DANS LA ROSÉE DU MATIN
(Poème pour Jean Ferrat)
Nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés
Pourtant il y a longtemps nos chemins se sont croisés
Dans la rosée du grand matin, moi j’ai ramassé
J’ai cueilli tes paroles, tes chansons par bouquets.
Tous les textes d’Aragon que tu as mis en musique
Sans compter tes poèmes, tes combats poétiques
Depuis toujours, moi je partage tes refrains
Tes révoltes pour la vie, un meilleur lendemain.
Tes chansons ont toujours accompagné mes espoirs
Avec Nuit et Brouillard je prends le train de l’Histoire
Cuba ou Potemkine ouvrent une dimension
Nous guident sur les changements d’une révolution.
Aujourd’hui quand tu regardes les informations
Du haut de ton nuage tu dois avoir des frissons
Des frissons de peur, de colère et de désillusion
Car ce n’est pas ta France encore moins notre Réunion.
Aujourd’hui quand tu regardes les informations
Tous les papas mamans dans les manifestations
Se font gazer en pleine tête
Avec les gilets jaunes ou pour la retraite.
C’est sûr que tu es en train d’imaginer
De composer de nouveaux poèmes à chanter
Avec de la musique en dentelle mi, do, ré
Pour nous remplir de mots d’un soleil réveillé.
Des paroles d’aurore pour ne pas courber la tête
Jamais renoncer à une humanité en quête
Où les parents transportent un métissage
En cadeau pour leurs enfants, une culture en partage.
Chacun son tour, chacun son engrenage
Ils essayent de transmettre un autre héritage
Coûte que coûte arriver à la fin du voyage
Derrière cette folie il y a un autre maillage.
Des paroles d’aurore pour créer un nouvel océan
Fait de rivières pour une mer aux reflets chantant
Avec des perles d’eau de cascade dans notre cœur
Ainsi que Terre et Mer dans un mariage sincère.
Des paroles d’aurore pour un arbre mille racines
C’est ainsi que tu rêves notre jardin balsamines
Notre champ d’humanité dans tous les coins de la forêt
Notre jardin créole en modèle à partager.
Nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés
Pourtant il y a longtemps nos chemins se sont croisés
Car dans la rosée du grand matin, moi j’ai ramassé
J’ai cueilli tes paroles, tes chansons par bouquets.
J’ai cueilli tes paroles dans un arbre à comptines
Un, deux, trois, dans mon doudou il y a des ti Pamines
Et puis pour chaque Valentin, sa Valentine
Dans un pays bonheur, la dignité tu imagines.
Tu ne chantes pas pour faire passer le temps
Pour cela aujourd’hui tu laisses un vide sidérant
Mis à part toi, qui de tous les chanteurs français
Une société coupable, en chœur peut dénoncer.
La Montagne que tu racontes, nous l’avons chantée
La France comme tu l’as peinte, nous l’avons dessinée
Dans l’esprit des Lumières, ils ont tous réussi
A construire un pays dans la démocratie.
Aujourd’hui un seul rond point, plusieurs directions
Ici et là, on tente sa révolution
Un cortège d’espoir dans des mains d’or abîmées
Un mouchoir sur le cœur pour pouvoir respirer.
Les dégâts du corona laissent des traces partout
Les humains, les pays, la planète on s’en fout
Même la démocratie se voit confisquée
Les lois de sécurité enterrent les libertés.
La pire des libertés aujourd’hui étouffées
Est celle d’autres questions à pouvoir se poser
Et inventer des réponses à hauteur d’espérance
Pour que vivre en humanité prenne ainsi tout son sens.
Ne pas fermer les yeux sur les véritables enjeux
Ne pas se contenter des mêmes règles du jeu
Qui ne cessent d’augmenter le confort d’une poignée
Dans le mépris total de la grande majorité.
Au contraire se dire qu’autrement est possible
Que le Dieu Argent n’est pas si invincible
L’Homme l’a construit, l’Homme peut le détruire
Et n’en faire alors plus qu’un lointain souvenir.
Mais pour cela, c’est plus que du courage
Qu’il faut alimenter à tous les étages
Revoir tous les conforts d’une poignée de terriens
Face à la majorité de ceux qui survivent de rien.
Ce que l’humanité a sans doute à gagner
Cela n’a pas de prix, ne peut être monnayé
C’est une histoire de cœur, de principe millénaire
Qui devrait nous faire vivre en harmonie sincère.
Même si l’esclavage n’a pas toujours été dénoncé
Dans le fond de ton cœur tu l’as toujours condamné
Un crime contre l’Humanité c’est toujours une folie
Un homme vaut un homme, une vie reste une vie.
Aujourd’hui Brassens, tu es allé retrouver
Je suis sûre qu’avec lui tu continues à chanter
Tu continues à refuser une mondialisation
Sans partage, sans justice équitables entre nations.
Boris Vian, Pablo Néruda ou bien Maria
Pour la grandeur de chacun tu as fait résonner ta voix
Aujourd’hui ceux qui louent ton intégrité
Hier fermaient les yeux sur ta musique censurée.
Peut-être qu’un nouveau jour viendra pour de vrai
Un jour couleur orange sur le monde entier
La couleur de l’amitié dominera le tableau
Pas seulement les poètes y tremperont leurs pinceaux.
Sans doute est-ce un rêve, mais je sème tous les soirs
Dans la nuit tes paroles qui me font cultiver l’espoir
L’arbre de la fraternité dévoilera sa forêt
Dans l’immensité de notre grand ciel étoilé.
Nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés
Pourtant il y a longtemps nos chemins se sont croisés ...