concours de « pom-pom girls » (jeunes femmes mannequins) auquel Epstein est convié. L’homme d’affaires George Houraney, chargé d’orchestrer l’événement, raconte sa stupeur en découvrant qu’aucun autre notable n’était invité : « J’ai 28 filles qui viennent. Et au final, c’était lui et Epstein »theguardian.com. La soirée s’achève avec Trump et Epstein pour seuls hommes dans l’assistance, situation que Trump assume sans gêne. Il ne faisait alors aucun mystère de sa proximité avec Epstein, posant volontiers à ses côtés lors de soirées mondaines de New York à Palm Beachtheguardian.com.
Cette complicité affichée s’est étendue tout au long des années 1990. Trump et Epstein sont régulièrement photographiés ensemble, y compris en compagnie de Melania Knauss (future Mme Trump) et de Ghislaine Maxwell, la partenaire d’Epstein condamnée depuis à 20 ans de prison pour trafic de mineurestheguardian.com. En 2003, Trump va jusqu’à signer un message d’anniversaire graveleux dans l’album des 50 ans d’Epstein – une lettre en forme de corps de femme dans laquelle Trump plaisante sur les « énigmes [qui] ne vieillissent jamais »theguardian.comtheguardian.com. Tout, dans ces années-là, indique que Trump et Epstein sont proches et fréquentent le même milieu de luxe décomplexé.
De l’éloge flatteur au désaveu tardif
Pendant longtemps, Donald Trump ne tarissait pas d’éloges sur son « ami » Epstein. « J’ai connu Jeff pendant 15 ans. C’est un type formidable », déclarait Trump en 2002theguardian.com. Il ajoutait qu’Epstein « aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup sont plutôt jeunes » – une remarque glaçante rétrospectivement, quand on sait qu’Epstein sera reconnu coupable en 2008 d’abus sexuels sur des adolescentes de 14 à 17 anstheguardian.com.
Mais lorsque le scandale a éclaté pour de bon, Trump a brusquement changé de ton. À l’arrestation d’Epstein pour trafic sexuel de mineures en 2019, le président d’alors s’est empressé de minimiser leurs liens. Il affirme n’avoir connu Epstein que « comme tout le monde à Palm Beach le connaissait », prétend que les deux hommes s’étaient brouillés « il y a 15 ans », et martèle : « Je n’étais pas un de ses fans »theguardian.com. Exit le « type formidable » – Trump dépeint soudain Epstein en étranger dont il se serait tenu éloigné. Cette réécriture de l’histoire ne résiste pas à l’examen : comment croire à une soudaine prise de distance morale, quand Trump n’avait cessé de rechercher la compagnie d’Epstein tant que cela servait ses plaisirs et son image ? L’incohérence de son discours saute aux yeux, du flatteur d’hier au donneur de leçons d’aujourd’hui.
Bill Clinton en bouc émissaire
Incapable de justifier sa propre conduite, Trump a choisi la fuite en avant en pointant du doigt Bill Clinton. Après la mort controversée d’Epstein en août 2019 dans une prison fédérale, Trump a publiquement relayé une théorie complotiste impliquant l’ancien président démocrate. Bill Clinton devient son bouc émissaire favori – une diversion bien commode. « La question à se poser est : est-ce que Bill Clinton est allé sur l’île ? Parce qu’Epstein avait une île. Ce n’était pas un endroit recommandable, à ce que j’en sais, et moi je n’y suis jamais allé », lance Trump à des journalistes quelques jours après le décès d’Epsteintheguardian.com. (L’« île » en question est Little St. James, la propriété privée des Caraïbes où Epstein attirait ses victimes.) Trump insiste lourdement : « Il faut demander si Bill Clinton y est allé. Si vous découvrez cela, vous apprendrez beaucoup de choses », ajoute-t-iltheguardian.com.
La réalité est que Bill Clinton, de son côté, a formellement démenti s’être rendu sur l’île d’Epsteintheguardian.com. Mais le mal était fait : en désignant Clinton à la vindicte populaire, Trump cherchait manifestement à détourner l’attention de ses propres liens avec le prédateur sexuel. La manœuvre apparaît d’autant plus grossière que Trump lui-même était proche d’Epstein, tout en critiquant chez les autres des relations identiques aux siennestheguardian.com. Surtout, cette tentative de diversion s’est retournée contre lui de façon spectaculaire. En alimentant l’idée d’un complot autour de la mort d’Epstein, Trump a encouragé ses partisans les plus zélés à réclamer la publication des dossiers fédéraux liés à l’affaire – une transparence qu’il s’est bien gardé de fournir une fois revenu au pouvoir. Fin 2025, le refus du Département de la Justice (sous l’administration Trump) de déclassifier les « Epstein files » a provoqué la colère d’une partie de sa base, ulcérée par ce manque de transparencetheguardian.com. Ceux qui criaient au complot ont pu constater l’ironie de la situation : Trump, après avoir attisé la curiosité sur Epstein pour accuser Clinton, refuse désormais de faire toute la lumière sur ce dossier qui le concerne.
Des alliés au parfum de conflit d’intérêts
Les zones d’ombre s’étendent jusqu’au sommet de l’État, avec la présence, dans l’entourage de Trump, de personnes ayant elles-mêmes des liens avec l’affaire Epstein. Comment croire à une enquête impartiale quand les alliés de Trump font partie prenante du dossier ? L’exemple de William Barr est à ce titre édifiant. Ancien ministre de la Justice de Trump (Attorney General) durant l’affaire Epstein, Barr était théoriquement chargé de faire toute la lumière sur le scandale. Or il a choisi de ne pas se récuser totalement du dossier Epstein en 2019, malgré de potentiels conflits d’intérêts : dès juillet 2019, le DOJ annonçait que William Barr participerait à la nouvelle procédure ouverte à New York, tout en s’abstenant seulement de revenir sur l’ancien accord de 2008 en Floridewashingtonpost.com. En clair, Barr supervisait l’inculpation fédérale d’Epstein – alors même que son nom était lié, fût-ce indirectement, à l’histoire du prédateur. En effet, Donald Barr, le propre père de William Barr, n’est autre que l’ancien proviseur du lycée new-yorkais Dalton qui, dans les années 1970, a embauché Jeffrey Epstein comme jeune professeur de mathématiques sans diplômeswgbh.org. Voir le fils d’un homme ayant offert sa chance à Epstein se retrouver arbitre de son sort judiciaire suscite au minimum un malaise. Ce mélange des genres – un ministre de la Justice dont la famille a côtoyé le criminel qu’il doit poursuivre – jette une ombre durable sur l’intégrité de l’enquête fédérale.
Un autre cas illustre ces curieux chevauchements d’intérêts : celui d’Alan Dershowitz. Célèbre avocat pénaliste, Dershowitz fut l’un des défenseurs d’Epstein en 2008 et l’artisan d’un accord de plaider-coupable scandaleusement indulgent pour son clientlatimes.com. Grâce à cet accord négocié en Floride, Epstein avait échappé aux poursuites fédérales et n’avait purgé qu’une peine dérisoire malgré des dizaines de victimes mineures – un fiasco judiciaire révélé plus tard par le Miami Herald, provoquant l’indignation publique. Non content d’avoir aidé Epstein à s’en tirer à bon compte, Alan Dershowitz a ensuite rejoint le premier cercle de Donald Trump : il est devenu l’un de ses avocats officiels lors du procès en destitution de 2020, et un de ses défenseurs médiatiques les plus ardents. Or l’on apprend qu’une des victimes d’Epstein, Virginia Giuffre, accuse Dershowitz lui-même de l’avoir abusée sexuellement alors qu’elle était mineure – ce que l’intéressé dément farouchement, allant jusqu’à poursuivre Mme Giuffre en diffamationlatimes.com. Le moins que l’on puisse dire est que la crédibilité de Dershowitz comme porte-parole de la vérité dans ce dossier est sérieusement entamée.
Cela n’a pas empêché cet avocat vedette de voler au secours de Trump dans l’affaire Epstein. Récemment encore, Alan Dershowitz a pris la parole pour dédouaner publiquement l’ex-président, affirmant qu’il n’existerait « rien du tout » dans le dossier Epstein qui puisse incriminer Trump. Selon lui, une note interne du ministère de la Justice a confirmé qu’après examen, le FBI n’a trouvé « aucun listing compromettant de clients » dans les archives d’Epsteinkomonews.com. Une telle déclaration – émanant d’un proche d’Epstein accusé par une victime – laisse perplexe. Qu’un ancien avocat d’Epstein, membre de l’équipe de défense de Trump, assure de la sorte la médiatisation d’une innocence présumée de son client politique a de quoi nourrir les soupçons de conflit d’intérêts. Dershowitz, Barr, et d’autres encore : plusieurs figures gravitant autour de Trump ont eu, d’une façon ou d’une autre, maille à partir avec l’affaire Epstein, brouillant la frontière entre quête de justice et loyauté de clan.
Pour une enquête sans privilèges
Le dossier Epstein est bien trop grave pour être étouffé par des manœuvres de diversion ou des interventions partisanes. Les tentatives de Trump pour noyer le poisson, que ce soit en désignant un bouc émissaire ou en s’entourant de défenseurs juge et partie, ne font que renforcer la nécessité d’une enquête impartiale. À force de contradictions et d’accusations sans preuve, le président démontre une chose : il redoute que la vérité sur ses propres liens avec Epstein n’éclate au grand jour. Mais ni ses revirements tardifs, ni la présence de ses alliés aux commandes de la Justice, ne suffiront à éradiquer les faits qui le rattrapent.
Plus que jamais, il est indispensable que la Justice fasse son travail sans privilèges ni interférences. Les victimes d’Epstein, réduites au silence pendant si longtemps, méritent que toute la lumière soit faite sur les complicités dont a bénéficié le prédateur – qui qu’elles exposent, et quel que soit le pouvoir des personnes impliquées. Donald Trump a beau clamer qu’« on perd du temps » en parlant d’Epstein et qualifier ce scandale de « canular », il ne peut effacer les photos, les vidéos, les témoignages qui le lient à ce chapitre sombre. Dans une démocratie, nul – pas même un ancien président – ne devrait pouvoir se soustraire ainsi à l’examen des faits. Le temps des diversions est révolu. La vérité, elle, finit toujours par triompher des écrans de fumée.
Sources : Donald Trump et Jeffrey Epstein, années d’amitié affichée et revirements stratégiquestheguardian.comtheguardian.com; Tentative de diversion en accusant Bill Clinton après la mort d’Epsteintheguardian.comtheguardian.com; Rôle de William Barr (ministre de la Justice de Trump) et liens familiaux avec Epsteinwashingtonpost.comwgbh.org; Rôle d’Alan Dershowitz (ex-avocat d’Epstein, avocat de Trump) et accusations à son encontrelatimes.comlatimes.com; Déclarations de Dershowitz minimisant l’affaire et rejetant tout lien avec Trumpkomonews.com.