Indigestitut

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

64 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 novembre 2025

Indigestitut

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

Le faux calme de Bardella, la fureur derrière le vernis

Indigestitut

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bardella, ou l’Art très contemporain de fabriquer un peuple imaginaire

Il existe des illusions dangereuses : les mirages dans le désert, les lumières au fond des tunnels, les discours des vendeurs d’assurances… et puis il existe Jordan Bardella.
Lui, c’est un mirage qui parle, un vide qui se croit plein, un clip TikTok persuadé d’être un legs politique.
Et depuis juin 2024, la France, hypnotisée comme un lapin face à un écran LED, regarde ce jeune homme de trente ans nous expliquer ce qu’est “le peuple”, alors qu’il ne l’a jamais rencontré autrement qu’en filigrane dans les sondages.

Le danger, c’est qu’il soit vide — un vide tellement vernissé qu’on s’y reflète avant de s’y perdre.

I. La prise de guerre : les forces de l’ordre offertes au RN comme un bouquet de fleurs

Il fut un temps où police, gendarmerie et armée appartenaient à l’État.
Bardella, lui, a lu la Constitution comme on lit une carte Pokémon : il a cru que tout pouvait s’attraper.

Sa “Lettre ouverte aux policiers et gendarmes”1 n’est pas un texte politique : c’est un acte de captation.
On dirait un agent immobilier vantant une maison qu’il n’habite pas.
Et l’affiche “Je suis gendarme, je vote Bardella”2 aurait déclenché un infarctus chez n’importe quel républicain né avant 1870.

Mediapart décrit très bien comment le RN charme une partie de la police3.
Ce n’est pas de la politique : c’est du marketing sur l’uniforme.
Une fusion entre force publique et force partisane, comme dans tous les pays où la démocratie fait semblant de respirer.

II. Le style Bardella : la dictature du PowerPoint

Jordan Bardella n’a pas d’idéologie : il a un design.
Une neutralité d’open-space, une élégance de startup, un teint de présentateur météo.
Il est un Zemmour light : pas un mot plus haut que l’autre, pas une idée plus profonde qu’un réseau social.

Stratégies l’a bien montré4 : Bardella, c’est la politique en version iPhone.
Et RTL a confirmé5 qu’il séduit parce qu’il ressemble à un mannequin de vitrine qui déclame des bullet points.

Mais derrière cette façade d’interface minimaliste, se cache un logiciel très ancien :
l’invention d’un peuple que personne n’a jamais vu.

Dans les vidéos bardelliennes, la France est blanche, calme, lissée, repassée, photoshopée.
Pas un accent, pas une ride, pas un métissage — une France Persil, blancheur éclatante garantie6.
Une France fictive qui ferait ricaner la vraie.

Le pire, c’est que cette France imaginaire n’est pas seulement fausse : elle est hostile à la réalité.

Elle dit : “le pays devrait ressembler à cela”.
Elle sous-entend : “si vous n’êtes pas dedans, vous êtes à côté”.
Et tout cela sous le sourire poli d’un jeune homme qui joue au ministre dans un bureau trop grand pour lui.

III. Les législatives 2024 : l’élection la plus photoshopée de l’histoire

Les bulletins de vote du RN aux législatives 2024 méritent une exposition au musée de l’absurde.
Le nom du candidat local ? Une police minuscule — la taille de la honte.
Les noms de Le Pen et Bardella ? GIGANTESQUES.
On aurait dit des panneaux publicitaires installés sur la lune7.

Les affiches ?
Pas de candidat, pas de visage : l’effacement pur.
Le RN invente l’élection sans personne.
Le député n’existe plus — il devient l’ombre du chef.

C’est du césarisme sous blister, du bonapartisme en carton recyclé. Un peuple qui choisit non pas un représentant, mais une marque.

IV. La pression médiatique : Bardella, ce petit prince qui ne supporte pas la critique

Pendant ce temps, l’ARCOM a dû rappeler à l’ordre les chaînes pour excès de bardellisation des ondes8.
On n’avait plus vu une telle omniprésence depuis la météo de William Leymergie.

La moindre critique, et le RN crie au scandale.
Une comparaison historique sur France Info ? BLASPHÈME !
Attaque contre la démocratie !
HuffPost l’a documenté9 : même l’allusion la plus anodine déclenche une émeute numérique.

On dirait un influenceur vexé qu’on ait mal noté son unboxing.

V. Les binationaux, les pauvres, et tous les autres : l’avenir selon Bardella

Le programme du RN propose d’interdire certains emplois stratégiques aux binationaux.
Public Sénat a résumé l’affaire10 : citoyenneté sous condition.
Mediapart aussi11 : méfiance institutionnalisée.

On croyait le XIXᵉ siècle enterré. Le RN l’a retrouvé dans une brocante, en bon état.

Mais surtout, derrière cette politique d’un autre âge, il y a le vide culturel le plus solide de notre époque.
Un vide compact, qui avance comme une masse.

Assis derrière son bureau, à peine trente ans, Bardella donne l’impression d’avoir tout compris.
Il parle comme un haut fonctionnaire, pense comme un étudiant de première année, et se met en scène comme un ministre sans ministère.

Il prétend représenter la France humiliée — alors qu’il sert la France des puissants.
Il prétend défendre les oubliés — alors qu’il perpétue les élites dont il est issu12.
Il prétend être l’avenir — alors qu’il recycle un passé qui paralyse plutôt qu’il n’éclaire.

Il est la jeunesse sans futur, l’autorité sans culture, l’ambition sans œuvre.
Il n’a pas de vision : il a un téléprompteur.

VI. Conclusion — Bardella, risque de nous faire tomber dans la nuit fasciste et pour l'instant, c'est le brouillard

Le danger Bardella.
C’est un silence, un vide, un glissement.
C’est la démocratie qui s’endort, doucement, sous une couverture Instagram.

En quelques mois, il a :
– capté les forces de l’ordre,
– blanchi l’imaginaire national,
– effacé les députés,
– intimidé les médias,
– hiérarchisé la citoyenneté,
– servi les riches,
– supprimé l’avenir,
– et vendu le tout dans un packaging premium.

Voilà le véritable danger :
 la dictature guette car l'anesthésie générale est en cours. Plus dur sera le réveil.

  1. RN – Lettre ouverte aux policiers et gendarmes, document de campagne 2024.

  2. Affiche de campagne RN, “Je suis gendarme…”, juin 2024.

  3. Mediapart – La police face aux sirènes du RN, 24 juin 2024.

  4. Stratégies, “Bardella sur TikTok : une communication millimétrée”, 21 juin 2024.

  5. RTL – “Pourquoi les jeunes suivent Bardella”, 11 juin 2024.

  6. Roland Barthes – Mythologies, “Persil : la blancheur éclatante”, 1957.

  7. Relevés officiels des bulletins législatifs 2024.

  8. ARCOM – Communiqué sur les temps de parole, juin 2024.

  9. HuffPost – “Polémique du RN contre France Info”, 4 novembre 2025.

  10. Public Sénat – Analyse du programme RN sur les binationaux, 25 juin 2024.

  11. Mediapart – “Programme RN : citoyenneté sous condition”, 25 juin 2024.

  12. Voir B. Dézé, Le Front national : un parti comme les autres ?, Presses de Sciences Po ; et Pierre Bourdieu, La Noblesse d’État, Minuit, 1989.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.