La voiture, nouvelle arme anti-pauvres.

On voit de plus en plus nos gouvernants s'agiter au prétexte de promouvoir, voire imposer, la voiture dite propre. On a même vu ces derniers jours des annonces tonitruantes concernant une prime pour la destruction de vieux véhicules Diesel, mais de quoi s'agit-il au juste ?

La carotte

Au 1er avril le gouvernement a instauré une prime à la casse de 10000 euros pour les vieux diesels contre l'achat d'une voiture électrique, et un crédit d'impôts de 500 euros si un ménage à revenus modestes achète, en neuf ou en occasion, une voiture essence émettant moins de 110 g de CO2 par kilomètre (Source)

Non, je n'ai pas commis d'erreur, il ne s'agit pas de 5000 euros mais bel et bien de 500 euros qu'on propose royalement -sans mauvais jeu de mots- en guise de coup de pouce aux gens trop pauvre pour remplacer leur 205 XLD par une Twingo 3 essence toute neuve. Quant aux véhicules d'occasion c'est juste une vaste blague d'espérer trouver à un prix raisonnable une essence avec un taux de CO2 par kilomètre aussi faible.

Si les mesures s'arrêtaient là on pourrait tout de même se dire qu'au final ce n'est pas si mal, le gouvernement a enfin décidé de lutter contre la diésélisation du parc automobile français. Certes un alignement des prix du diesel sur ceux de l'essence aurait été plus incitatif, mais tout de même voir un gouvernement français inciter ouvertement à ne plus acheter du diesel c'est tellement inatendu qu'on serait bien chiens de ne pas le créditer de cet effort.

Sauf que oui, mais non.

Le baton 

Avant d'aller plus loin je sais que je risque de choquer mais je vais employer une expression qui sent bon la droite revencharde il s'agit de "bobo gaucho-parisien", et surtout de leur chère maire l'inénarable Anne Hidalgo qui ne pense qu'au confort bourgeois de ses administrés et se moque éperdument des conséquences de ses décisions.

Si j'évoque cette élue c'est car elle a décidé d'interdire l'accès à Paris aux véhicules les plus polluants. D'ailleurs au vu des images des nuages de pollution on peut en effet difficilement nier qu'il y a un problème grave, une action est bel et bien nécessaire.

Mais de quoi parle-t-on au juste ? De ne plus autoriser les BMW X5 et autres Porsche Cayenne à sillonner les belles avenues de notre capitale ? Que nenni ! On veut interdire aux propriétaires de vielles voitures de rouler, c'est à dire justement les propriétaires de 205 XLD évoqués plus haut et qui sont totalement incapables de financer une voiture neuve !

Alors certes il est vrai qu'une partie de ces gens pourrait laisser tomber leur voiture et utiliser les transports en commun, surtout à Paris qui est bien pourvue dans ce domaine. Mais concrètement, la femme de ménage en horaires décalés qui nettoie le bureau d'Anne Hidalgo et de ses électeurs, comment est-elle censée faire pour rentrer à Aubervilliers après la fermeture du Métro ? Elle fait du Vélib' à 3h du matin ? Et encore il s'agit là du cas le plus favorable où elle a la chance de pouvoir loger en banlieue proche ! 

La chasse aux pauvres

Surtout qu'à bien y regarder la mesure cible vraiment spécifiquement les plus vieilles voitures, celles qui ont dix-sept ans et plus, soit plus de deux fois l'âge moyen de parc automobile français ! On parle donc d'une infime minorité de personnes qui sont ainsi désignées comme bouc émissaire de la pollution et bien incapables de mobiliser les moyens médiatiques pour contrer cette propagande abjecte. Et ils n'ont même pas le recours du bulletin de vote étant donné que, par définition, les travailleurs pauvres de la capitale qui ont besoin d'une voiture n'habitent pas dans Paris. D'ailleurs ce recours serait bien illusoire étant donné que NKM voulait faire exactement la même chose avec ses ZAPA (Source)

L'argument massue qui est alors brandi est celui de l'exemple allemand où des mesures, qu'on qualifiera de similaires pour simplifier le débat, ont permis de faire baisser le niveau de pollution des grandes villes. C'est on ne peut plus vrai, sauf qu'on ne rappelle jamais que là bas il est autorisé de modifier son véhicule essence ancien pour lui adapter un pot catalytique, chose rigoureusement interdite en France. C'est comme ça qu'on a pu voir des produits aussi incongrus qu'un pot catalytique et son système d'injection être conçu pour des 2CV !

Et que ceux qui voudraient se rassurer en pensant que cela ne va concerner que Paris et sa banlieue relisent l'interview de Ségolène Royal mise en lien plus haut: "nous avons décidé d'inscrire dans la loi le principe des zones de basse émission qui permettront aux grandes villes d'y restreindre la circulation en n'y autorisant que certains types de véhicules".

C'est bien beau de râler mais on fait quoi ?

Quelques propositions en vrac de mesures à court terme et moyen terme:

1. Aligner à entrées fiscales constantes le prix du diesel sur celui de l'essence. C'est à dire baisser beaucoup le sans plomb, utilisé par peu de gens, et augmenter un peu le diesel, utilisé par beaucoup de gens, pour arriver à une égalité des prix parfaite entre les deux carburants. Cela coûtera zero centimes à l'état et entraînera un rééquilibrage massif du parc automobile français. On peut imaginer une ristourne pour les chauffeurs routiers sous forme de décuction fiscale afin d'éviter de tuer un secteur déjà bien mal en point.
2. Laisser les propriétaires de vieilles voitures tranquilles, ceux qui n'ont pas le choix ont déjà assez de soucis comme ça. Le jour où ils auront les moyens de changer ils le feront, quant à ceux qui ont une âme de collectionneur on peut sans prendre trop de risques avancer qu'ils seront ultra minoritaires, donc inoffensifs. D'ailleurs la Fédération Française des Véhicules d'Époque a déjà négocié une exemption pour les véhicules de plus de trente ans (Source) alors pourquoi s'acharner sur ceux entre dix-sept et vingt-neuf ans ?
3. Développer les transports en commun ! C'est un peu tarte à la crème comme argument mais les projets de Grand Paris prouvent bien qu'il y a actuellement un problème majeur dans la capitale, et les autres villes ne sont certainement pas mieux loties.
4. Lutter contre l'étalement urbain, ou plus précisément lutter contre l'éloignement des lieux de travail des lieux de vie. Ce n'est simplement pas tenable à long terme de devoir faire des dizaines de kilomètres chaque jour pour aller travailler.

Pour ne pas rendre ce billet encore plus long qu'il ne l'est déjà je n'aborde volontairement pas l'arnaque qui consiste à affirmer qu'un véhicule neuf est globalement moins polluant qu'un ancien en parfait état de marche. Il ne me reste qu'à remercier ceux qui ont tenu jusqu'au bout et j'attends avec impatience vos commentaires !