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Billet de blog 13 janvier 2023

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Noël

Pour vous, ce titre peut avoir l’air d’être décalé du calendrier « normal ». Mais le fait est qu’en Ukraine, deux calendriers religieux coexistent – le calendrier grégorien et le calendrier julien. Cette année, des familles ont réalisé qu’ils n’avient plus d’envie de fêter le Noël en même temps que la Russie, le pays qui a détruit en Ukraine plus de 140 lieux de culte.

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Pour vous, ce titre peut avoir l’air d’être décalé du calendrier « normal ». Mais le fait est qu’en Ukraine, deux calendriers religieux coexistent – le calendrier grégorien et le calendrier julien. Donc la communauté chrétienne ukrainienne a deux dates possibles pour fêter le Noël – le 25 décembre et le 7 janvier. 

Toutes les deux ont une résonance extraordinaire cette année de la guerre.

D’abord, l’Église orthodoxe d’Ukraine, qui se sert du calendrier julien, a autorisé les paroisses de choisir une des deux dates eux-mêmes cette année. Ce qui veut dire qu'ils ont eu la possibilité de fêter le Noël selon le calendrier grégorien, et aussi et d’avoir une messe le 25 décembre au lieu de 7 janvier. 

Pourquoi cette conversation a eu lieu en 2022 ? Que la réponse complète soit donnée par les spécialistes. Moi, comme journaliste et athée, je préfère souligner juste quelques moments intéressants, même aux personnes qui ne pratiquent pas. 

Depuis 2017, le 25 décembre est le jour férié. Avant, il n’y avait que le 7 janvier comme jour férié pour fêter le Noël, malgré le fait que plusieurs Ukrainiens catholiques, protestants et d’autres églises chrétiennes fêtaient Noël le 25 décembre depuis toujours. Cependant, le 7 janvier n’était la date de Noël pour les églises orthodoxes ukrainiennes qui suivaient le calendrier julien... mais jusqu’à 2017 c’était le jour férié unique pour fêter le Noël. 

Alors depuis 2017, la période des fêtes de Noël dure entre le 25 décembre et le 7 janvier – « du premier Noël jusqu’au deuxième » comme on plaisante souvent. Donc le Noël du calendrier grégorien est devenu visible, tout comme l’expérience des familles et des paroisses qui avaient leur Réveillon le soir de 24 décembre.

En 2019, la question de la date du Noël se pose de nouveau. La paroisse de Loutsk, celle de l’église orthodoxe de la Sainte-Trinité, a été la première paroisse de l’Eglise orthodoxe de l’Ukraine (Православна Церква України) qui a offert à ses fidèles la possibilité de choisir et de venir assister à la messe soit le 25 décembre, soit le 7 janvier. 

Fin 2021, le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne se déclare favorable envers la date de 25 décembre comme date unique pour fêter le Noël. Il parle de la nécessité de prévoir une certaine période de la transition, une dizaine d’années peut-être...

Mais l’invasion russe le jour de 24 février a donné un coup d'accélérateur à cette transition.

Plusieurs familles ont réalisé que la date était importante, et qu’ils n’avaient plus d’envie de fêter le Noël en même temps que la Russie, le pays qui a détruit en Ukraine plus de 140 lieux de culte – synagogues, mosquées, églises.

Le nombre exact des personnes qui ont changé leur date préférée pour fêter le Noël et qui ont décidé de rompre la simultanéité avec les églises orthodoxes russes m’est inconnu. Mais la discussion telle quelle a été plus importante que les chiffres. Pas de pression, cette idée se trouvait dans le même cadre que celle de la période festive qui dure entre le 25 décembre et le 7 janvier. De plus le calendrier julien et le calendrier grégorien ne sont qu’un seul : c’est le même, mais du « vieux » et du « nouveau » style. 

La jour de 7 janvier 2023 nous a surpris quand même aussi. Pour la première fois depuis trois siècles, la messe de Noël a eu lieu dans une des églises de la Laure de Petchersk qui se trouve dans le cœur du centre de Kyiv, pas trop loin du quartier présidentiel. Jusqu’à janvier 2023, tout le territoire de ce patrimoine a été contrôlé par l’Église orthodoxe affiliée au patriarcat de Moscou. Depuis le début 2023, deux églises de la Laure de Petchersk rentrent sous le contrôle d’État qui a autorisé l’Eglise orthodoxe de l’Ukraine à y organiser une messe de Noël. 

L’orthodoxie russe a servi d’instrument de la guerre contre l’Ukraine pendant trop longtemps. Donc c’était l’occasion de regagner l’espace qui a été occupé, tout comme à Kherson ou dans la région de Kharkiv libérée. Eh oui, le jour de 7 janvier, plusieurs personnes s’y sont réunies pour participer à cet événement historique. Je suppose que ceux qui ont déjà fêté leur Noël le 25 décembre, eux aussi, y ont été présents. 

Une phrase très courante dans les rues de Kyiv ce jour-là, est celle que les gens de toutes les religions sont les bienvenus. Je partage avec vous aussi une blague très courante, que même « tous les athées du patriarcat de Kyiv sont les bienvenus » !  Cette tolérance et cette souplesse me paraissent importantes pour comprendre l'Ukraine actuelle.

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