L'édition 2013 nous promet un vaste voyage à travers l'Europe, sur les traces des Rroms. L'occasion rêvée de revenir sur une cinématographie et des enjeux déjà explorés en 1983, lors d'une édition intitulée Peuples Tsiganes. Le clou de la programmation était alors le film Les Princes, premier long-métrage de Tony Gatlif, par ailleurs auteur du très beau court Canto Gitano.
C'est d'ailleurs ce Canto Gitano qui a marqué Gérard Gartner. Avant de confier que le film Les Tsiganes montent au ciel de Emil Loteanu reste pour lui extraordinaire. «Un film bâti comme nous racontons des histoires... un film intemporel.» Gérard n'est pas critique de cinéma, même s'il a mis sa plume au service de la communauté. Communauté, ce qui fait sens commun. Des gens en transit, comme lui.
Gérard est l'homme de mille vies. Mille virages, mille mirages ? Boxeur, cafetier, peintre portraitiste, embaumeur, garde du corps de Malraux. Garde du coeur, qu'il a grand comme ça. «C'est pas avec ça que je vais toucher une retraite !» persiffle-t-il. Sculpteur depuis les années 70. Et chaudronnier, parce que membre de la communauté des Kalderash, les chaudronniers. Comme son grand-père paternel, anarchiste, forgeron, sédentarisé dans le nord-est de Paris.
C'est d'ailleurs à Montreuil que se fait par hasard ( par chance, rajoute Gérard) la rencontre avec Eric Prémel. Ce dernier est venu rencontrer quelqu'un d'autre, mais c'est Gérard qui s'impose à lui. Gérard lui conte sa venue à Douarnenez en 1983. Le souvenir diffus d'une bulle dans laquelle il avait passé la semaine avec son ami Matteo Maximoff, poète rrom. Tous deux étaient là pour échanger avec le public après les films, pour baliser le chemin, pour défaire les clichés insidieux. Déjà.
Gérard se souvient avec malice que «le soir, on parlait sans fin avec des jeunes filles, très passionnées. C'est drôle, parce que depuis que je suis ici, c'est cette même jeunesse qui m'a aidé à monter l'expo, je retrouve la même chaleur. J'avais dû auparavant convaincre le producteur de Gatliff de ne pas montrer Les princes en avant-première à Paris, mais plutôt à Douarnenez. Ce qui fut fait, le film n'est sorti sur les écrans parisiens qu'en novembre.»
Il sourit de son sourire de chat, puisqu'il est chat, ou mutsa, par sa mère manouche. Les yeux bleus s'embrument un peu quand il raconte l'enfance brinqueballée, une branche de la famille qu'il a renié aujourd'hui.Mais la poésie n'est jamais très loin, et la gouaille revient vite. Resurgit la figure amie de Matteo Maximoff, porte-parole emblématique de la communauté rrom, disparu en 99. Gérard devient alors, selon la tradition rrom de la pomana, celui qui symbolise le mort auprès de la famille. C'est au bout d'un an qu'il brode ensemble tous les souvenirs collectés pour une biographie, joliment intitulée Carnets de route de Matteo Maximoff.
Aujourd'hui, Gérard écrit d'autres pages de la culture rrom. «Avec mon chalumeau, l'idée m'est venue sur des décharges d'ordures de redonner une autre vie aux plastiques abandonnés là. Une vie très organique. Je crois que je l'ai fait un peu par défi, pour ma communauté !»
Le chat ronronne sur les genoux de Gérard. «Je suis heureux de revenir sur ce festival, après 30 ans. C'est un signe fort, une reconnaissance, moi qui prétend n'en avoir que faire...»
L'homme sourit encore une fois des circonvolutions de la vie.
Sculptures de Gérard Gartner à la Salle des Fêtes, tous les jours de 10H à 19H.