Octobre 2023 : Microsoft rachète l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard King pour 69 milliards de dollars. Trois mois après, le géant américain annonce le licenciement de 1.900 salarié·es dans ses divisions jeux vidéo.
En début d’année, Microsoft ferme discrètement Bethesda France, une société connue pour avoir publié des jeux comme Skyrim ou Fallout 4 sur le marché français. Quatre studios de développement (Arkane Austin, Alpha Dog Games, Roundhouse et Tango Gameworks) sont également fermés sans sommation.
Les profits avant les salarié.es
Ces 200 personnes ont appris leur licenciement par mail au nom d’une vague « redéfinition des priorités en matière de titres et de ressources » selon les mots de Matt Booty, responsable de Xbox Game Studio. Zenimax avait été racheté par Microsoft en 2021, qui le liquide donc en partie moins de trois ans après son acquisition. La stratégie est claire : maximiser les profits pour les actionnaires en réduisant les effectifs, sans considération pour les salarié·es.
« En peine pour nos collègues qui ont reçu la nouvelle si brusquement »
À Arkane Lyon, un autre studio Zenimax, le délégué syndical Printemps écologique nous fait part de l’état de sidération et de colère de ses collègues : « Nous sommes en peine pour nos collègues qui doivent subir si brusquement cette décision unilatérale. Microsoft nous avait annoncé que ce rachat serait un moyen de nous permettre de continuer nos activités, sans interférence ! Encore jusqu’à l’annonce des fermetures, nous étions témoins d’un très grand soutien de Xbox envers Arkane Austin et un très haut niveau d’éloge à propos de Hi-Fi Rush. Ce changement d’orientation brutal et imprévu nous éloigne de la stratégie qui valorisait la diversité des jeux et la créativité »
« Au sein du groupe entier, une réelle crainte s’installe : plus personne n’est à l’abri après ce changement de cap. A Arkane, une bonne partie d’entre nous craint que le studio ne voie son budget diminuer, ou même ne soit fermé après le projet en cours. Il est très compliqué de rester motivé dans ces conditions, surtout quand notre travail risque d’être récompensé par des licenciements massifs. Beaucoup redoutent que nos futurs projets soient dictés par des enjeux financiers imposés par Xbox, les rendant beaucoup moins intéressants et uniques. »
Navigation à vue de Microsoft
« Nous doutons fortement de la sincérité, de l'authenticité et de la vision à long terme de la direction de Microsoft. Alors qu'ils investissent des milliards dans l'IA, ils semblent évaluer le succès des jeux uniquement en fonction de leur rentabilité financière, éliminant ceux qui rapportent moins. »
10.500 licenciements en 2023
En 2023, le secteur du jeu vidéo a fait face à une importante vague de concentration économique, avec des rachats majeurs et des milliers de licenciements. En plus de mépriser le bien-être et la créativité des salarié·es du secteur, la politique de Microsoft contribue aux désordres climatiques. Entre 2020 et 2023, l’empreinte carbone de groupe a bondi de 30 %, principalement du fait des investissements de l’entreprise dans le développement de ses infrastructures pour des technologies telles que l’intelligence artificielle. L’entreprise est toujours sourde aux appels à la sobriété et continue dans le techno-solutionnisme le plus total.
Décisions autoritaires du capitalisme boursier
La section syndicale est formelle : « Pour remotiver les travailleurs et travailleuses, il va falloir d’excellentes contreparties en termes de conditions de travail, et des garanties de sécurité de l’emploi à long terme. Les entreprises doivent s’orienter vers une gouvernance plus locale et partagée avec les personnes qui investissent leur temps dans la production. »
Écouter la voix des salarié·es
Les jeux vidéos n’existent que grâce à la créativité des salarié·es du secteur. La technologie seule est impuissante et il faut donc que Microsoft et les autres géants du jeu vidéo se remettent en cause si nous souhaitons réellement vivre dans un monde juste et durable. Dans l’intérêt d’une production culturelle de qualité, respectueuse des travailleurs et travailleuses et du vivant, il est impératif de mettre fin à cette fuite en avant techno-solutionniste et d’écouter les salarié·es, démocratiquement.
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