isa testa (avatar)

isa testa

Enseignante- fonnkézèz

Abonné·e de Mediapart

12 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 novembre 2020

isa testa (avatar)

isa testa

Enseignante- fonnkézèz

Abonné·e de Mediapart

Une pensée marronne en paletot jaune soleil

Derrière les actes, il y a des paroles. Derrière les paroles, il y a des pensées. Et parmi les pensées, il y a la pensée marronne. Une pensée qui s’inscrit dans la résistance et la résilience. La situation de La Réunion il y a trois ans avait réactivé une pensée marronne collective.

isa testa (avatar)

isa testa

Enseignante- fonnkézèz

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'analyse faite il y a trois ans, par le biais d'une pensée marronne, sur la place de la langue créole et l'enracinement de la société dans son histoire et son environnement, reste d'actualité.

La langue créole, ciment de la société réunionnaise.

Le rapport de la société réunionnaise à la langue créole va à l’encontre de la morale universelle.

Ici, quelle langue parlons-nous ? Quelle langue pouvons-nous entendre partout ? Dans quelle langue écrivons-nous nos fonnkèr et chantons-nous notre maloya ? Dans quelle langue exprimons-nous nos sentiments les plus profonds? Il me semble que cette langue s’appelle langue créole. Parfois côte à côte, souvent mayé avec la langue française, certes. Mais présente à plus de 80% dans les familles réunionnaises.

Pourtant, nous utilisons cette langue sans vraiment avoir conscience de tout ce qu’elle nous apporte. Sans vraiment la respecter. Car inconsciemment, nous en avons honte. Une honte qui nous empêche de la transmettre à nos enfants. Et pourtant, nous l’utilisons tous les jours… Une même langue nous inspire plusieurs sentiments contradictoires. 

La question de l’importance de la langue créole dans la société réunionnaise est centrale, de mon point de vue, afin d’éviter d’être déstabilisé en tant qu’être humain et de perdre ses repères. Car les langues sont là pour porter une vision du monde, un rapport à l’autre et à soi-même, un rapport à l’espace et au temps … 

Qu’en est-il lorsqu’on méprise notre propre langue ? Au final, qui méprisons-nous vraiment ? Les arguments des gilets jaunes, revendiqués sur la place publique essentiellement en créole, semblaient avoir réhabilité la langue qui porte, au-delà des revendications et du malaise profond, l’espoir d’une nouvelle considération.

L’enracinement dans l’histoire

La Réunion a des comptes à régler avec son histoire, une histoire basée sur des comportements qui vont à l’encontre de la morale universelle.

Comme partout en France, La Réunion affiche une identité plurielle. Comme partout en France, cela ne devrait pas poser problème dans la mesure où toutes les identités régionales constituent la richesse de la France. Pourtant, à La Réunion - comme dans les autres régions d’outre-mer -  l’élément historique à prendre en considération remonte au XVIIème siècle et s’appelle la colonisation. Une période pendant laquelle pour défricher les forêts, exploiter les terres, planter le coton, le café, la canne à sucre, les gouverneurs font venir des hommes qui seront mis en esclavage. 

Au début du XVIIIème siècle, le code noir légalise l’esclavage et permet la chasse à l'homme, des hommes en quête de liberté. Ainsi, la loi de l'époque légalise des comportements qui vont à l’encontre de la morale universelle, à savoir la mise en esclavage d’êtres humains et la chasse à l’homme, et en même temps puni un idéal humaniste, qui correspond à un idéal de dignité et de liberté humaines, porté par les marrons à ce moment-là. Notre histoire prend naissance avec cette inversion des rapports moraux dont nous sommes tous héritiers. Une histoire qui, lorsqu’elle est racontée, n’est jamais expliquée. 

Nos racines, des trésors sous la terre.

Au sens propre, la terre réunionnaise est riche de ses jardins créoles. Nos anciens avaient développé le concept de permaculture bien avant nous. L’importation alimentaire à outrance d’aujourd’hui ainsi que la monoculture et son lot de pesticides sont en train de tuer un savoir-faire ancestral. Les remises en cause sociétales de ces dernières années permettront peut-être un retour à plus de sobriété heureuse sur fond d’autosuffisance alimentaire saine, de circuit court et d’économie symbiotique.

Au sens figuré, si nous sommes l’arbre, et les éléments de notre culture les racines, prenons-nous soin de nos racines ? Comment pouvons-nous rester debout si nous n’arrêtons pas de passer des tractopelles dans la terre de notre identité plurielle ? L’histoire, la musique, la langue, la littérature, l’univers créole, l’héritage de toutes les civilisations laissées par nos ancêtres ne sont pas des mauvaises herbes ! Au contraire, tous ces éléments nous donnent la force de résister face à la mondialisation et d’exister en tant que région porteuse d’une identité réunionnaise particulière et inscrite dans un destin commun français.  Nous devons réparer le rapport que nous avons à notre culture pour en faire une richesse, au risque de n’avoir aucun héritage à laisser à nos enfants.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.