Tribune : « Laurent Nuñez, ministre de l’Intérieur : responsabilité engagée après le vol du 19 octobre au Musée du Louvre »
Le vol survenu au Musée du Louvre le 19 octobre dernier n’est pas un simple fait divers : c’est l’illustration d’un manquement grave dans la sécurité des abords d’un lieu emblématique de notre patrimoine national. En tant que ministre de l’Intérieur, et jusqu’à tout récemment préfet de police de Paris, Laurent Nuñez porte une responsabilité directe. Le Louvre, cœur symbolique de la capitale, relevait pleinement de sa mission de sécurisation.
Que des façades entières, sans vidéoprotection, aient pu rester vulnérables alors que le musée concentre des trésors inestimables — c’est invraisemblable, et pourtant réel.
Comment expliquer qu’un tel dispositif de protection n’ait pas été renforcé, alors même que M. Nuñez avait déclaré avoir approuvé un plan de sécurisation ? Cet écart entre les hautes déclarations et les mesures effectives marque une défaillance systémique où le discours supplante l’action.
Fort de ma longue expérience dans la protection du patrimoine, j’ai pu constater que nos élites culturelles et politiques bâtissent volontiers des projets grandioses tout en négligeant les nécessités du quotidien. Ils veulent la grandeur, le symbole, l’image — mais oublient souvent la contingence : la surveillance, la sûreté, le concret. J’ai moi-même entendu un chef de site affirmer : « Il ne se passera jamais d’incendie dans nos institutions », phrase aussitôt accueillie par les rires des architectes en chef roulant en Porsche. Une mentalité de déni, une suffisance inquiète.
Laurent Nuñez, dont l’image est celle d’un professionnel aguerri et apolitique, semble avoir gravement failli. Ne pas sécuriser les abords du Louvre ; ne pas s’émouvoir de balcons donnant directement depuis la rue sur des espaces abritant les joyaux de la Couronne : voilà une négligence qui dépasse le simple oubli. Le cœur symbolique de notre pays a été attaqué parce que trois malheureux plots manquaient.
La présidente du Louvre et sa responsable sécurité doivent répondre de leur rôle — certes. Mais il ne faudrait pas que l’on en fasse uniquement des boucs-émissaires. Le ministre de l’Intérieur doit également prendre sa part de responsabilité.
Il ne s’agissait pas d’un problème d’argent. Le dispositif à mettre en place aurait été modeste par rapport à l’enjeu. Le problème est d’abord un problème de conception, de hiérarchie, de culture de la prévention. Après l’incendie de Notre-Dame, le Sénat avait évoqué des « impensés » en matière de sécurité. Ces impensés ne sont pas des fatalités : ce sont des fautes, des négligences, un aveuglement volontaire.
Le président de la République n’a pas accepté les démissions proposées après ce vol. C’est un nouveau signe de ce déni récurrent : reconnaître l’erreur, admettre la faute — voilà ce qu’on évite. Or, l’impensé est une faute ; ce que le Sénat désigne pudiquement par « impensé », c’est souvent de la bêtise satisfaite, de l’orgueil, et un refus de traiter les réalités.
Ce qui s’est passé au Louvre, je l’ai vécu dans ma propre pratique : l’incompétence, le mépris, l’autosatisfaction. Quand le cœur symbolique d’un pays est visé pour trois plots manquants, ce n’est pas un simple incident. C’est un scandale d’État. Et Laurent Nuñez, ministre de l’Intérieur, ancien préfet de police de Paris, ne peut en être exonéré.