A69 : Un processus dit « démocratique » vicié de bout en bout par des décideurs menteurs et mystificateurs
Pour lutter contre la réalisation de l’autoroute Castres-Toulouse, une quinzaine de citoyen.ne.s de tous âges et de tous horizons sont toujours en grève de la faim (quelques-un.e.s depuis plus d’un mois !) et aujourd’hui, trois d’entre eux, entameront une grève de la soif à 14h.
La situation est très grave… Et pendant ce temps, qu’observe-t-on ? La CCI du Tarn mettant en œuvre une opération-Marketing en faveur de l’A69 en utilisant des méthodes de voyous pour mobiliser les « entrepreneurs favorables » à ce projet mortifère ; La Dépêche du Midi servant quotidiennement la soupe de façon éhontée à tous les pro-autoroute ;le député macroniste et le sénateur-girouette du Tarn, Jean Terlier et Philippe Folliot, se répandant sur les ondes en vantant un « processus démocratique et administratif » abouti ; une présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, faisant des propositions scandaleuses destinées à ce que le chantier en cours ne soit pas interrompu ; un ministre des transports répétant sans cesse son couplet sur « l’État-de-droit-qui-doit-être-respecté » ; un Président de la République qui reste muet à ce sujet...
A tout ce qui a été dit et écrit ces dernières semaines, et à J-12 du grand rassemblement « Ramdam sur le macadam » qui se profile, je voudrais simplement ajouter ici quelques éléments qui montrent à quel point ce projet d’autoroute est vraiment un cas d’école permettant de comprendre comment fonctionne notre ci-devant « État de droit » et comment sont prises les décisions. Car il nous faut contrer l’idée que le « processus démocratique » aurait joué à plein en faveur du projet, puisque c’est l’argument-massue que les pro-autoroute répètent en permanence.
Bref, je voudrais préciser comment leur processus dit « démocratique » a été vicié dès le départ...et comment il le demeure aujourd’hui, tout en étant dévoilé par les oppositions « expertes et déterminées » qui sont venues le contrer frontalement, surtout depuis deux ans. Ce ne pouvait pas vraiment être le cas au moment de la DUP ni même totalement l’an passé, car les travaux n’ont commencé qu’au printemps. Et il y a toujours un décalage entre les décisions prises en amont et la prise de conscience citoyenne...
Sans vouloir être exhaustif ni entrer dans les détails de chacun d’entre eux, voici quelques-uns de ces éléments qui interrogent l’ensemble du processus décisionnel :
1- des dossiers d’experts bidonnés dès le départ (sur le gain de temps, par exemple, qui devait être à l’origine de 35 mn... et qui se retrouve aujourd’hui, en étant toujours exagéré, entre 15 et 20 mn ; ou sur le trafic réel sur la RN126 susceptible de se reporter sur l’autoroute (en réalité surestimé) ; ou sur les propositions relatives au tracé, d’abord large de 300 mètres mais réduit tout récemment à 30 m, ce qui a désamorcé les critiques des habitants les plus concernés, eux-mêmes longtemps laissés dans l’ignorance des enjeux véritables ou amadoués par des promesses alléchantes) ;
2- des réalités entrevues dès le départ mais cachées ou tronquées par les promoteurs politiques et administratifs du projet (telle la privatisation des contournements de Soual et Puylaurens dont prennent conscience depuis seulement un an les populations de ces villes ; telle l’installation de deux centrales à bitume de Villeneuve-les-Lavaur et Puylaurens, qui n’en avaient pas entendu parler auparavant ; ou tel, bien sûr, le prix du péage, qui ne devait pas être élevé et qui n’a été officiellement révélé que le lendemain du second tour des dernières législatives –Nul doute que s’il avait été connu avant par la population locale, le député macroniste actuel, Jean Terlier qui s’est qualifié à 14 voix près pour le second tour face à un candidat Nupes, aurait mordu la poussière...) ; et quand nous disons aujourd’hui 17 euros aller-retour, c’est sans compter la hausse qui sera acceptée dès les premiers mois pour combler la montée de l’inflation...
3- des approximations répétées depuis plus de 30 ans par les décideurs locaux, sans qu’aucune preuve ni aucune étude indépendante sérieuse n’aient été produites pour en démontrer la véracité (la RN 126 serait particulièrement accidentogène - ce qui est faux ; le bassin de Castres-Mazamet serait « enclavé » et les souffrances sociales qu’il connaît seraient dues au « manque d’autoroute » - appréciation toute relative qui dépend de la définition que l’on donne au terme « enclavement », et qui est elle aussi fausse si elle consiste à dire que la construction d’une autoroute entraîne automatiquement un « développement économique et social » ; terme qu’il faut aussi interroger. La récente mise au point des géographes toulousain Rémi Bénos et François Taulelle vient de le confirmer (cf. « Note sur les « effets structurants » de l’A69, le « projet de territoire » et le ‘désenclavement’ de Castres-Mazamet »).
4- un terreau nauséeux de décideurs et personnes-ressources se renvoyant sans cesse l’ascenseur et cultivant un entre-soi loin des préoccupations du plus grand nombre ; ce terreau unissant des élus de gauche PS et MRG (la plupart anti-NUPES aujourd’hui, comme l’omnipotente présidente de la Région Occitanie Carole Delga et le président du Conseil départemental Christophe Ramond), des élus macronistes et « mange-tout » (tels le député Jean Terlier et le sénateur Philippe Folliot) et de droite extrême (tels Pascal Bugis et Bernard Carayon, respectivement maires de Castres et Lavaur, soutenus par le RN qui n’a jamais caché être en faveur de cette autoroute), des institutionnels de toutes sortes (les préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne, la DREAL, la CCI, la Chambre des métiers, etc.), des entreprises et patrons particulièrement engagés (tels Pierre Fabre Group, la Jardinerie tarnaise, le concessionnaire Atosca-Nge, etc.), des médias-menteurs avec journalistes locaux zélés servant sans cesse les plats aux précédents (Merci La Dépêche ! Merci Le Journal d’ici ! Merci Radio 100% !), des membres ou organismes de la société civile très bien intégrés et en liens privilégiés avec tout ce beau monde (les responsables CFDT, le directeur du CHIC, etc.). Tous devront répondre un jour de leur déni et de leur inaction climatique ! ;
5- un montage financier opaque fondé sur des discussions et accords entre décideurs et concessionnaires dont nous n’avons pas connaissance et un contrat de concession resté longtemps secret et toujours fortement caviardé ; A ce propos des finances, il est faux de dire comme le font tous les pro-autoroute que la contribution publique est de 23MF. Elles est en réalité de 23 + 75 = au total 20 % du coût , ces 75MF (de mémoire) correspondant à l’apport des deux contournements de Soual et Puylaurens. De sorte que, quand Delga dit que la Région (2e contributrice publique) n’est engagée que pour 2 %, c’est faux car la Région avait participé financièrement à la construction de ces 2X2 voies...
6- une « raison impérative d’intérêt public majeur » non fondée, simplement assise sur des considérations oiseuses concernant les soi-disant « enclavement actuel » et « désenclavement à venir » du bassin de Castres-Mazamet, sur des calculs faussés de trafic et sur une surestimation des gains globaux (la VAN) qui seraient dus au gain de temps, à la réduction des accidents et à la soi-disant surcompensation des dégâts environnementaux (trois variables elles-mêmes volontairement surestimées...).
7- des décisions prises au coup par coup, depuis une vingtaine d’années, sans qu’aucune voix discordante ne soit prise en compte, car le rôle des pouvoirs publics dans l’ensemble du processus dit « démocratique » a toujours consisté à valider les attentes de cette camarilla locale et régionale et, conjointement, à remettre une pièce dans la machine à bétonner et à écocider. Or, il est très clair que les membres de nos « élites décideuses » n’agissent pas principalement pour le bien commun et l’intérêt général : masquer ses intentions, se préoccuper avant tout de sa propre carrière, passer en force lorsque cela est nécessaire, ne pas s’intéresser aux dossiers en cours de traitement, communiquer et développer des stratégies clientélistes, etc. L’aboutissement de ce projet d’autoroute inutile et anachronique est le résultat de tout cela ! Songeons au débat public ayant précédé la DUP, avec des réunions instrumentalisées par cars entiers par les Labos Fabre, la CCI et les élus de Castres et du Département, par des déclarations mensongères préalables répétées à satiété et par des questions-réponses prémâchées par quelques individus directement intéressés ! Songeons à cette fameuse DUP signée par le ministre de la transition écologique et solidaire d’alors, Nicolas Hulot, plus préoccupé par les affaires judiciaires qui le menaçaient que par l’état de la planète, l’artificialisation des campagnes et la biodiversité locale ! Songeons à l’accélération récente des projets écocides les plus délétères dont sont responsables Castex et Borne, aux accointances fortes avec le monde des affaires !
8- la non prise en compte des avis fort motivés de l’Autorité environnementale, du CNPN, du Commissariat à l’investissement et d’experts de l’OFB ; pas plus que des recommandations des commissaires enquêteurs à l’issue de l’enquête d’utilité publique en 2018 et de la récente enquête environnementale ; pas plus que du contenu de la tribune de 1500 scientifiques récemment parue dans l’Obs !… Cette indifférence totale à ces paroles sages et éclairées va à l’encontre des objectifs nationaux et régionaux affichés depuis quelques années concernant le climat, la biodiversité et la préservation des terres agricoles (Stratégie nationale bas carbone + zéro artificialisation nette d’ici 2050 + alertes des Agences de l’eau, notamment celles d’Adour-Garonne et de Rhône-Méditerranée-Corse qui concernent l’Occitanie + Stratégie d’adaptation des territoires au réchauffement climatique, etc.).
9- une récente enquête environnementale ouvertement influencée en amont par le préfet du Tarn, avec des commissaires enquêteurs ne répondant pas à tous les critères requis, et aux conclusions qui sonnent comme un réquisitoire contre le projet tout en ignorant largement les avis des organismes et instances compétents… Mais une enquête qui a finalement abouti à donner un avis favorable à ses promoteurs (avec des réserves vite oubliées...), alors même que, dans les propositions du concessionnaire et de l’État, rien ne correspond aux exigences requises par les enjeux climatiques et environnementaux actuels : calcul de la VAN (Valeur actuelle nette) totalement faussé par les données de base mobilisées ; autorisation de destruction de nombreuses espèces protégées ; sites de compensation au devenir aléatoire avec acquisitions foncières non-finalisées ; dégâts environnementaux irrémédiables (zones humides, zone Natura 2000, milliers d’arbres abattus, terres agricoles artificialisées...) mais mensongèrement surcompensés ; très gros mensonges relatifs à de soi-disant études comparatives avec un projet alternatif qui reviendrait à abattre plus d’arbres et à être plus destructeur de biodiversité ; cabinets d’écologues-experts non-indépendants ; absence d’études-amont relatives aux bassins de rétention, à la perte de biodiversité, à l’incomplétude manifeste de la séquence ERC, etc.
10- une répression qui est de plus en plus forte, avec surveillance rapprochée, multiplication des contrôles, intimidations de toutes sortes, remise en cause permanente du droit de circulation et de manifester, arrestations, gardes à vue, renvois devant la justice, amendes abusives aux opposants venus manifester... et un déploiement policier inédit et constant qui fera de ce chantier « la première autoroute policière de France ».
11- des pratiques délictueuses du concessionnaire couvertes, de fait, par la préfecture et le procureur (refus de poursuite et de sanctions). Le concessionnaire peut ainsi s’occuper de « son chantier » comme il le veut et non comme la réglementation l’y oblige –plusieurs délits et irrégularités ont déjà été constatés sur le terrain concernant les coupes d’arbres, les mauvaises pratiques ou la gestion de l’eau et des écoulements (bouchages des trous lors de la nidification, non-observation des distances de sécurité et absence de protection, absence de précaution réglementaires pour empêcher la prolifération du chancre coloré, pollution des nappes phréatiques, etc.). Mais l’état lamentable des services publics de surveillance et de contrôle empêche, de fait, tout suivi sérieux…). Ajoutons à cela les pratiques délictueuses des préfets eux-mêmes qui empêchent les opposants de manifester, qui prennent prétexte d’une fausse battue aux sangliers pour boucler tout un secteur, qui refusent de communiquer les documents normalement communicables (annexes du contrat de concession, calendrier des travaux, etc.); de plus, cette répression et ces abus administratifs sont aussi destinés à tuer toute contestation à court, moyen et long terme. Enfin, ils touchent directement les militants et activistes qui sont parvenus, depuis deux ans et sous la houlette du collectif La Voie est Libre, à retourner la partie de l’opinion publique restée jusque-là indifférente aux débats suscités par ce projet.
12. Des mensonges répétés à satiété jusqu’à ce jour : sur les soi-disant 75 % des Tarnais qui seraient favorables à l’A69 (alors que le sondage d’Odoxa est truffé de questions bidonnées) + sur la soi-disant totalité des élus locaux qui seraient favorables à l’A69 (= non-prise en compte des élus locaux opposés) + sur les soi-disant études comparatives avec un projet alternatif qui reviendrait à abattre plus d’arbres et à être plus destructeur de biodiversité + sur le processus de justice qui serait totalement épuisé (alors que des recours ne sont pas encore examinés) + sur le fait que les opposants seraient des bobos urbains ne connaissant pas le territoire + sur la parole des enseignants-chercheurs de l’Atécopol vus comme des « pseudo-scientifiques » + sur la soi-disant « instrumentalisation » par LFI des grévistes de la faim + sur le nombre d’arbres coupés + sur les compensations, etc.
13- Enfin, que tous les grands élus pro-autoroute se réclament sans cesse de leur élection pour dire qu’ils représentent eux-mêmes ce processus dit « démocratique » relève proprement de l’indécence, voire de l’imposture ! Il n’est pas inutile de le leur rappeler s’ils tirent trop sur cette corde… Que l’on en juge :
.C’est avec seulement 14 voix que Terlier s’est qualifié au second tour en 2022 ; sinon le duel final aurait opposé Julien Lassalle LFI-NUPES à la candidate RN. Et alors que la question de l’autoroute était primordiale tant dans le programme de Terlier que de Lassalle, c’est ce dernier qui a obtenu le plus grand nombre de voix au 1er tour (sur 11 candidats). Terlier, au 1er tour, s’est qualifié avec 11,8% des inscrits. Et au second tour, Terlier a été élu avec des voix de droite et d’extrême droite, contre Lassalle, mais en n’obtenant que 24,5% des inscrits. Il n’y a donc pas de quoi crier victoire ! Certes il est élu légitime, mais d’une légitimité qui ne peut lui permettre de dire et de faire n’importe quoi ; surtout sur l’autoroute (qui est loin d’avoir été plébiscité lors de ces législatives). Et cela est pareil pour tous les autres élu.e.s…
.Aux départementales de 2021, les élus divers gauche et PS qui se présentaient sous les couleurs de la majorité départementale n’ont obtenu au 1er tour que 12,1 % des inscrits et au 2e tour 15,5 %. Voilà le réel soutien populaire dont peut se prévaloir Christophe Ramond !!!
.Aux régionales de 2021, la liste Delga (qui se targue d’être la présidente de Région la mieux élue de France) n’a obtenu que 14,1% des inscrits au 1er tour, et ne s’est imposée au second qu’avec 20,9% des inscrits…
.Et Bugis lui-même, maire de Castres élu dès le 1er tour en 2020, ne l’a été qu’avec 21,9% des inscrits… Personne en réalité ne peut jouer les gros bras, pour faire valoir « l’État de droit », en s’autorisant de tels résultats… C’est plutôt une non-adhésion qui en ressort…Et quand les pro-autoroutes nous renvoient en permanence cette légitimité à la figure, on est en droit de leur rappeler l’ampleur de la crise démocratique et le manque de confiance et de reconnaissance qu’ils suscitent…, eux, leur monde et leurs projets...
En conclusion, que l’on ne vienne pas parler à tout bout de champ d’« État de droit » !!!
Si les Pouvoirs publics et tous les pro-autoroute s’appuient aujourd’hui sur les étapes réglementaires et juridiques validées dans les conditions signalées ci-dessus, c’est vraiment de façon abusive. En se réclamant comme ils le font sans cesse de « l’État de droit » et d’un soutien majoritaire (car les « grand.e.s élu.e.s » sont de leur côté, n’est-ce pas..), les pro-autoroute ne peuvent en réalité se prévaloir que d’un « processus démocratique » en réalité vicié de bout en bout et non plus du soutien de la population des deux départements directement concernés (je note que, dans ces conditions, étant sûrs d’avoir la majorité de la population derrière eux, ils pourraient proposer l’organisation d’un référendum pour sortir des tensions actuelles et éviter un nouveau drame ; mais ils ne le font pas !!!). Ils savent bien que ces arguments sont fallacieux ; et c’est pour cela qu’ils précipitent les travaux, de façon à mettre rapidement tout le monde devant le fait accompli. Ils savent que le temps joue contre eux. D’autant qu’à présent, comme l’ont montré ces derniers mois de puissants et inventifs rassemblements anti-autoroute, ils doivent faire face à une détermination de plus en plus farouche et diffuse qui s’appuie sur un contre-projet dynamique et désirable : « Une autre voie sans A69 » et sur des recours juridiques non purgés.
De fait, la tension s’accentue de jour en jour. Dans le département où s’est déroulé le drame de Sivens, tous ces promoteurs de bitume et ces décideurs irresponsables iront-ils jusqu’au bout (attendent-ils qu’il y ait encore un mort ou que leurs petits-enfants leur crache à la figure ?) ou entendront-ils la voix de la raison qui prône aujourd’hui une suspension des travaux jusqu’à ce que les recours aient été jugés, dans l’espoir d’un moratoire et d’une relecture radicalement autre des mobilités nécessaires sur ce territoire ? L’avenir proche le dira, mais c’est maintenant qu’il faut se mobiliser pour empêcher la mort d’un.e des grévistes ; maintenant qu’il faut venir sur place, soutenir réellement le collectif La Voie est Libre, prendre la parole, « se mouiller » pour de bon et hausser le ton, faire reculer leur « État de droit » qui n’est que le « Droit de leur État » favorable au monstre écocide, antisocial et antidémocratique qui avance en passant en force ! Demain, il sera trop tard ! Et les 21 et 22 octobre, rejoignez cette lutte emblématique en venant nombreux et nombreuses au « Ramdam sur le macadam », avec votre rage et votre amour du vivant [cf. lvel.fr et sur Facebook : La Voie est Libre].