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Billet de blog 4 septembre 2025

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Lunel : des municipales où la gauche peine à mobiliser

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Paulette

Une ville carrefour, miroir des fractures françaises

Avec ses 26 000 habitants, coincée entre Montpellier et Nîmes, Lunel n’a pas le poids d’une capitale régionale. Mais la petite ville de l’Hérault concentre en miniature des tensions sociales et politiques qui traversent la France entière : chômage élevé, urbanisation rapide et mal maîtrisée, sentiment d’abandon dans certains quartiers, et une défiance grandissante envers les institutions.

Longtemps réduite à l’image d’une « ville dortoir », Lunel est aujourd’hui un carrefour humain et politique où se croisent nouvelles populations attirées par des loyers abordables, classes moyennes en quête de stabilité, et habitants de longue date souvent relégués aux marges. C’est sur ce terreau complexe que se jouera en 2026 une élection municipale à forte charge symbolique.

La droite locale en quête de crédibilité

Le maire sortant, Pierre Soujol (SE), élu en 2020, n’apparaît pas en position de force. Sa gestion, jugée trop discrète et sans vision structurante, laisse le champ ouvert à d’autres figures de droite. La relève se présente sous les traits de Thierry Razigade (DVD), ancien chef de la police municipale, qui mise sur son profil d’homme du terrain.

Razigade promet de « reconnecter la ville à ses quartiers » et d’incarner une proximité perdue entre élus et habitants. Mais son positionnement sécuritaire et pragmatique ne suffit pas à gommer le bilan mitigé du mandat sortant : chômage persistant, infrastructures en retard, urbanisme subi et fractures sociales toujours béantes.
Pour beaucoup d’habitants, la droite reste synonyme de gestion verticale, peu participative, davantage préoccupée par l’ordre que par la solidarité.

La gauche : fragmentation et espoir d’un sursaut

À gauche, l’histoire récente est celle d’un émiettement. En 2020, Claude Barral (DVG) avait tenté d’incarner une alternative sociale-démocrate, mais n’avait pas dépassé les 7,7 %. Les Verts et d’autres sensibilités progressistes étaient partis chacun de leur côté, réduisant la portée de leurs propositions. Résultat : aucune voix forte n’a pu émerger.

Pour 2026, la gauche cherche encore son incarnation. Les thèmes existent pourtant : accès au logement, services publics en déshérence, participation citoyenne, lutte contre l’abstention massive. Dans une ville où une partie importante de la jeunesse se détourne des urnes, une liste de gauche crédible pourrait offrir un récit différent : celui de la justice sociale, du vivre-ensemble et de la transparence.
Mais sans rassemblement, les chances de peser resteront minces.

L’extrême droite : une menace bien réelle

En parallèle, le Rassemblement national a consolidé ses positions. Julia Plane, conseillère régionale et municipale, s’est imposée comme la figure du camp identitaire. En 2020, elle avait déjà recueilli plus de 21 % des voix, un score significatif dans une ville marquée par le chômage, les inégalités et les tensions communautaires.

Son discours sécuritaire et identitaire trouve un écho particulier dans certains quartiers populaires. La banalisation nationale du RN joue en sa faveur : ce qui apparaissait naguère comme un vote protestataire est aujourd’hui présenté comme une option « crédible ».
Si la droite reste divisée et la gauche fragmentée, Julia Plane pourrait profiter de ce vide pour transformer Lunel en vitrine locale du RN.

Un scrutin à valeur de test national

Lunel n’est pas qu’une élection locale. Ce qui se joue ici résonne avec les grandes lignes de la politique française :

- une droite en perte de souffle, qui peine à renouveler son discours ;

- une gauche affaiblie, divisée mais porteuse d’une attente sociale réelle ;

- une extrême droite qui capitalise sur le désenchantement et rêve de transformer des bastions secondaires en vitrines nationales.

Au-delà des chiffres, Lunel symbolise la situation de nombreuses villes secondaires françaises : lieux de vie où se concentrent les tensions sociales mais que les états-majors nationaux regardent trop rarement. Or, c’est dans ces territoires que se construit en partie le rapport de force politique à venir.

Une démocratie locale sous pression

Les municipales de Lunel poseront une question simple mais décisive : comment réconcilier une population diverse et souvent désabusée avec l’action publique ?

- Si la gauche parvient à s’unir, elle pourrait incarner une alternative sociale et démocratique crédible.

- Si la droite reste divisée, elle risque d’offrir un boulevard au RN.

- Si l’abstention reste massive, c’est la démocratie locale elle-même qui sortira affaiblie.

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