« ça a cartonné, on refuse du monde à chaque séance ». à voir les sourires sur les visages des organisateurs, les files d’attente qui s’allongent devant les salles de cinémas, et le débit des tireuses de Coreff, force est de constater que le festival de Douarnenez a cette année démarré sur les chapeaux de roue. Dimanche soir, la place de la mairie avait déjà des allures de bouquet final. Mais pas question de relâcher la pression, une semaine entière de projections, de rencontres et de discussions vous attend. Après un week-end 100% pur Rhum, les débats vont s’élargir aux LGBTQI et Sourds, sans oublier la Roumanie et la Bretagne. De quoi mélanger les genres !
Pour ceux qui n’ont pu assister à toutes les projections, les organisateurs s’activent déjà pour programmer de nouvelles séances… Affaire à suivre donc, le Kezako vous tiendra vite informés.
Te na haliovdan, pućh varekas savo vakerel francikanes !
Ma n’oc’h ket evit kompren ar pennad-mañ, kavit ur galleger bennak war ar blasenn, a raio an droidigezh deoc’h gant plijadur !
An Termajied / Les Lanternes Magiques
Perzh he deus graet al « Lanterne Magique » pa ‘z eo bet ijinet. Brudet eo bet betek an XXvet kantvet. An dud a baie evit sellet ouzh taolennoù ha maketennoù e-barzh ur vouest. A-wechoù e veze staliet ur salig ‘benn ma c’hellfent antreal « e-barzh ar vouest » da sellet ouzh abadennoù gant skeudennoù. Kinniget e oant gant beajourien a zo deuet da vezañ anvet evel o binvioù : an « Termaji » o tont gant e « Lanterne Magique ». Tamm-ha-tamm e vo implijet ar ger-mañ evit tud ar veaj dre vras.
A une époque où la télévision n’existait pas, la lanterne magique fut une invention révolutionnaire.
Elle fut très populaire jusqu’au début du XXe siècle. Les gens payaient pour regarder dans une boîte contenant des peintures ou des maquettes. Ils pouvaient aussi entrer dans les « boîtes » pour assister à des spectacles illustrés. Ces derniers étaient présentés par des forains itinérants. En Bretagne, ils ont fini par prendre le nom de leur animation. On disaient les « Lanternes Magiques », une expression qui, avec le temps, est devenu « Termaji » en langue bretonne. Le terme s’est étendu dans la conversation courante pour désigner les gens du voyage en général.
Voyageur d'ici : Le Travail
L’équipe du Kezako est allée à la rencontre des gens du voyage de la région de Douarnenez. Extraits.
« Au tout début que je travaillais avec mon père, j’avais une quinzaine d’années, on faisait des paillassons. On prenait des vieux pneus, on coupait, on faisait des bandes, on les perçait. Après on prenait du fil de fer, on tirait le fil de fer aussi, parce que avec une botte de fil de fer de 30 mètres, on réussissait à faire 35 mètres, parce qu’on le tendait. C’était pas pour gagner du fil, c’était pour qu’il reste bien droit. Moi j’allais vendre des paillassons avec mon père. Mais un paillasson ça dure plus de 20 ans ! Alors pour nous c’était pas valable. Il aurait fallu mettre du fil de fer qui rouille, mais le père était trop honnête pour ça, il avait trop peur lui, ça aurait été malhonnête de vendre des paillassons avec du fil de fer qui rouille. Et puis mon père faisait les ciseaux. Il avait une meule, à roulette, à pédale. Il affûtait les ciseaux, les couteaux, des ciseaux à haie, des lames de tondeuse à gazon ! Après mon père il a commencé à faire du rempaillage aussi, on vendait des chaises, on faisait la reprise sur des vieux tabourets. Nous les gens tu nous donne n’importe quoi à faire on le fait. Mais ça a duré qu’un temps parce qu’après il y avait trop de monde qui faisait ça. Mon père avait toujours ses papiers. Il payait la TVA sur les ciseaux. Les gens ils disent que les gens du voyage ils payent rien du tout ! Pour l’affûtage des ciseaux il payait, je te jure que c’est vrai ! Lui l’ancien, ils avaient trop peur des gendarmes, pour lui s’il avait fait un truc mal il aurait été en prison. Mais les récépissés pour le travail ils font plus ça. Pour nous c’était facile, tu prenais ton petit papier de 3 mois, avec ça les gens ils te laissaient travailler tranquille. Ils ne veulent plus faire ça maintenant. Avec les récépissés au moins il y avait des sous qui rentraient dans la caisse de l’État. Parce que c’est l’État qui fournissait ça ».
Le rromani : la langue comme un drapeau ?
« Le rromani joue un rôle symbolique comparable à celui du territoire pour une autre nation ou de la confession religieuse pour les Juifs » (Marcel Couthiade, in Ethnies, 15, 1993).
Non, tous les Rroms, Sintés, Gitans, Manouches et associés ne parlent pas le rromani. Sur la place du Festival, les Rroms des Balkans et les Yéniches de l’Est de la France n’ont pas d’autre langue commune que celle de l’amitié, et les échanges sont bien souvent non-verbaux… Pourtant, ces quelques mots de la langue romani que tous emploient, le mot rrom ou celui de gadjo, qui viennent émailler les autres langues parlées, sont beaucoup plus que des survivances « folkloriques » : ce sont des marqueurs identitaires, permettant au locuteur de s’ancrer dans une communauté.
La langue rromani, ont prouvé les linguistes, dérive directement des idiomes du sous-continent indien : elle appartient au groupe des langues indo-aryennes centrales. Elle s’est développée à partir du prâkrit, dont la forme savante était le sanskrit. La langue est donc aujourd’hui le lien le plus fort qui relie les Rroms avec ce territoire indien des origines, qu’ils ont abandonné voici déjà un millénaire.
Naturellement, au cours de leurs migrations et de leurs installations dans différents pays, les Rroms ont mêlé leur langue à celles localement parlées. On distingue trois principaux groupes linguistiques : la « branche atlantique » se réduit à quelques dizaines de mots parlés par les Kalé (ou Gitans de la péninsule ibérique) ainsi que par les Rroms des Îles britanniques ; les parlers manouches d’Allemagne, de France ou d’Europe du nord ont effectué de nombreux emprunts aux langues baltes et germaniques ; les Rroms des Balkans, enfin, ont le mieux conservé l’usage du rromani, multipliant toutefois les emprunts au turc et aux différentes langues de la région (roumain, bulgare, serbo-croate, etc.). L’usage ou non de la langue peut être source de différenciations au sein des communautés, par exemple avec les Ashkalis du Kosovo ou d’Albanie, qui ne parlent pas le rromani.
Partout, le rromani est une langue minoritaire : ses locuteurs sont presque toujours bilingues, utilisant le rromani dans une sphère de communication privée, et la langue dominante dans le reste de leurs échanges sociaux. C’est dans l’ancienne Yougoslavie socialiste que la langue rromani a, pour la première fois, reçu une reconnaissance officielle : dès les années 1960, des programmes de radio et de télévision en rromani se sont développés, notamment à la télévision de Voïvodine et à celle du Kosovo. Un enseignement en rromani était assuré dans les écoles. Des systèmes unifiés d’enseignement du rromani existent aussi dans des pays comptant d’importantes communautés, comme la Roumanie ou la Slovaquie, ce qui suppose une standardisation entre les différents parlers locaux. Ailleurs, comme en France, « terre d’exception » qui n’a toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la question ne se pose même pas…
La transmission de la langue et de la culture ont longtemps été orales, mais la question de l’écriture du rromani se pose depuis des siècles, des savants tentant d’établir des lexiques tsiganes. Une littérature rromani se développe depuis le début du XXe siècle, tandis que les missionnaires, notamment évangélistes, traduisent la Bible. Les Rroms utilisent traditionnellement l’alphabet majoritaire du pays où ils sont installés pour transcrire leur langue : l’alphabet latin, le cyrillique ou même l’arabe, notamment en Turquie avant le réforme linguistique de 1928. Toutefois, une orthographe unifiée utilisant l’alphabet latin a été proposée dans les années 1980-1990 par le linguiste Marcel Courthiade, et celle-ci a été adoptée par l’Union rromani international en 1990, lors du quatrième Congrès mondial rromani de Varsovie. Cette orthographe est cependant encore loin d’être systématiquement utilisée par tous les Rroms.
Tous les Rroms ne parlent pas rromani, tous les Bretons ne parlent pas breton. Certains oublient la langue, d’autres l’apprennent. Une langue n’est pas seulement un outil de communication (et aucune n’est jamais « neutre »). C’est non seulement une manière de dire et de voir le monde, mais aussi une manière d’inscrire son identité personnelle dans les cercles plus larges des identités collectives qui nous forment.
Komzit brezoneg d’ho pugale, Vakeren rromanes tumare ćhavençar !
Le Taxiphone : Le bonheur au bout du fil ?
Créée en 2011 par des membres de l’association de solidarité avec les migrants CIMADE, l’association Étrange Miroir promeut des formes alternatives artistiques de diffusion de témoignages. Elle interpelle le public avec son taxiphone, ce symbole du voyage, qui, par ses cabines téléphoniques nous plonge au cœur de la vie de Roms venus s’installer dans trois communes de la région de Nantes : Montaigu, Indre et Rezé. Il suffit de décrocher le combiné, de composer un numéro, et les témoignages s’enchaînent, donnant la parole aux Roms à travers leurs peines, leurs expulsions, l’exil mais aussi leurs rêves, l’avenir et la famille. Le taxiphone humanise cette population stigmatisée. Il permet de mettre des mots, des sentiments et des émotions sur ce que la presse et les politiques ne disent pas. Putain de silence. Les témoignages des militants de la commune d'Indre font également un lien avec le film «Cause Commune», qui raconte comment cette petite commune s’est mobilisée afin d’éviter les expulsions de Rroms. Comme un regard positif qui fait du bien. Parce que la rencontre peut être belle, il n’y a qu’à regarder la place du Festival...
Taxiphone : tous les jours, de 14h à 20h, à l’entrée de la tente invitée.
Site internet : etrangemiroir.org
Cause commune : samedi 31 août, à 18h30, au Club