Ils ont donc osé. Ce matin, à 9 heures, l’information est tombée. Le gouvernement interdit aux opposants à sa loi « travail » de manifester demain jeudi 23 à Paris. Une manifestation interdite dans la capitale : une première depuis la guerre contre l’indépendance de l’Algérie puis, en 1994, le vaste mouvement de solidarité avec le peuple palestinien sous les bombes israéliennes à Gaza. Cette décision politique autoritaire, exceptionnelle, a provoqué de vives protestations non seulement parmi les organisations syndicales, mais bien au-delà dans le pays, dans le monde du travail et parmi tous ceux et celles qui défendent le droit d’expression, de manifestation, et les libertés démocratiques fondamentales.
Décision politique au prétexte sécuritaire
La campagne antisyndicale, principalement anti-CGT, et visant à discréditer les défilés, est savamment orchestrée depuis plusieurs semaines déjà. Après les accusations de « prises d’otages » pour qualifier les grèves, ce sont les violences et dégradations diverses qui ont été mises au compte des manifestations unitaires organisées par sept organisations syndicales de salariés et de jeunes (CGT, FO, FSU, Sud-Solidaires, Unef, Fidl, Unl), alors même que leurs services d’ordre en ont garanti la sécurité mais que des violences ont eu lieu en leurs marges, ou dans les rues adjacentes aux parcours, parfois sans réaction des forces de l’ordre contre les dégradations et leurs auteurs, comme en témoignent de nombreuses vidéos.
Gouvernement fébrile : enjeux de l’interdit
La ficelle est grosse, qui prétend s’appuyer sur des menaces sécuritaires pour interdire des manifestations syndicales.
Elle dit la fébrilité d’un gouvernement dont les projets, les réformes et les méthodes sont aujourd’hui ultra-minoritaires dans le pays, comme en témoignent tous les sondages, semaine après semaine, mois après mois, ainsi que les débats dans les entreprises et les débats citoyens, les manifestations, les débrayages, les grèves, et les votations citoyennes. Un gouvernement qui a usé en mai du 49.3 pour faire passer sans débat à l’Assemblée son projet de loi patronal. Et qui menace de réitérer en deuxième lecture.
Là est donc l’enjeu. Faire passer la loi qui démantèle les principes fondamentaux du droit du travail coûte que coûte. Détourner le débat sur ses conséquences en centrant la campagne sur les violences de casseurs. Empêcher l’expression démocratique d’une opposition majoritaire à son projet. Et si possible, au passage, délégitimer le mouvement syndical de contestation et de proposition, de lutte pour le progrès social, et laisser croire que toute lutte sociale est vouée à l’échec.
Intersyndicale en cours
Aussi le préfet de police de Paris, après avoir menacé d’interdire la manifestation du 23, a-t-il proposé un simple « rassemblement statique » place de la Nation, au nom d’une sécurité dont chacun sait pourtant qu’elle n’y serait pas plus assurée qu’ailleurs. Les organisations syndicales ont alors proposé hier mardi 21 deux parcours alternatifs. Refusés. Et interdiction. Les secrétaires généraux de la CGT et de Force ouvrière, Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly, ont immédiatement demandé à être reçus « rapidement » par le ministre de l’Intérieur. Une intersyndicale se réunissait ce matin. A suivre donc.