Maîtriser ses ressources. Les enjeux de l’industrialisation du lithium bolivien1
Maëlle Mariette
TEXTE INTÉGRAL
- 1 Une version courte de cette chronique a été publiée dans « En Bolivie, la filière lithium à l’encan (...)
1- Pour les touristes qui le parcourent, il est avant tout une image, une esthétique : celle d’un univers minéral immaculé situé à 3 600 m d’altitude, qui s’étire à perte de vue sans une seule plante visible, sans la trace perceptible d’un seul animal. Dans le sud du salar, un îlot de 400 km2 (soit 4 % de sa surface) a été dégagé pour monter des usines de production de lithium et de chlorure de potassium et installer le campement de Llipi où sont logés les employés qui y travaillent.
2 -Il est 16 h 30, la fin du jour approche et le vent est glacial en ce mois d’août 2019. Un homme répartit des travailleurs dans des bus garés à la sortie du complexe industriel. Ils ont troqué leurs vestes épaisses, leurs chaussures de chantier et leurs casques contre des jeans, des anoraks et des baskets. Écouteurs dans les oreilles, certains dorment, tandis que d’autres tapent frénétiquement sur leur smartphone pour prendre un rendez-vous chez le dentiste ou pour organiser par WhatsApp les sorties de la semaine. La plupart, hommes et femmes, ont entre 20 et 35 ans. Chacun retourne dans sa communauté ou ville d’origine, situées principalement dans les provinces environnantes de Potosí et Oruro. On se croirait presque dans un bus de retour d’internat. Ils reviendront sept jours plus tard dans le salar, pour y travailler deux semaines d’affilée.
3- Ce rythme est celui des 400 travailleurs de Llipi, quel que soit l’emploi ou la position qu’ils y occupent. Tous boliviens, ils sont divisés en trois groupes afin que l’usine fonctionne 24 heures sur 24 heures Ces jeunes travailleurs sont « l’avenir du pays ». Une responsabilité qui tient à l’ambitieux projet gouvernemental d’exploitation et d’industrialisation du lithium bolivien qui doit faire de la Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique latine, « l’Arabie saoudite du lithium », comme aime à le dire Álvaro García Linera, alors vice-président du pays. En effet, alors qu’il y a très peu de salars dans le monde, la demande mondiale de lithium explose, en faisant un enjeu géopolitique. Chaque smartphone contient 2 à 3 grammes du métal alcalin et une voiture électrique, une vingtaine de kilos. Or, selon les estimations, 260 millions de voitures « propres » seront en circulation dans le monde en 2040, contre 4 millions seulement aujourd’hui. De façon plus générale, la demande mondiale de lithium, d’environ 300 000 tonnes en 2018, devrait atteindre 1 million de tonnes d’ici moins de dix ans. On comprend aisément dans ce contexte la course effrénée qu’on observe actuellement : les prix ont quadruplé en trois ans, s’envolant à 20 000 dollars la tonne en 2018 (avant de retomber à 10 000 dollars dans le contexte sanitaire de l’année 2020).
- 2 Selon le rapport « Mineral Commodity Summaries 2021 » du U.S. Geological Survey, publié en janvier (...)
4 -Après avoir pris, à 6 heures du matin, leur petit-déjeuner au réfectoire, leur casque sur la tête et revêtus de leur combinaison de travail rouge, les employés de l’entreprise d’État à capitaux 100 % boliviens Yacimientos de Litio Bolivianos (YLB), s’affairent, de grosses lunettes de soleil sur le nez, autour d’une vingtaine de piscines turquoise pouvant mesurer jusqu’à 1 km de côté, creusées dans la croûte de sel, où des pompes font remonter la saumure des profondeurs. Cette saumure souterraine regorge en effet de sodium, de calcium, de potassium et surtout de lithium, qu’on surnomme « l’or blanc ». Il y en aurait 21 millions de tonnes2 sous les 10 000 kilomètres carrés du salar d’Uyuni, soit la plus grande réserve au monde.
5 -« Au début, on dormait sous des tentes dans un froid glacial et sans avoir de quoi cuisiner. On était 70, on faisait des expérimentations avec ce qu’on avait sous la main. Par exemple, pour évaluer la rapidité d’évaporation du salar, on disposait des serviettes humides sur le sol », raconte Nemesio Figueroa, soudeur à l’époque où le projet a commencé, en 2008, avant d’être en charge de la maintenance des véhicules. Pour Fernando Roque Flores, qui a rejoint l’entreprise en 2011 comme chauffeur de camion avant de devenir responsable du pôle administratif de l’usine :
« Ceux qui sont là depuis le début ont fait des sacrifices : s’éloigner de la famille, vivre dans des conditions climatiques difficiles, tout ça. Maintenant ça s’est beaucoup amélioré. On est trois par chambre avec des douches et des w.-c. qu’on partage, qu’on soit simple ouvrier ou ingénieur en chef. Et on a même du chauffage ! Pour certains, c’est mieux que chez eux. »
6 - Depuis la colonisation espagnole, durant laquelle des millions d’Indiens sont morts pour extraire l’argent, jusqu’au xxe siècle, où les mines d’or, de tungstène et d’étain ont fait la fortune d’exploitants étrangers, aucune des richesses du sous-sol bolivien n’a profité aux populations locales. « Pas question de se laisser encore spolier », a alors déclaré le président Evo Morales, qui a défendu dès son arrivée au pouvoir ce projet d’extraction du lithium « 100 % national ». Le projet est d’exporter le lithium, non à l’état brut, mais transformé en batteries made in Bolivia, à bien plus haute valeur ajoutée. La Bolivie deviendrait alors l’un des rares pays du Sud à assumer la totalité de la chaîne de production : exploration puis extraction de la matière première (traitement des saumures), élaboration de composés de base (carbonate de lithium, chlorure de potassium utilisé comme fertilisant et largement destiné au marché brésilien), fabrication de biens intermédiaires (cathodes au lithium et à électrolyte) et de biens technologiques de consommation finale (batteries ion-lithium).
7 - En 2008, le gouvernement a ainsi impulsé un plan national d’industrialisation des ressources évaporitiques – le lithium surtout, mais aussi d’autres minéraux présents dans la saumure : potassium, bore, etc. YLB est, dans ce cadre, responsable de toute la chaîne de production de ces ressources. « Nous avons une politique très claire : les matières premières sont exploitées par des entreprises d’État. Mais en aval de la chaîne il est possible de s’associer à des entreprises étrangères », explique à l’automne 2019 Luis Alberto Echazú, alors vice-ministre des hautes technologies énergétiques, et chargé du projet depuis ses débuts. Le but est de développer une technologie bolivienne d’extraction du lithium afin que le pays ne dépende pas de multinationales et de brevets étrangers. Ce plan d’industrialisation comprend trois phases : la phase d’investigation, d’extraction et de production de carbonate de lithium (et de dérivés) en usines pilotes ; la phase d’industrialisation de l’ensemble de ce processus ; et la phase de production de composants à haute valeur ajoutée, telles que les batteries au lithium.
8 - Pour y parvenir, l’État n’a pas hésité à débourser près d’un milliard de dollars, un des investissements les plus importants jamais réalisés dans le pays. Mais le plus grand défi a été scientifico-technologique. « En Bolivie, il n’y avait pas d’infrastructures, les connaissances en la matière étaient assez basiques ; il a pratiquement fallu commencer à partir de zéro », rappelle L.A. Echazú. « Seules deux universités abritaient des laboratoires de chimie travaillant un peu sur les ressources évaporitiques », explique en août 2019 Oscar Mamani, chef des opérations de Llipi, qui travaillait à l’étranger en tant qu’ingénieur au moment du lancement du projet et qui est revenu en Bolivie à cette occasion, comme plusieurs autres ingénieurs boliviens :
« Mais ça restait des connaissances de laboratoire. Le fait que chaque salar soit différent, ait sa propre composition chimique, impliquait de devoir trouver notre propre méthode. Alors nous avons lu tout ce qu’on pouvait lire dans la littérature scientifique et tâtonné par nous-mêmes, sans aucune aide extérieure, par méthode essai-erreur. Nous nous sommes tous transformés en chercheurs. »
9 - Les connaissances acquises durant la phase d’investigation, qui a duré quatre ans, ont permis la conception des piscines d’évaporation puis la construction des usines pilotes. Une première, de chlorure de potassium, a ouvert en 2012, puis une autre, de carbonate de lithium, en 2013. La même année, une équipe de chercheurs japonais a annoncé être capable, par sa technologie de pointe, de produire du lithium de « qualité batterie », c’est-à-dire pur à 99,5 % au moins, par extraction à partir d’eau de mer. YLB a alors décidé de l’accueillir sur place, avec ses docteurs en ingénierie, et de leur fournir la quantité de saumures qu’elle réclamait pour entamer des tests. Mais les choses n’ont pas fonctionné : le carbonate de lithium produit n’était pur qu’à 89 % environ. Dans le même temps, Fidel Usnayo, simple licencié en chimie qui dirige actuellement l’usine pilote de carbonate de lithium, poursuivait ses recherches :
« On a commencé avec trois autres chimistes à faire des essais pour trouver la formule en laboratoire, puis à une plus grande échelle dans l’usine pilote. On a essayé et échoué un nombre incalculable de fois. Mais on a persévéré, et à force on a réussi ! La première fois, je me souviens, on ne savait pas trop comment. Il a fallu faire encore beaucoup d’essais pour réussir de nouveau. Un an plus tard, on a commencé à produire de façon régulière de très petites quantités de carbonate de lithium de “qualité batterie”. On a un brevet pour notre formule à présent ! ».
10 - YLB en a depuis déposé sept, et d’autres sont en cours de certification.
11 - L’usine pilote de carbonate de lithium a commencé en produisant deux tonnes par an. Elle en a produit 400 en 2018. « Ça a été une grande fierté de voir les premières tonnes sortir et être stockées, puis de commencer à les commercialiser », raconte Miguel Parra, directeur de Llipi au moment de notre enquête. L’usine industrielle de carbonate de lithium, prévue pour produire 15 000 tonnes par an, devait quant à elle être terminée en octobre 2020. Parallèlement, a ouvert en octobre 2018 l’usine industrielle de chlorure de potassium, qui tourne actuellement à 40 % de ses capacités de production de 350 000 tonnes par an. Elle devrait fonctionner à plein rendement en 2022, indique O. Mamani, ajoutant que « les choses se passent ici comme dans toutes les usines du monde entier : tu ajustes petit à petit les machines et le fonctionnement de ton usine à ta matière première ».
12 - Tandis que c’est à Llipi que le lithium du salar est transformé en carbonate de lithium de « qualité batterie », c’est à La Palca, à 15 km de la ville de Potosí, dans une vallée paisible et ensoleillée, que ce carbonate est utilisé pour fabriquer les matériaux cathodiques entrant dans la composition des batteries lithium-ion qui y sont également assemblées – la troisième phase du plan d’industrialisation gouvernemental, « de loin la plus difficile », selon L.A. Echazú. La Palca, c’est d’abord, visuellement, une grande cheminée rouillée s’élevant d’une usine datant des années 1920 de concentration d’étain, toute en tôles, hangars et matériels usagés, dont s’échappent une multitude de câbles et de tuyaux. Y fut montée en 2013 et « livrée clefs en main », par une entreprise chinoise, l’usine pilote d’assemblage de batteries. « Deux d’entre nous sont allés un mois en Chine. Puis les Chinois ont formé pendant six mois le reste de l’équipe, sur place. Ça faisait partie du contrat. Et à partir de 2015, on était tout seuls », explique Marcelo Gonzales en directeur de l’usine pilote de batteries. « Il faut mesurer l’ampleur du défi : on a formé tout le personnel. Et c’est la seule usine de batteries de toute l’Amérique latine. »
13 - La difficulté à surmonter n’est pas seulement celle de l’acquisition des équipements nécessaires – qui doivent actuellement être fabriqués au Japon, en Europe ou aux États-Unis – mais de l’absence d’individus capables de les utiliser. Seul docteur parmi les 563 employés d’YLB (parmi lesquels on ne trouve également que cinq titulaires d’un master), Marcelo Saique précise que, comme il l’a fait lui-même en partant au Brésil, c’est à l’étranger que les étudiants boliviens doivent aller pour acquérir les compétences requises, notamment grâce à un programme gouvernemental de bourses appelé 100 becas, qui vise à former des chercheurs dans les secteurs stratégiques pour le pays, dont l’exploitation du lithium. Le « troisième point fondamental » avec la question des compétences et de l’équipement est, poursuit-il, la question économique : « je peux avoir le génie, je peux avoir l’équipement, mais si je n’ai pas d’argent pour acheter cet équipement, pour engager les professionnels qui ont les connaissances, je ne peux pas avancer ». De ce côté, aucun problème lors des années au pouvoir d’Evo Morales, en raison du soutien gouvernemental.
14 - Avec la question des équipements et des compétences, l’autre grande difficulté rencontrée par le projet est sa durée. Des facteurs structurels entrent en jeu : « Construire une usine de carbonate de lithium ce n’est pas la même chose qu’ouvrir une usine pharmaceutique, métallurgique ou pétrolière », relève O. Mamani. « Le problème, confie L.A. Echazú, c’est qu’on s’est beaucoup avancé sur les échéances. Il aurait fallu être plus prudents et réalistes. Au début on voulait aller jusqu’à fabriquer nous-mêmes en dix ans les voitures électriques qui utiliseraient nos batteries. » Il s’agissait aussi, selon Héctor Córdova, ancien vice-ministre des Mines, de justifier sans cesse auprès de la Banque centrale que le projet avançait, ce à quoi était conditionné le prêt accordé à YLB. Le projet a aussi été affecté par le rythme des échéances électorales, à l’occasion desquelles il fallait, à des fins de communication, accélérer son avancement, au détriment parfois de son bon déroulement.
15 - Pour Herwing Borja Segovia, alors directeur du site de La Palca, les critiques à propos de la durée du projet sont, en réalité, liées aux choix politiques qui le sous-tendent :
« Avoir dit “l’État est maître du salar et seul à pouvoir l’exploiter”, c’est une décision politique. Avoir dit “arrêtons de vendre des matières premières et vendons des produits finis”, c’est une décision politique. Avoir dit “nous allons investir en contractant un crédit à la Banque centrale dont la seule condition est que le projet avance”, c’est une décision politique. Pour que ces décisions ne soient pas considérées comme celles d’un seul parti mais plutôt comme une politique d’État, il y a encore du travail… »
16 - La dimension politique de ce projet s’incarne également dans le fait qu’en Bolivie les mineurs ont toujours été fortement politisés. F. Roque Flores explique ainsi qu’il s’est formé idéologiquement en accompagnant son père aux réunions syndicales des mineurs. « Ce n’est pas un hasard », selon la chargée de la communication d’YLB, « si les principaux porteurs et initiateurs de ce projet sont d’anciens leaders syndicaux miniers affiliés au Parti communiste. » Pour F. Roque Flores, la chose est certaine : « le projet n’aurait jamais vu le jour sans volonté politique ». Une volonté dont ses collègues doivent comprendre le sens : « c’est pour cela que, deux fois par semaine, on se réunit dans une salle pour parler du projet mais aussi d’histoire et de politique. » Les choses sont organisées dans le cadre des activités de la cellule du Parti communiste bolivien que F. Roque Flores a créée à Llipi avec quelques camarades.
- 3 Gonzalo Sánchez de Lozada (dit Goni) sera ensuite élu à la présidence (1993-1997). Réélu en 2002, i (...)
17 - Comme tous les travailleurs d’YLB, ce dernier est très fier de participer à ce projet. « Ma famille a dû migrer vers la ville d’Oruro lorsque mon père, comme 30 000 mineurs, a été licencié lors des privatisations consécutives à l’arrivée de Goni au gouvernement, en 19853. » Tant bien que mal, il a alors enchaîné de petits boulots précaires. « Lorsque j’ai entendu parler de la création de cette usine, j’ai immédiatement proposé mes services. J’ai toujours voulu contribuer au développement de mon pays et non le vendre à des multinationales, car je sais quels dégâts ça entraîne ». Il ajoute : « on est pas mal de fils de mineurs ici et on est tous sensibles au caractère national du projet ». Le propos de F. Roque Flores fait écho à celui du vice-président Álvaro García Linera lors de l’inauguration du centre d’investigation sur le nucléaire à El Alto, en juillet 2019 :
« Dans les années 1990, les gouvernants disaient “la Bolivie se meurt”, “la Bolivie n’a pas de futur”, “les Boliviens sont des bons à rien, des incapables”. Les mines, l’eau, l’électricité ont alors été offertes à des étrangers. Puis nous, les Boliviens, nous nous sommes soulevés, nous sommes sortis manifester pour qu’on ne nous enlève pas notre richesse – ce furent les “guerres” de l’eau et du gaz en 2000 et 2003. 70 d’entre nous moururent, dont des femmes et des enfants. Mais la lutte n’a pas été menée en vain : le peuple a triomphé. »
18 - La Bolivie, et plus particulièrement la région de Potosí, a une longue histoire d’exploitation et de dépossession de ses ressources naturelles, qui l’a reléguée au simple rang de fournisseur de matières premières. Difficile alors de rompre avec ce schéma et de sortir de la dépendance économique, technologique et scientifique vis-à-vis de grandes puissances économiques et des entreprises transnationales. Pour y parvenir, la nouvelle Constitution bolivienne de 2009 proclame que toute activité économique doit renforcer la souveraineté du pays, notamment par la nationalisation des ressources naturelles et leur industrialisation. C’est dans cette perspective que les ressources évaporitiques ont été déclarées stratégiques et que l’État est devenu le seul administrateur du salar d’Uyuni.
19 - Mener à bien ce projet nécessite cependant de s’associer, pour leurs compétences et pour les marchés auxquels elles donnent accès, avec ces transnationales, dont les intérêts et ceux des puissances qu’elles relaient tendent à s’opposer à l’objectif de souveraineté politique et économique du gouvernement bolivien, qui résume ainsi sa position sur le rôle que doivent jouer les transnationales dans ce projet : « socios pero no patrones ». L.A. Echazú énonce dans cette perspective les « cinq conditions » que doivent remplir les partenaires potentiels d’YLB : accepter la participation majoritaire de l’État bolivien (51 %), assurer l’industrialisation du lithium conduisant à une chaîne de produits à haute valeur ajoutée, apporter un financement, assurer un marché, et procéder à un transfert de technologie et de connaissance, notamment en formant le personnel bolivien.
20 - Si de nombreuses entreprises étrangères, du Japon, de Chine, de Corée du Sud, de France ont manifesté leur intérêt pour le lithium bolivien, les choses se sont souvent mal passées. L’entreprise Bolloré fut l’une des premières. « Vincent Bolloré est venu en 2008 », raconte l’économiste Oscar Vargas Villazón, qui était chargé de recevoir la délégation du patron français ; « il a rencontré Evo Morales, l’a invité à Paris et l’a même emmené faire alors un tour sur les bords de la Seine dans une de ses voitures électriques. Son projet a été étudié avec attention, mais son côté très Françafrique, très condescendant n’a pas plu ». La venue de Bolloré en Bolivie a marqué les esprits ; lorsqu’on lui en parle, H. Córdova s’exclame : « Les négociations avec lui, ça a été monstrueux ! ». « L’entreprise Bolloré n’avait pas compris notre philosophie : ce qui les intéressait, c’était avant tout notre matière première », prolonge L.A. Echazú.
L’usine de production de lithium dans le salar d’Uyuni

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Source : Maëlle Mariette.
21 - L’entrepreneur français s’est alors tourné vers l’Argentine, où les conditions proposées lui convenaient davantage. Beaucoup d’autres pays et multinationales ont refusé les conditions posées par l’État bolivien pour l’exploitation du salar d’Uyuni, « habituées au type de relations commerciales qui ont toujours prévalu ici en Bolivie : j’exploite, je paye des impôts dérisoires, j’emmène la matière première, et avec elle la valeur ajoutée », explique H. Borja Segovia.
22 - Après dix ans de négociations, YLB réussit enfin à trouver un partenaire économique prêt à satisfaire ses conditions. C’est ainsi qu’un accord final de partenariat fut signé fin 2018 entre YLB et l’entreprise allemande ACI Systems et qu’en février 2019 fut créée la première entreprise mixte du pays : YLB-Acisa. Il s’agissait d’après O. Vargas Villazón d’un partenariat judicieux pour la Bolivie car il lui « donnait accès au marché européen ». De plus, alors même que l’industrie automobile allemande est la plus importante d’Europe (avec des firmes comme Volkswagen, Mercedes ou BMW), « l’Allemagne ne produit pas encore de batteries ». L’objectif ? « Envoyer en Allemagne fin 2023 ou début 2024 les premières batteries de voiture électrique », déclarait L.A. Echazú début 2019.
23 - Le gouvernement bolivien a également conclu, en août 2019, un partenariat avec le consortium chinois Xinjiang TBEA Group-Baocheng pour exploiter les salars de Coipasa et de Pastos Grandes avec pour objectif d’installer d’ici cinq ans un complexe industriel composé d’usines de sulfate de potassium, d’hydroxyde et de carbonate de lithium, d’acide borique, de bromure de sodium et de lithium métallique. L’accord comprend également la construction d’une usine de batteries lithium-ion en Chine, avec la participation de YLB. « Or le marché du futur, c’est la Chine ! », s’enthousiasme O. Vargas Villazón : « Elle a annoncé qu’en 2025 toutes les voitures chinoises seraient électriques ». Avec 60 % du marché des batteries, la Chine est déjà le plus gros consommateur de carbonate de lithium au monde.
24 - « On a beaucoup de problèmes avec nos associés », soupire cependant L.A. Echazú lorsque nous le rencontrons dans son bureau du ministère durant l’été 2019. « Nous sommes en train de nous battre avec les Allemands car ils reviennent sur le contrat ; ils ne veulent plus faire de batteries ici car ce n’est pas rentable, disent-ils. » Le problème vient du fait qu’il faut actuellement pour la Bolivie importer tous les intrants qui entrent dans la composition d’une batterie au lithium. Or, sans accès à la mer, le coût de l’exportation des batteries, cumulé à celui de l’importation des intrants, rend celles-ci peu compétitives. On comprend mieux dans ce contexte la logique du combat du gouvernement d’Evo Morales auprès de différentes juridictions internationales pour récupérer, contre le Chili, un accès à la mer. Pour résoudre le problème du coût d’importation des intrants, le projet de L.A. Echazú est de construire 41 usines qui les fabriqueront à partir de la richesse du sous-sol bolivien en cobalt, sulfate de manganèse, zinc, ou encore carbonate de sodium. Cependant, concède H. Córdova, « ça va prendre du temps de fabriquer des batteries ainsi » en raison de l’absence de passé industriel, et donc d’infrastructures, dans le pays.
25 - Les choses se compliquent encore lorsque, début novembre 2019, dans le contexte des contestations des résultats de l’élection présidentielle du 20 octobre, le gouvernement cède face au « Comité civique » de la région de Potosí, rallié à Carlos Mesa, ex-vice-président de Gonzalo Sánchez de Lozada (2002-2003) et principal opposant de droite à Evo Morales lors de ces élections : Marco Pumari, président de ce comité reproche à Evo Morales de « livrer la Bolivie aux multinationales » et surtout, depuis plusieurs mois, de « voler les royalties » qui reviennent à la province de Potosí, où se trouvent les complexes industriels de Llipi et de La Palca. M. Pumari est alors à l’initiative de nombreuses manifestations à Potosí dans les mois précédant ces élections – manifestations largement relayées par les médias privés régionaux et nationaux, qui publient à cette occasion de nombreux articles très critiques sur les avancées du processus d’industrialisation du lithium. Une dizaine de jours avant les élections, alors qu’il vient d’entamer une grève de la faim, M. Pumari demande l’abrogation du décret 3 738 de création de l’entreprise mixte YLB-ACISA. Et le 3 novembre, alors que les grèves se radicalisent et deviennent plus violentes suite aux accusations de fraude lors du premier tour, Evo Morales finit par céder et annule le décret. Mais M. Pumari n’y accorde alors aucune importance et réclame immédiatement la démission du président en exercice. Il s’affiche alors avec Luis Fernando Camacho, président du Comité civique de Santa Cruz et leader d’extrême-droite du mouvement putschiste qui va faire tomber Evo Morales quelques jours plus tard. Faisant de M. Pumari, indigène, son principal allié politico-médiatique, L.F. Camacho le fait apparaître à ses côtés lorsqu’il prend possession le 10 novembre du palais présidentiel pour y déposer, à genoux, une bible sur le drapeau bolivien. Ils annoncent dans la foulée se présenter en binôme aux élections présidentielles à venir en début d’année 2020, avant que celles-ci ne soient reportées à plusieurs reprises pour se tenir finalement le 18 octobre 2020.
26 - Selon les chercheurs espagnols Antonio Rodríguez-Carmona et Iván Aranda Garoz [2015], « les processus extrêmement compliqués de négociation avec les sociétés transnationales pour entreprendre des projets d’industrialisation » tels que le projet bolivien de production de batteries au lithium, et les difficultés qui s’ensuivent – comme celles conduisant à l’annulation de l’accord crucial avec ACI Systems – « n’ont rien de fortuit ». Ils vont en effet à l’encontre « d’un système favorable aux puissances économiques du Nord, telles que les États-Unis, l’Europe, la Chine ou le Canada ». Pourquoi ? Parce que ce projet permettrait d’assurer la souveraineté politique et économique de la Bolivie, et, plus généralement, de la sortir du type de sous-développement qui la spécialise, comme bien d’autres pays, dans l’exportation de matières premières, tout en la rendant dépendante de la fourniture d’intrants essentiels, de biens d’équipement et de la technologie possédés par ces puissances [Franck, 1968]. Et c’est dans le cadre de ce système de dépendance que ces pays poursuivent des politiques extractivistes que la Bolivie s’efforce, quant à elle, de dépasser, en s’attaquant, via ce projet, au système qui les sous-tend (ce que perdent souvent de vue les critiques de l’extractivisme).
- 4 Voir par exemple : « La Bolivie se lance dans l’industrialisation du lithium », Le Temps, Lausanne, (...)
- 5 Peut-être en écho à ce propos, d’Evo Morales lors de sa campagne de 2009 : « De cette saumure, sort (...)
- 6 « Zuleta: Bolivia no sabe explotar el litio ni consiguió patentes », Página Siete, La Paz, 4 novemb (...)
27 - Que ces puissances et leurs multinationales se plaisent à souligner « l’irréalisabilité » du projet bolivien n’a alors rien d’étonnant, car elles y ont intérêt. Ce qui pourrait éventuellement davantage surprendre, c’est que les jugements de la grande presse4 rejoignent le discours de ces dernières. On y lit ainsi inexorablement que la Bolivie « n’a pas les capacités requises », « ne comprend pas le business », « arrive trop tard » et poursuit « un rêve impossible5 » à travers un projet « inefficace ». Omniprésent dans tous ces articles et, plus généralement, dans les médias nationaux et internationaux qui traitent du sujet, Juan Carlos Zuleta, membre de la Commission nationale chilienne du lithium, s’y présente comme « chercheur indépendant », titulaire d’un « doctorat en économie effectué aux États-Unis ». Il est surtout analyste boursier et consultant pour différentes multinationales liées à l’exploitation du précieux métal alcalin, notamment au Chili, qui en est le 2e producteur au monde. Ses compétences ne s’arrêtent cependant pas là puisqu’il se révèle aussi être, en novembre, l’avocat et le « conseiller » du Comité civique de Potosí – éclairant d’un nouveau jour la dénonciation des accords conclus avec ACI Systems. Le lendemain de l’abrogation du décret 3738, J.C. Zuleta s’en félicite d’ailleurs dans le quotidien bolivien Página Siete6 en affirmant que « seuls les États-Unis possèdent la technologie la plus avancée requise ». À peine le gouvernement de facto de Jeanine Áñez installé, suite au coup d’État de novembre 2019, cet « expert en lithium » sera nommé, le 8 janvier 2020, nouveau directeur de YLB. Il sera néanmoins démis de ses fonctions moins d’un mois plus tard devant la pression des organisations sociales de la région d’Uyuni, qui dénoncent sa forte proximité avec des intérêts privés chiliens et nord-américains et craignent que le nouveau directeur ne brade à des multinationales le projet jusque-là porté par YLB.
28 - Si la Bolivie, le Chili et l’Argentine définissent à eux trois le « triangle du lithium », qui abrite plus des deux tiers des réserves mondiales connues de « l’or blanc », ces pays sont loin d’avoir adopté des politiques communes concernant son exploitation, largement confiée, dans ces deux derniers pays, aux géants américains Albemarle et FMC Lithium Corp, ainsi qu’au leader mondial SQM (aux capitaux états-uniens, chinois et chiliens). L’exploitation des salars s’opère en Argentine dans le cadre de concessions privées accordées à des multinationales attirées par les facilités fiscales d’installation qui leur ont été accordées, par la faiblesse des royalties qu’elles ont à reverser et par des normes environnementales bien peu contraignantes. Quant au Chili, suite aux concessions privées accordées pendant la dictature de Pinochet, le salar d’Atacama est aujourd’hui principalement exploité par Albemarle et, surtout, par SQM, placée entre les mains du… gendre du dictateur.
29 - L’importance accordée par l’ancien gouvernement de Evo Morales à son projet d’exploitation et d’industrialisation du lithium s’explique par le fait de le concevoir non seulement comme un outil de conquête de souveraineté économique et politique, mais aussi comme un outil de défense de cette souveraineté : « On sait qu’il va y avoir beaucoup de pression sur la Bolivie lorsqu’on entrera sur le marché mondial », explique L.A. Echazú :
« On veut alors que nos associés puissent nous aider à garantir notre souveraineté. Car ça marche toujours comme ça : le capitalisme et l’impérialisme vont là où il y a des ressources, et quand ils en ont besoin et ne peuvent pas en obtenir autrement, ils agressent, envahissent. Nous le voyons tous les jours au Moyen-Orient ou au Venezuela. C’est une chose que nous savons, et elle peut se produire ici aussi […] Si la droite arrive au pouvoir en Bolivie, ça ne va pas être difficile pour Trump et autres de mettre la pression. Car la droite néolibérale bolivienne a toujours pensé qu’il était préférable de privatiser. […] Les États-Unis n’ont quasiment pas de lithium. Ils ont des entreprises en Australie, au Chili, en Argentine, et je crois qu’ils aimeraient bien en avoir en Bolivie. Mais ce ne sera jamais le cas ! »
- 7 Cecilia Barria, « El triángulo del litio: 3 obstáculos que enfrentan Argentina, Bolivia y Chile par (...)
- 8 Keith Johnson & James Palmer, « Bolivia’s Lithium Isn’t The New Oil », Foreign Policy, Washington D (...)
- 9 Par exemple, Tesla a ouvert en octobre 2019 une usine à Shanghai, où les voitures sont construites (...)
30 - Le point essentiel n’est cependant peut-être pas là où le place l’ancien ministre, contraint à la démission suite au coup d’État de novembre. Comme se plaisent à le répéter les divers analystes, consultants et chefs d’entreprise interrogés par BBC World durant l’été 20197, ou les auteurs d’un article récemment paru dans le clintonien Foreign Policy8, les États-Unis disposent actuellement de l’approvisionnement nécessaire en matière première, via les concessions qu’ils exploitent en Australie, au Chili et en Argentine, notamment. De plus, produire des batteries en Bolivie a peu de chances à court terme d’être compétitif en raison notamment du coût élevé de transport vers les grands centres de fabrication automobile, aux États-Unis, au Mexique, en Europe ou en Asie, mais aussi de l’extrême compétitivité de la Chine en ce domaine9. Et alors Sam Jaffe, PDG de Cairn Energy Research Advisors, conclut que « la meilleure option de la Bolivie est probablement d’exporter la matière première ».
- 10 Raúl Dellatorre, « La industrialización del litio en Bolivia, ¿motivó el golpe? », Página/12, Bueno (...)
31 - Si, pour Federico Nacif, sociologue et professeur à l’Université de Quilmes à Buenos Aires, où il dirige un groupe de recherche sur le lithium, il « ne fait aucun doute que le lithium a joué un rôle central dans le coup d’État contre Evo Morales, il est davantage motivé par le projet d’industrialisation souveraine que la Bolivie est en train de développer […] que par le contrôle de la matière première10 ». De sorte que, explique-t-il, « si le coup d’État se consolidait [par le maintien de la droite au pouvoir], je ne doute pas que l’une des premières mesures serait l’annulation de ce projet. Et c’est le complexe de La Palca et son centre de recherche qui sauteraient en premier. »
- 11 Georgina Zerega, « La asesoría de Bolivia a México sobre la extracción del litio alimenta la idea d (...)
32 - Ce projet constitue en effet, selon lui, « un mauvais exemple pour la région ». En Argentine, nombre de chercheurs dénoncent un niveau de privatisation tel que les universités de leur pays doivent, pour leurs recherches, utiliser du lithium offert par la Bolivie ou acheté auprès de la Chine. Mais les communautés de la province argentine de Jujuy, riche en lithium, ont posé en modèle la gestion autonome, locale et étatique du projet bolivien. Au Chili, le Movimiento litio para Chile, créé par diverses organisations sociales, politiques et syndicales, dénonce les actes de corruption de SQM (au cœur d’un scandale pour fraude fiscale et financement illégal de partis politiques) et a réclamé la nationalisation du lithium en prenant pour exemple la Bolivie. Corrélativement, fin octobre 2019, dans le contexte des révoltes populaires qui ont secoué le Chili, les communautés du salar d’Atacama, le désert le plus aride du monde, ont bloqué les activités de SQM et Albemarle, en exigeant de l’État qu’il revienne sur la privatisation de l’eau – opérée sous Pinochet – dont ils manquent cruellement à cause de la surconsommation illégale des deux entreprises. Enfin, au Mexique, où a été découvert en 2018 l’un des plus grands gisements au monde de lithium de roche, le président de gauche Andrés Manuel López Obrador a déclaré, en mars 2021, à l’occasion d’une visite officielle de Luis Arce Catacora dans son pays, que le projet national bolivien constituait pour lui une référence concernant la façon d’exploiter pareil gisement11.
- 12 Ce projet fut presque à l’arrêt pendant l’année 2020, sous le gouvernement de facto de Jeanine Áñez (...)
33 - Or si le Mexique, le Chili et l’Argentine, à la suite du projet bolivien12, se lançaient dans la voie de l’exploitation souveraine de leur lithium, ces pays pourraient alimenter de façon concurrentielle le marché latino-américain, développe F. Nacif. Et, au-delà, parvenir à rompre le système de dépendance technologique sur lequel les puissances du Nord assoient leur domination économique.
BIBLIOGRAPHIE
Frank André Gunder, 1968, Capitalisme et sous-développement en Amérique latine, Paris, Maspero.
Rodríguez-Carmona Antonio & Aranda Garoz Iván, 2015, De la Salmuera a la Batería, Soberanía y cadenas de valor, La Paz, CIS & Pnud.
NOTES
1 Une version courte de cette chronique a été publiée dans « En Bolivie, la filière lithium à l’encan. Un projet d’industrie nationale torpillée par le coup d’État », Le Monde diplomatique, janvier 2020, p. 23.
2 Selon le rapport « Mineral Commodity Summaries 2021 » du U.S. Geological Survey, publié en janvier 2021. https://pubs.usgs.gov/periodicals/mcs2021/mcs2021.pdf
3 Gonzalo Sánchez de Lozada (dit Goni) sera ensuite élu à la présidence (1993-1997). Réélu en 2002, il sera obligé de fuir le pays au moment de la « guerre du gaz », en 2003.
4 Voir par exemple : « La Bolivie se lance dans l’industrialisation du lithium », Le Temps, Lausanne, 21 août 2015 ; Gerardo Bustillos, « La Bolivie vers l’industrialisation du lithium », La presse, Montréal, 19 août 2011 ; Richard Étienne, « La Bolivie peine à exploiter son précieux lithium toute seule », L’Obs, Paris, 30 mai 2010 ; Reza Nourmamode, « La Bolivie se rêve en roi du lithium », RFI, 8 juillet 2016 ; Laura Millan Lombrana, « Bolivia’s Almost Impossible Lithium Dream », Bloomberg, New York, 3 décembre 2018 ; Cecilia Barria, « El triángulo del litio: 3 obstáculos que enfrentan Argentina, Bolivia y Chile para escapar de la “maldición de los recursos naturales” », BBC Mundo, 21 juin 2019.
5 Peut-être en écho à ce propos, d’Evo Morales lors de sa campagne de 2009 : « De cette saumure, sortiront des voitures au lithium boliviennes. C’est le rêve. » (Cité dans Lawrence Wright, « Lithium dreams », The New Yorker, New York, 15 mars 2010)
6 « Zuleta: Bolivia no sabe explotar el litio ni consiguió patentes », Página Siete, La Paz, 4 novembre 2019.
7 Cecilia Barria, « El triángulo del litio: 3 obstáculos que enfrentan Argentina, Bolivia y Chile para escapar de la “maldición de los recursos naturales” », BBC Mundo, 21 juin 2019.
8 Keith Johnson & James Palmer, « Bolivia’s Lithium Isn’t The New Oil », Foreign Policy, Washington D.C, 13 novembre 2019.
9 Par exemple, Tesla a ouvert en octobre 2019 une usine à Shanghai, où les voitures sont construites et équipées des batteries produites sur place.
10 Raúl Dellatorre, « La industrialización del litio en Bolivia, ¿motivó el golpe? », Página/12, Buenos Aires, 17 novembre 2019.
11 Georgina Zerega, « La asesoría de Bolivia a México sobre la extracción del litio alimenta la idea de la nacionalización », El País, Madrid, 19 mai 2021.
12 Ce projet fut presque à l’arrêt pendant l’année 2020, sous le gouvernement de facto de Jeanine Áñez, qui évoquait régulièrement la possibilité de privatiser plusieurs entreprises publiques – de l’énergie et de la téléphonie notamment. Samuel Doria Medina, son colistier lors des élections présidentielles de novembre 2020, déclarait ainsi qu’il serait avantageux que la société états-unienne Tesla prenne en charge l’industrialisation du lithium bolivien. Mais depuis son arrivée au pouvoir, en octobre 2020, le président Luis Arce, ancien ministre de l’Économie d’Evo Morales, a refait de l’industrialisation du lithium bolivien une « priorité » : il inaugurera durant l’été 2021 le « Centre de recherche en science et technologie des matériaux et ressources évaporitiques », et l’usine industrielle de carbonate de lithium du salar d’Uyuni sera sur pied début 2022 (avec un an de retard). Par ailleurs, son gouvernement a repris les négociations avec l’Allemagne et a relancé un appel aux entreprises capables d’apporter à la Bolivie, aux conditions fixées par le gouvernement, la technologie requise pour mener à bien son projet d’industrialisation du lithium bolivien.
TABLE DES ILLUSTRATIONS

TitreL’usine de production de lithium dans le salar d’UyuniCréditsSource : Maëlle Mariette.URLhttp://journals.openedition.org/cal/docannexe/image/12424/img-1.jpgFichierimage/jpeg, 976kHaut de page
POUR CITER CET ARTICLE
Référence papier
Maëlle Mariette, « Maîtriser ses ressources. Les enjeux de l’industrialisation du lithium bolivien », Cahiers des Amériques latines, 96 | 2021, 7-20.
Référence électronique
Maëlle Mariette, « Maîtriser ses ressources. Les enjeux de l’industrialisation du lithium bolivien », Cahiers des Amériques latines [En ligne], 96 | 2021, mis en ligne le 10 octobre 2021, consulté le 13 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cal/12424 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cal.12424
AUTEUR
Maëlle Mariette
Maëlle Mariette est journaliste indépendante. Elle a écrit de nombreux articles sur les pays andins pour Le Monde diplomatique et elle a participé à des productions documentaires et radiophoniques sur les thématiques politiques et environnementales dans la région.
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