Au lendemain des massacres perpétués à Charlie hebdo tuant douze personnes et en blessant des dizaines d'autres je fus interpellée par la vague émotionnelle collective que suscita ce crime. Le monde avait les yeux rivés sur ce que l'on comparait désormais aux attentats du 11 septembre. La terre entière s’était émue ; des stars devenaient Charlie, des pancartes occupaient tout l'espace public rendant visible de-ci de-là ce-cette SDF, qui sans elles, serait resté-e inaperçu, absent de notre regard et que l'on était décidément toujours pas. Etaient- ils charlie eux?
Je compris bien que c'était la libre expression qui avait été tuée, que l'on avait blessé la République de la Liberté-Égalité-Fraternité, que la France des Droits de l’Humain avait été attaquée ; et le terrorisme avait causé la terreur sur le sol français en plein cœur de Paris avec une facilité déconcertante, mettant à nu une vulnérabilitéinsupportable, celle de cette vie qui compte. Certaines vies comptaient-elles donc plus que d’autres ? Pourquoi deux ans auparavant n'étions-nous pas devenus ceux qui étaient demeurés anonymes, assassinés dans des conditions similaires à Toulouse ? Pourquoi n’étions-nous pas toutes-tous ces juifs et toutes-tous ces militaires ? Pourquoi n'étions-nous pas tous ces hommes et ces femmes enchaînés par un regard assassin ?[1] Pourquoi n’étions-nous pas tous ces hommes et ces femmes bâillonnés sous divers aspects par cette même République ; incapables et non autorisés à dire : « vous faites de nous des monstres votre humanisme nous prétend universel mais vos pratiques racistes nous particularisent »[2]. Car pour parler, encore faut-il avoir un-uneinterlocut-eur-ice qui accepte de vous entendre...Car ma liberté in fine ne prend sens qu'avecAutrui, et si il-elle n'existe pas, si il-elle est absent-e de la scène de ma vie, elle n'existe pas nonplus car elle ne saurait alors trouver ce contour qui lui fait voir le jour.C’est ainsi que des centaines de millier de français-es sont devenu-e-s Charlie ont pleuré ont été touché de près car ça c’était passé près de chez eux. Après avoir reçu de nombreux messages de mes compatriotes désemparées organisant via les réseaux sociaux des chaînes de solidarité, après avoir vu des femmes et des hommes abattus par cet événement, je m'interrogeai naïvement sur ce qu’il avait de particulier pour que tant de Français s'y reconnaissent. L'identification, là était le point sensible.Car en effet, cette évènement d'une tristesse absolue n'en était pas moins à de nombreux aspects d'une banalité déconcertante. Loin de nier la singularité de l'action ou même de tenter l'indifférence face à une situation révoltante, je notais tout de même que ces faits dans le temps, la durée et l'espace étaient somme toute récurrents. Il m'était donc personnellement difficile d'y être plus ou moins sensible que tout autre action de nature similaire qui aurait tué l'Humain pour ce qu'il était, qui aurait imposé violemment une idéologie avec la volonté d'éradiquer le débat de la scène public pour assurer la suprématie d'un dogme tout puissant; hégémonie voulant nier notre liberté fondamentale et inaliénable : celle de penser, de dire, d'interpeller, de débattre, et donc de vivre. En somme, le totalitarisme, douloureusement familier, voulant se substituer à notre précieuse démocratie. Mais notre République Française démocratique, qu’en avions-nous fait ? N’était-elle pas, elle aussi, coupable de barbaries ?
Il me sembla alors que cette violence s’exprimait chaque fois qu’une phrase malheureuseéchappait à nos politique (« L’Homme Africain n’est pas rentré dans l’Histoire » etc…).Cetteviolence se manifestait chaque fois qu'une Aïssatou, un Mohamed ou une Fatou, sevoyait refusé injustement un poste ou se retrouvait privé d’un droit. Cette violence je la voyais dans ce regard assassin qui classifiait les individus en plus et en moins. Cette violence était à l'école, celle qui produirait des sans paroles ; qui n'auraient jamais ni les moyens ni l'espace pour s’exprimer démocratiquement. Cette violence je la voyais dans ce systèmeéconomique moderne, broyeur, qui n’hésitait pas à écraser sous sa force les plus faibles afin d’encore et toujours mieux servir ses intérêts. Cette violence je la percevais pour toutes celles et ceux à qui l'on interdisait le statut d'êtrehumain, les rendant mis hommes, mi bête à nos yeux et créant ainsi nos monstres modernes…
Cette République idéale, pour laquelle tant de camarade avaient défilé par centaine de millier, et allumé une petite bougie, me laissait un goût amer. Il ne fallait pas qu'elle disparaisse, ilfallait qu'elle perdure car elle était belle etc... Mais moi, je la voyais rongée de toute part par une gangrène qui ne disait pas son nom. Je la sentais en certain endroit de son corps, (ce corps qu'ils étaient tous lors de cette manifestation), meurtrie et nauséabonde ; tentant d’étouffer sous un pansement bien fait la puanteur qui émanait de ses entrailles.
Mais il était beau ce rassemblement : il ne laissait pas un champ vide, s'opposait vigoureusement à la négation en faisant vivre encore et encore ceux que l'on avait voulu faire taire, disparaître. C'était une respiration permettant à nouveau une union vitale et cruellement absente de notre quotidien désenchanté.
Il avait néanmoins mis sous silence -malgré sa pluralité- la douleur d’une fracture non consolidée ; il avait relégué au banc des accusés et des oubliés ceux que cette même République avait enfanté. Il n'avait pas voulu regarder ces monstres qu'il avait fait naître. C'est ainsi qu'encore une fois nous avons pu voir éclater des discours de répression doublés d’une islamophobie non voilée, plutôt qu'un questionnement sagace, sur les raisons d'uneproduction massive par la République Française, d'enfants Français s’engageant dans sadestruction méthodique. Pourquoi Mohamed Merah français âgé de 23 ans né sur le solFrançais avait-il basculé dans une aliénation tel qu'il lui était devenu indifférent d'ôter la vie où même de se voir la perdre. Pire à 23 ans il préférait la mort à la vie et l'appelait de tous ses vœux. Comment ces deux frères Français âgés d'une vingtaine d'année s’étaient-ils retrouvés à poser des actions aussi dramatiques ; errant ensuite en sursis car n'ayant in fine d'autreaspiration que la destruction, celle des autres et d'eux même ? Pourquoi Amedy Coulibalyet pourquoi tant d’Autres ?
Enfin, pourquoi cette République Française était-elle génitrice en soldat-es-s de la haine ? Pourquoi ? Et comment ? voilà des interrogations qui ne semblent pas avoir ému ce corpsRépublicain unis « contre » un dimanche 11 janvier ; avec des représentants nourrissant leurs paradoxes en invitantdes criminels de guerre. La récupération politique était inévitable mais tout de même, un peu de décence et de cohérence n’eussent pas été trop.
Et je me demandais alors pour qui elle était cette liberté ? Pour qui cette égalité ? Pour qui cette fraternité ? Et je me suis demandé si le monstre ne pouvait être mon frère. Et je me suis demandé si la monstre ne pouvait être ma sœur. Et je me suis demandé si la barbarie parminous ne pouvait également être la barbarie en chacun de nous.
Moi je fus Charlie et tous ces Autres.
Quand je songeais aux victimes les mots me manquaient la ou la douleur se fait vive. Quand je regardais ces assassins je me questionnais sur ce que nous avions fait de notre humanité. Moi je fus eux Tous car je me refusais à vivre avec un bout manquant, je refusais l'amputation, et j'avais une foi sans bornes en la rémission.
Oui, j'avais une espérance sans faille et une croyance vive en cette liberté.
Oui, j'aspirais de tous mes vœux à cette fraternité.
Oui, je voulais l'égalité pour tous.
Je refusais l’exclusion car le monstre c’est aussi moi, c’était vous, c’était nous et il nous fallait éclairer les zones d’ombres pour transformer; il fallait que nous cessions de nous soustraire à nos responsabilités.
Je ne pouvais me résigner à évaluer la valeur d'une vie, car pour moi chaque vie comptait et l’Humain restait au cœur de mon désarroi.
Moins d’une année après les événements de Charlie Hebdo, la destructivité choisit de frapper à nouveau sur le territoire français, ciblant cette fois une liberté qui fit plus facilement consensus au sein de notre société: celle de vivre. Mais finalement, qu’est-ce que cela changeait à toute l’affaire qui m’occupait ? Une interrogation lancinante me taraudait, encore celle de l’identification. Un questionnement me remuait sans cesse, encore celui de cette vie qui compte.
Obama qui voyait en cet événement « l’humanité touchée », ces différents pays d’Occident affichant le drapeau de la France, ces pays d’Afrique faisant une minute de silence : il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond sur cette terre, j’en étais désormais certaine ; je sentais que finalement il y avait des vies qui valaient plus que d’autres, je sentais que finalement la France avec sa soi-disant Humanité universel s’était menti.
A qui la communauté internationale reconnaissait elle le statut d’humain ? Et Beyrouth deux jours avant Paris ? Et… et tous ceux-là, que ce même mal frappait sans relâche étaient- ils moins humains ? Etaient-ils plus « normalement » atteint ? Etaient-ils invisibles ? Leurs souffrances avait-elle moins de valeur que la mienne, moi française parisienne, aux yeux du monde ? Je me dis alors que le danger à accepter pour « l’Autre » ce que l’on ne concevrait pas pour soi c’était tout bonnement comme appuyer avec une naïveté coupable sur une bombe atomique à retardement que l’on aurait placé en dehors de ses murs croyant bêtement que le nuage de ses émanations toxiques s’arrêterait à la frontière.
Pourquoi ces chefs d’Etat Africains faisaient-ils une minute de silence pour Paris ?
Si la vie des populations africaines comptait aux yeux de leurs dirigeants et des Autres, ne serait-ce pas tous les jours qu’il devrait y avoir 1 minute de silence partout en Afrique et dans le monde ?
Une minute de silence….
Une minute de silence pour ces femmes violées, mutilées, massacrées au Congo dans l’indifférence générale. Une minute de silence pour le Mali, une minute de silence pour le Nigéria, une minute de silence pour le Nord Cameroun, une minute de silence pour le Tchad, une minute de silence pour la Libye, une minute de silence pour la Tunisie, une minute de silence pour la Syrie. Une minute de silence pour l’Irak. Une minute de silence pour le Liban…
Une minute de silence pour tous !
Une minute de silence pour ces populations qui meurent de faim sur l’un des continents les plus riches en ressources de la planète sous le joug d’enjeux économique mondiaux, tout aussi barbare, tout aussi aveugle, déterminé à engranger toujours plus de profit ; méthodique pour assoir une suprématie toujours plus grande, froide et sans scrupules dans une jungle mondiale ou il s’agit de manger ou être mangé, et où tous les coups sont permis.
Une minute de silence pour les travailleurs-rs-ses chinois-es, une minute de silence pour les agricult-eurs-rice d’Amérique du sud…
Une minute de silence pour ces enfants esclaves dans les cultures de café et de cacao en Afrique que nous consommons avec un plaisir innocent dans nos restaurant de luxe ici à Paris ville de rêve, une minute de silence pour les tueries de Pralhus, une minute de silence pour les tueries du chocolat industriel kit kat, mars, Nestlé, MNMS... Une minute de silence… Faisons une minute de silence pour tous les enfants soldats du monde entier !
Il y en aurait des milliers d’heures de silence à faire par an en Afrique et il se pourrait bien que ce continent, et il se pourrait bien que cette France-Afrique soit alors perpétuellement plongée dans un silence angoissant tandis que retentirait le crissement des machettes qui découpent, la détonation des bombes qui explosent, le pétard des fusils qui mitraillent, les cris stridents des suppliciés, les râles insoutenables des agonisants et les pleurs des enfants abandonnés.
Si la vie des afro descendant-es-s comptait aux états unis depuis le début de notre triste année il y en aurait plus d’une des minutes de silence et de déclaration solennelle de notre cher Obama sur l’humanité touchée, chaque fois qu’un-une noir-e parce qu’il-elle est noir-e est abattue dans l’un des pays les plus riche de la planète en 2015. Il y en aurait plus d’une des mobilisations internationales de solidarité pour les droits de l’Humain…
Bref je me mis à penser que finalement nous vivions dans un monde d’une extrême violence au sein duquel le pouvoir était roi et s’était marié avec la force économique devenu sa Reine : ah ! une minute de silence pour tous ces écartelés du rouleau compresseur de la surexploitation contemporaine. Et mes valeurs humanistes Française collaient mal avec la réalité de ce que je voyais. Et l’illusion létale d’un idéal fallacieux trahi y était surement pour quelque chose dans les dérèglements de ce monde.
Sentant que je me noyais dans ce conflit interne et sentant une irrépressible colère monter en moi j’entrepris alors de chercher à comprendre, pourquoi il était important que chacun puisse exister aux yeux de tous, il y avait quelque chose du vivre-ensemble dans ce monde irrémédiablement globalisé.
L’Autre n’était qu’une version de ce que j’aurais pu être ; il m’en apprenait donc sur ma propre humanité.
Toute digression sur le « bien » et le « mal » devenait inadéquat. Si un individu, croyant ou non, considérait que le « mal » n’existait pas, il n’avait pas la possibilité de le considérer comme « mal », il n’avançait donc pas, il stagnait dans un état de fait limité amputé de la possibilité d’une liberté de choix, puisqu’il n’avait plus le choix – était-il au Paradis ?
Non, il était sur terre et il lui fallait bien faire avec son semblable pour comprendre quelque chose à sa propre existence et vivre encore et toujours vivre, non pas survivre.
Chaque continent a quelque chose à apporter au point d’interrogation initial sur l’Essence. Nous participons tous de la nature humaine, nous sommes donc tous une certaine vérité, tous pris comme le dit Erich Fromm par un conflit existentiel produisant des besoins psychiques communs, et leur satisfaction est aussi indispensable à l’équilibre mental de l’Homme que l’est à sa survie les besoins organiques. Se couper de l’autre c’est se priver de la capacité et de la possibilité d’évolution qui reste le principe actif de la vie. Narcisse se noya à adorer sa propre image. La 3ème guerre mondiale est une guerre sociale, elle n'est plus une guerre d'arme ou il se pourrait bien que nous fassions voler en éclat l'ensemble de cette planète. L'éducation, la culture, le développement de la créativité, de la pensée, et de l'esprit critique chez nos jeunes voila une arme efficace contre tous ceux qui en arrive à adorer la mort.
Ainsi, face aux récentes attaques, je ne peux que marquer mon désaccord avec notre gouvernement dont la réponse se fait sur un versant exclusivement sécuritaire laissant paraitre une résistance farouche à toute réflexion et tout regard posé sur les causes sociales d’un terrorisme à visage nouveau et d’une montée en puissance de tous types d’extrêmes auxquels il nous faut faire face. Manuel Valls qui mercredi 25 novembre, lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, lançait « aucune excuse ne doit être cherchée : sociale, sociologique ou culturelle. [...] Tout a été fait par mon gouvernement et tout continuera à être fait par rapport à une menace ».
Manuel Valls qui le jeudi 26 novembre, lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat tenait le même discours en martelant : « j’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications sociologiques ou culturelles à ce qui s’est passé. » ; faisait là montre de cette difficulté que nos politiques (qui ont la tâche, et qui n’est pas des moindres d’administrer et de diriger notre pays) ont actuellement à penser ce qui se joue.
Il nous faut comprendre, et comprendre n’est pas excuser, comprendre n’est pas atténuer, comprendre n’est pas se perdre dans l’inaction, comprendre n’est pas antinomique de justice ; « Mais faute de les comprendre », nous resterions « incapables de trouver le moyen de les réduire et de déterminer les facteurs qui tendent à les accroitre ».la manière dont la question des déterminants psycho sociologiques favorisant ou permettant l’émergence au sein de notre démocratie française d’une violence d’intensité croissante avec la naissance de « néo figures de la barbarie », m’ont amené à m’interroger sur les confusions entre République, et nation Française qui chacune dans leur expression actuelle révélée notamment par l’usage qu’en font nos femmes et hommes politiques laisse poindre l’intenable paradoxe entre universalisme et particularisme. Ou comment dans une démocratie se disant universaliste et humaniste la violence de l’impensé du racisme sociale, institutionnel et politique ainsi que ses répercussions psychologiques sur les individus génèrent de la souffrance qui elle-même génère de la violence et crée nos barbares.
Voici une lettre d’une-d’un damné-e de l’humanité qui marquera la fin de cette réflexion,avec le vœu de la naissance d’une réflexion nouvelle.
Il-Elle vous parle :
« Laissez-moi vous dire : si je ne fais pas partie de votre humanité, parce qu’on me la refuse, alors je n’ai d’autre choix que de me recréer pour exister malgré tout.
Cela ne se fait pas sans une amertume et une souffrance profonde.
Dès lors, tout est possible, cette humanité ne me limite plus, et j’étends mon champ d’investigation à la folie de la destruction.
Ainsi, Vous, n’étant plus que le miroir du rien que, Je, suis, Vous, ne devez également plus rien représenter à mes yeux.
Vous, avez fait de moi un-une monstre sans nom.
Ce néant qui m’anime est sous tendu par la frustration l’humiliation et la colère.
Cette douleur m’est insupportable : elle, Vous, le sera également.
Il me faut au moins la haine pour survivre, il me faut au moins un nom pour exister.
Je, ne suis qu’Humain nourri de passions tristes. »
Cette haine de moi, Je, la retourne en haine de l’Autre dans l’incapacité de voir que, Je, ne sait plus comment exister sans ce lien nourricier.
Je, suis dans l’obligation de chercher partout la mort. C’est retourner à ce rien que, Je, est.
Je, n’est qu’Humain.
Je, veut Vous dire :
« La mort c’est mon attachement à ce monde, c’est mon veau d’or.
Je, ne suis qu’Humain
La mort, c’est l’unité salvatrice qui cicatrise ma déchirure existentielle
Je, ne suis qu’Humain
La mort c’est le sanctuaire des rêves de ma puissance.
Je, ne suis qu’Humain
La mort c’est mon excitation à l’endroit de mon ennuie
Je, ne suis qu’Humain
La mort, c’est Moi : le monstre humain, tragiquement humain là ou au cœur de mon âme habite l’objet. »
Je, est désormais votre égal. Je, Existe, non pour le meilleur mais pour le pire.
Pour, Je, le fardeau de la liberté et de la responsabilité est trop lourd à porter, mais il ne peut s’y soustraire : Je, est responsable
Emettriez-vous encore quelques doutes sur ce point que, Je, n’aurait de cesse de vous le rappeler : ma seule possibilité d’exister à vos yeux réside désormais dans la production d’une rencontre, il me faut peindre mon tableau, il me faut entrer en action.
Si cette rencontre ne peut se faire dans l’Amour elle se fera dans la haine : la haine et l’amour sont deux oiseaux qui vivent dans la même cage nous dit Dovstoïevski ; mais vous m’avez si bien appris à me haïr que je ne doute pas d’exceller dans l’insupportable.
Si cette rencontre ne peut se faire autrement qu’à travers des rapports de domination fondés sur l’arbitraire comble d’absurdité, alors je n’aurai aucun mal à me noyer dans l’amour de la destruction faisant vivre encore et encore cet intenable : tout comme Caligula je, veut la lune
Mon dernier élan de désir dans cette vie. Serait-il une flamme qui me consume qu’il me ferait au combattre encore jusqu’à cette mort inéluctable que vous m’avez spécieusement amené à chérir comme seule liberté possible sur cette terre. Serait-il un feu qui me brule que j’aurais au moins la satisfaction vengeresse qu’il ne cesse de vous torturer.
Regardez-moi : je suis votre monstre, la face oubliée de votre Histoire dont il aurait fallu qu’elle devienne Notre Histoire pour que nous soyons épargnés.
Regardez-moi : je suis votre refoulé, celui qui fait de vous des névrosés pathologiques, aux défenses destructrices.
Regardez-moi : je suis l’enfant soldat de votre nation, je suis l’impensé de votre patrie.
Regarde-moi : je suis ton secret familial, celui qui se transmet de génération en génération sans qu’aucune parole jamais ne l’accompagne.
Regarde-moi : je suis le déraciné, un déraciné qui crève d’avoir mal à ses racines.
Entendez-moi : vous n’avez su changer mon visage car vous n’avez su me voir.
Vous n’avez pu me transformer car vous n’avez su me nommer.
Je, veux vous dire :
Pour que le - jamais plus - devienne notre leitmotiv, recommençons à nous regarder.
[1]Celui de Georges Frêche qui en 2000 lors de l’inauguration d’un tramway à Montpellier qui lançait « vous entrez en France vous sortez à Ouarzazate ». Et qui en 2006 avait « honte de son pays » qui ne semblait pas être à son image avec une équipe de football comptant « 9 blacks sur 11 ». Celui de Brice Hortefeux, qui en 2009 osait le commentaire « d’aller sans retour » pour Ramayade ministre des sports, avec laquelle il se rendait en Afrique. Brice Hortefeux, qui se sentait dans l’obligation de préciser « comme cela n’est pas évident » que Fadela Amara était « une compatriote ». Celui de Manuel Valls, qui mettrait bien quelque « blancos » dans la ville d’Evry, mais dont je ne suis pas certaine des interrogations aussi vive concernant le fait de mettre quelques jaunes, noirs et beurre « pour casser le ghetto » du 16ème. Celui de Jean Sébastien Vialatte, qui réagissant après les incidents survenus après le sacre du PSG en championnat de France voyait « les casseurs » dans un de ses twitte comme « des descendants d’esclaves » qui avaient « des excuses » et qui obtiendraient donc en conséquence « une compensation de Taubira ». Celui de Anne Sophie Leclere, qui préférait voir Taubira « dans un arbre » plutôt « qu’au gouvernement ». Tout comme les enfants militants de la manif pour tous, qui souhaitait voir « la guenon » manger sa « banane ». Celui de Luc Jousse qui -rapportant selon ses dire- les paroles d’un riverain déclarait tout de même après l’incendie d’une caravane de Roms, qu’il était « presque dommage » que les secours aient été « appelé trop tôt ». Celui de Zemmour, lui qui n’a rien compris à la France, lui qui voyait « ceux qui foutent la merde » comme étant de fait « des noirs et des arabes » ; légitimant le délit de faciès, violence extrême qui ampute chaque jour nombre de nos concitoyens d’un certain nombre de droits, et nous empêche de penser les problématiques sociales actives au sein de notre pays. Celui de Nadine. Morano ; elle qui n’a rien compris à la France ; et qui reste nostalgique d’une domination « raciale » blanche légitimant ainsi par sa voix- porteuse de tant d’autres- la violence symbolique d’un racisme inconscient quotidien qui brise chaque jour nombre de nos concitoyens. Et la liste n’est pas exhaustive….
[2] Extrait de la préface de Jean Paul Sartre 1961 dans Les Damnés de la terre de Frantz Fanon