“Lui, on va le niquer” : le récit glaçant de la sœur
Dans une publication largement relayée sur les réseaux sociaux, la sœur d’Aly a livré un récit précis et grave des faits survenus le soir du 14 juillet. Selon elle, son frère, âgé de 17 ans, est sorti vers 22h30 pour une commission. Alors qu’il marche avec son téléphone en main, il croise un véhicule de police nationale.
Les policiers auraient alors effectué une marche arrière en lançant : “Lui, on va le niquer.”
Pris de panique, Aly se serait mis à courir, avant d’être rattrapé. Selon le témoignage de la sœur, il aurait été embarqué de force dans le véhicule, puis “passé à tabac à plusieurs” à l’abri des caméras, et abandonné en pleine nuit dans une forêt.
Les policiers auraient prononcé en partant : “Si on te demande ce qu’il t’est arrivé, tu diras que t’es tombé.” Blessé, Aly a été pris en charge par les pompiers et conduit aux urgences.
De la dénonciation à la mise en examen
Dans un communiqué de presse publié le vendredi 18 juillet 2025, le parquet de Pontoise confirme l’ouverture d’une information judiciaire à la suite de la dénonciation de violences commises par des fonctionnaires de police sur un mineur.
Le parquet précise que le 14 juillet vers 23 heures, un adolescent de 17 ans a sollicité ses proches et les pompiers, présentant des blessures au visage qu’il attribuait à des policiers, après avoir été monté de force dans un véhicule à la suite d’une course-poursuite à pied, puis frappé avant d’être relâché. L’adolescent a été examiné par un médecin légiste de l’unité médico-judiciaire de Pontoise-Gonesse. Son incapacité totale de travail (ITT) a été fixée à trois jours.
Les quatre agents de police impliqués dans l’interpellation ont été placés en garde à vue le 17 juillet 2025. À son issue, ils ont été mis en examen dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire. Ils sont poursuivis pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail n’excédant pas huit jours, avec deux circonstances aggravantes : les faits auraient été commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique et en réunion. À ces chefs d’accusation s’ajoute celui de faux.
Ces infractions sont passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Le parquet de Pontoise a requis leur placement sous contrôle judiciaire, assorti de plusieurs obligations strictes :
– interdiction temporaire d’exercer leur fonction,
– interdiction d’entrer en contact les uns avec les autres,
– obligation de se présenter chaque semaine au commissariat.
Le parquet précise que les quatre agents demeurent présumés innocents durant toute la durée de l’information judiciaire.
Une mise en examen qui ne suffit pas à convaincre
Dans un contexte marqué par une défiance grandissante entre une partie de la population et les forces de l’ordre, cette affaire suscite une vive émotion sur les réseaux sociaux. De nombreuses voix appellent à ce que l’enquête soit menée de façon impartiale et transparente.
Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, a réagi sur X (ex-Twitter) :
“Les accusations portées contre les quatre policiers à Garges-lès-Gonesse sont graves. La justice devra faire toute la lumière sur ce qui s’est passé. L’exemplarité des forces de l’ordre n’est pas négociable.”
Cette prudence politique interroge, surtout lorsqu’elle semble placer la parole d’un mineur blessé au même niveau que celle d’agents mis en cause pour violences aggravées.
La famille d’Aly, elle, affirme vouloir aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire. Dans son message initial, sa sœur écrivait :
“Nous en avons marre de ces voyous en uniforme abusant de leur pouvoir. Et nous, qui nous protège de la police ?”
Elle lance également un appel à témoins, encourageant toute personne présente ce soir-là à se manifester pour que la vérité soit faite.
Une histoire parmi trop d’autres
Si les faits sont confirmés, cette affaire viendrait s’ajouter à une longue liste de violences policières dénoncées ces dernières années, notamment envers de jeunes hommes noirs ou arabes. Mais elle se distingue par la rapidité de la réaction judiciaire, la mise en examen des fonctionnaires et la mobilisation numérique de la famille.
La suite de l’instruction dira si les faits rapportés par la victime peuvent être établis. En attendant, cette affaire continue d’interroger : jusqu’à quand les quartiers populaires devront-ils documenter eux-mêmes les violences qu’ils subissent pour espérer être entendus ?
Constat : ce n’est pas une dérive, c’est un rapport de force institutionnalisé
L’affaire Aly ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans un système qui ne protège pas tout le monde de la même façon. Ce n’est pas une bavure isolée. Ce n’est pas “quelques brebis galeuses”. C’est une mécanique. Un rapport de force qui s’exerce quotidiennement sur des corps perçus comme suspects par défaut : les jeunes, les racisé·es, les habitants des quartiers populaires.
Le fait qu’Aly ait été interpellé, frappé — selon les mots de sa sœur — puis abandonné en pleine forêt, ce n’est pas un accident. C’est la démonstration d’une forme d’arrogance policière nourrie par un sentiment d’impunité, qui dure depuis trop longtemps. Et ce sentiment-là, il n’est pas venu de nulle part : il est alimenté par des discours politiques qui légitiment la violence au nom de l’ordre, des médias qui relaient sans distance les versions policières, et une justice qui, souvent, tarde ou classe sans suite.
Ce n’est pas qu’une question de formation, de moyens ou de communication. C’est une question de vision du monde. Quand la police devient un outil de contrôle social, plutôt qu’un service de protection universel, elle cesse d’être au service du peuple. Et ceux qui en paient le prix, ce sont toujours les mêmes.
La question qu’on doit poser aujourd’hui, c’est : qui est protégé par la police, et qui doit s’en protéger ?