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Billet de blog 25 novembre 2025

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Agrocarburants, pire que le pétrole ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Actuellement, ce sont les agrocarburants dits de premières générations qui sont largement utilisés dans le monde. Ils sont produits à partir de cultures alimentaires. Il existe deux grandes familles d’agrocarburants :
– L’éthanol, de l’alcool issu de la fermentation d’une plante, betterave, blé, maïs, canne à sucre, qu’on incorpore à l’essence.
– Et le biodiesel, une huile issue d’oléagineux, soja, palme, colza, incorporables au diesel.
Ce sont eux qu’on trouve dans les fameux sans-plomb 95E10, super-éthanol E85, biodiesel B10 ou encore diester.

La deuxième génération est issue de la transformation de la cellulose. Dans les deux cas, ils sont très souvent produits à partir ou grâce à des organismes génétiquement modifiés. Comme ces OGM ne sont pas destinés à l’alimentation, l’origine OGM de ces produits n’est pas indiquée, vous achetez des OGM à la pompe sans le savoir.

Les agrocarburants, pire que le pétrole ? © Christophe Noisette

Ces agrocarburants sont-ils un bon outil pour une transition écologique et énergétique ? Quels sont leurs impacts actuels ? Quelles seraient les conséquences de leur généralisation ? Pour comprendre la réalité des agrocarburants aujourd’hui en France, commençons par donner la parole à Philippe Pointerau, agronome qui a travaillé pour Solagro, une association professionnelle engagée pour une agriculture plus résiliente.

Philippe POINTEREAU (ancien chercheur à Solagro) – Aujourd’hui, la quasi-totalité du diester vient du colza, qui est soit produit en France, soit importé. Ça représente une surface d’environ 1,9 million d’hectares, dont 1,2 million d’hectares importés et 700 000 hectares produits en France. Et en 2023 Les importations de diéster ont représenté 2,2 milliards d’euros.
Aujourd’hui, il faut comprendre qu’en France, on incorpore 8,5% d’agrocarburant dans les carburants, soit de l’éthanol, soit du diéster. L’éthanol dans l’essence, le diéster dans le gasoil. Pourquoi on a autant d’agrocarburants en France ? Il y a une obligation européenne qui oblige les pétroliers, les vendeurs de carburant, à l’utiliser. Sinon, il y a une taxe très dissuasive qui est de 1,4 euro par litre. C’est-à-dire que s’ils n’incorporent pas les 8,5% dans leurs carburants, ils sont taxés de 1,4 euros le litre. Donc en fait, cette taxe qui s’appelle la taxe incitative relative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports est très dissuasive.
Ils bénéficient d’une défiscalisation des agrocarburants et ils ont une détaxation de 80 centimes sur l’éthanol et de 51 centimes sur le diesel. Ce qui représente un soutien d’environ 2,7 milliards d’euros par an. Et donc aujourd’hui, au final, de toute façon, c’est le consommateur qui paye le coût des agrocarburants qui est quand même plus cher aujourd’hui que le pétrole. Ce qu’il faut comprendre, c’est que sans soutien, il n’y aurait pas d’agrocarburant en France.

Premièrement les agrocarburants nous coûtent chers... 

les agrocarburants sont souvent produits avec des plantes OGM. Ces dernières ont été génétiquement modifiées pour tolérer un herbicide ou pour… produire un insecticide. Dans les deux cas, ce qu’on constate depuis plus de 20 ans, c’est que les cultures de ces OGM s’accompagnent d’une augmentation des épandages de pesticides. Outre leurs effets sur la santé, les pesticides ont un impact sur le changement climatique tout au long de leur cycle de vie, lors de leur fabrication, leur transport et leur élimination. Ces monocultures intensives ont aussi besoin d’engrais en quantité. D’après un article de Nature publié en 2022, les engrais à base d’azote représentent environ 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sans même compter les émissions liées à la transformation ou la distribution. Philippe Pointerau, citant le rapport de la Cour des comptes de 2016, nous dit encore.

Philippe POINTEREAU – Donc un hectare de colza permet de produire l’équivalent de 2,1 tonnes d’équivalent pétrole, et il faut la moitié de cette énergie produite pour la produire, c’est-à-dire qu’on a un rendement de 50%. Pour l’éthanol, on a un bilan qui est en général un peu moins bon pour le diéster parce qu’on a une étape qui est la distillation qui coûte très cher en énergie puisque l’éthanol au départ, c’est dilué, c’est comme le vin, on a 10% d’alcool et il faut en avoir 100%. Donc là, on est en général à un bilan qui est de moins 50%. Ce ne sont pas des solutions hyper performantes.

Deuxièmement, les agrocarbureants ont un faible rendement à la production, mais aussi lors de la consommation.

Là encore, les chiffres sont tout à fait parlants. On fait moins de kilomètres avec 1 litre d’agrocarburant qu’avec 1 litre de pétrole. En effet, toujours selon la Cour des comptes, l’intensité énergétique est inférieure de 34% pour le bioéthanol par rapport à l’essence et inférieure de 8% pour le biodiesel par rapport au gazole. Ainsi, concrètement, on peut faire 909 km avec un plein d’essence contenant 5% d’éthanol, 880 km si elle contient 10% d’éthanol et seulement 653 km si elle contient 85% d’éthanol. L’impact sur le climat ne se limite pas à la façon dont les agrocarburants sont produits. Une autre dimension très importante par rapport à la question du carbone est le… changement d’affectation des sols, à savoir passer d’une forêt ou d’une prairie à une culture de soja, colza ou autre. Pour comprendre ce phénomène, nous avons interrogé Benoît Gabriel, professeur à AgroParisTech, une école qui forme des ingénieurs et scientifiques dans le domaine de l’agriculture, de l’environnement et de l’alimentation.

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