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Une fée boulangère se glisse au milieu des piétons et s'arrête devant une araignée et un musicien dessinés sur le sol bétonné.

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Elle installe devant la Princesse un stand protégé du vent, de la pluie et des rayons du soleil. Elle y dépose des pains dont les matières premières sont à 100 % produites en Agriculture biologique sauf l'eau bien sûr. La Folle de la reine propose à la Princesse d'attendre son retour sur le banc à côté car elle vient d'être appelée par la Reine pour assurer un rapide service.
La fée boulangère salue de la tête et apporte un livre contenant le projet de société des Fées intitulé "Une qualité de vie standard nécessite moins de besoins financiers" : Je vous l'offre.
Une personne sandwich, portant le dernier chapeau à la mode chez les 5% les plus riches, le saint-honoré lulu, une cloche maintenue par une couronne de fausses caméras minuscules, le tout de couleur caramel, s'approche.
Son panneau à l'avant annonce : Pour la stabilité de notre ordre, réclamons d'être vidéo-protégés partout. Choisissez Latuvue pour sa qualité Soupolée.
Son panneau à l'arrière indique : Pour la stabilité adroite de notre droit, réclamons la stigmatisation filmée des opposants refusant notre optimisme. Choisissez Latuvue.
La fée boulangère : Bonjour madame Latuvue. Je suis surprise que vous cachiez vos vêtements coûtant plus de 1 000 euros pièce sous des écriteaux. Et oh vos chaussures en peau de vache ont perdu ce très haut talon qui déformait progressivement votre dos. Avez-vous perdu la chefferie de LatuvueAndCo ?
mme Latuvue glapit : Oh quel affront ! Bien sûr que non. Un tiers de mes employées est en arrêt maladie. Comme par hasard toujours un vendredi ou un lundi ou un mercredi. Comme par hasard le jour où il faut convaincre de nouveaux maires d'acheter nos produits. Ces paresseuses ont trouvé un médecin complaisant.
La fée boulangère fronce ses fins sourcils : Ou un médecin compétent en souffrance au travail. Quand le mental flanche, le physique plie et la maladie chronique guette. Si nous ne voulons pas que la santé nous coûte un pognon de dingue, la prévention est vitale.
mme Latuvue exaspérée: Pan ! Ba gna gna ! Il faut que j'alerte les autorités pour punir ce médecin.
La fée boulangère répond du tac au tac : Ba ba ba gel. S'il suffisait de prendre une gélule pour être en bonne santé, elle serait notre pain quotidien. Pourquoi ne préférez-vous pas améliorer les conditions de travail ?
mme Latuvue : Je les paie déjà plus cher que le marché. Au bout de dix ans elles ont déjà gagné autant qu'un métier essentiel rémunéré 40 années au SMIC. Oh un monstre velu ! Une A une A une Arai une
La fée : Oh la jolie araignée des bois !
Mme Latuvue gémit : Vite tuez-là ! Je sens l'émotion qui monte.
La fée ricane : Elle descend de la caméra de surveillance au dessus de votre tête. Selon votre propagande vous devriez vous sentir protégée, non ? Un superhéros va débouler et se placer entre l'araignée et vous le temps que vous vous soyez éloignée, non ?
Mme Latuvue fixe l'araignée : Je suis pétrifiée. Tuez-là, pitié.
La fée : Non. Je ne vais pas la tuer parce que vous souffrez d'une phobie. Je vais la déposer sur la branche de cette haie. Voilà, elle est partie.
Mme Latuvue retrouve ses esprits : Une phobie ! Comme vous exagérez. Juste une petite peur.
La fée éclate de rire : Lors d'une conférence Christine Rollard, enseignante au Muséum national d'histoire naturelle, expliquait, je la cite :
La confusion est grande entre peur et angoisse.
La première est normale, la seconde est inadaptée et invalidante : si la majorité des gens ont peur face à une situation identique à celle que vous vivez, c'est bien une peur; au-delà, il peut s'agir d'une angoisse qui est le résultat d'une association d'idées, une croyance complètement erronée.
Et nos angoisses peuvent se focaliser sur un objet, ici l'araignée, jusqu'à devenir une phobie.
Mme Latuvue bombe le torse : Ah mais une majorité a peur !
La fée : Non juste 40 % de la population Soupolée a peur et 10 % a développé une phobie. Comme des régions du monde ne sont pas concernées par la peur des araignées, il est probable que cette peur relève de la construction sociale. Un adulte transmet sa peur à l'enfant au lieu de rester factuel et aucun adulte n'aide l'enfant à gérer ses peurs oubliant qu'elles peuvent devenir angoisses puis phobies.
Mme Latuvue inspirée : Oh mais je peux demander à mes employés de créer un programme qui repère les araignées dans la rue. La machine alertera le service des espaces verts qu'il y a un être vivant à tuer et ainsi le sentiment de sécurité de 40 % de la population sera assuré. Il suffira d'ajouter cette fonction au logiciel gérant l'analyse des images des caméras de surveillance.
La fée grimace : Votre cruauté n'a pas de limites. Face à une araignée 60 % des Soupolés ne ressentent pas l'once d'une peur. En tant que cadre dirigeante, vous seriez mieux inspirée de développer un service de lutte contre les angoisses des trop riches, pour empêcher celles-ci de se transformer en phobie. Vos phobies nuisent à notre qualité de vie et même aux droits fondamentaux !
Mme Latuvue courroucée : Na na na âne ! Je vous dis que je ne souffre pas de phobie mais juste d'un excès de réalité. Ces délinquantes piquent, nous laissent d'affreux boutons qu'il faut masquer avec toutes sortes de crèmes et de maquillage. Elles sont venimeuses. Elles nous détestent. Elles ne servent à rien. Impossible de les exploiter pour gagner de l'argent. Notre devoir est de les réguler en les tuant.
La fée s'agite, saisit un pain au lin et le repose : Agou agou lou. Vous exagérez d'accorder si peu de prix à la vie. Une araignée ne pique pas mais mord pour se nourrir ou se défendre. Le venin sert à tuer ou à paralyser sa proie.
Le visage de mme Latuvue exprime l'effroi : Nous allons tous finir handicapés ! Mutilés !
La fée se remet à sourire : Vous souffrez d'une distorsion de la réalité et de l'illusion qu'il serait possible de vivre dans un monde sans risques. L'araignée cohabite avec le vivant dans les intérieurs de nos habitats ou dans les extérieurs selon son profil. Comme le loup, non hybridé avec le chien, elle va éviter notre contact. Et elle se nourrit de mouches pas de mammifères humains.
Mme Latuvue dubitative : Et si elle se trompe ?
La fée : Les araignées peuvent utiliser souvent 6 à 8 yeux. Je préfère être observée par l'une d'entre elles que par vos caméras de surveillance. Elles respectent notre vie privée, notre liberté de réunion et notre intimité, elles, au moins.
Mme Latuvue encore plus dubitative : Vous devriez relire le manuel de la parfaite citoyenne. Le mérite s'obtient en montrant sa volonté de s'enrichir et de maintenir l'ordre le plus favorable aux inégalités économiques. J'éprouverais donc le dégoût de moi-même si je me mettais à respecter la vie privée et l'intimité des "pas assez riches pour décider du droit".
Un bruit de canette qui se cogne retenti, suivi d'un bruit de papier à bugne qui tombe.
Mme Latuvue crie : Non mais ça va pas de jeter votre canette. Je ne suis pas une poubelle. Vous avez sali mon panneau. N'avez-vous pas vu la caméra, là-haut ?
Le jeteur de déchets lève la tête : Oh quelle est laide cette caméra, à l'image de la population.
La fée lève la tête : Un jour son antonyme sera l’entraide.
Mme Latuvue se secoue pour faire couler les gouttes d'alcool qui s'étaient échappées et accrochées : Mais enfin je ne comprends pas. En voyant la caméra vous auriez du vous dire : Mille drones de bonheur, je suis filmé alors je ne peux pas jeter ma canette.
Le jeteur de déchets la regarde ébahi : Et salir mon sac pour la mettre dans une poubelle peut-être ? Pour qui vous vous prenez vous ?
Mme Latuvue ébahie : Quoi ? Vous snobez nos splendides caméras rectangulaires et rondes ?
Le jeteur de déchets sourit : Vous croyez que je vais arrêter de penser parce que monsieur le Maire a décidé de rendre encore plus indigne notre vie dans sa ville ?
Mme Latuvue : Indigne ? J'adore être filmée moi.
Le jeteur de déchets met ses mains en porte-voix : Hé Venez-voir ! Une exhibitionniste ! Venez la filmer ! Elle adore ça ! La dame avec des chaussures en peau de vache est contente de ne pas être respectée par monsieur le Maire et sa police !
Des curieux approchent, prennent des photos, filment, publient sur les réseaux sociaux puis repartent. Mme Latuvue se pavane et secoue son couvre-chef.
La fée : Il a raison. Nos corps ne sont plus autorisés à circuler anonymement. Quel genre de femme êtes-vous madame Latuvue pour nous infliger d'être filmé et même d'avoir nos corps analysés par vos logiciels ?
Le jeteur de déchets croise les bras : Une femme de mauvaise vie. Je pensais que seuls les tueurs en série et les violeurs pouvaient ne ressentir aucun respect envers un congénère, maintenant j'ajoute les promoteurs de caméras.
Mme Latuvue exaspérée : Comment osez-vous ? Un délinquant ! Vous avez jeté un déchet par terre qui a rebondi et aurait pu me blesser.
Le jeteur de déchets interloqué : Jamais entendu autant de cruauté. C'est vrai que moi ça me rend violent de me sentir filmé alors j'ai peut-être usé d'un peu trop de force. Oh la pauvre canette est toute cabossée.
Mme Latuvue jubile : Bientôt vous serez puni. Un de mes programmes vidéoverbalisera les dépôts sauvages. Vous recevrez chez vous l'amende à payer ou sur Soupolé-Connect grâce à l'identité numérique. Traqué, vous finirez traqué.
La fée murmure : et un feu couvera...
Le jeteur de déchets rit : Seule la reconnaissance faciale des voitures est autorisée. Pour un piéton faut toujours qu'un agent vienne demander où on crèche. Je peux donner votre adresse aux agents ? Parce que je vis dans la rue.
Mme Latuvue surprise : Oh un nuisible !
Le jeteur de déchets : Que monsieur le Maire filme les invisibles pour mieux leur faire sentir l'humiliation d'être rejeté, ça, faut être aveugle pour ne pas le voir, mais s'entendre traité de délinquant par une femme qui a la vie trop facile, ça, faut l'entendre pour le comprendre.
La fée soupire : Monsieur Roméo vient de passer sa quatorzième nuit dehors.
Le jeteur de déchets sautille pour se réchauffer : Je me donne du courage en buvant de l'alcool. Il en faut face à des femmes cruelles. Je ne parle pas de vous madame la Fée.
Mme Latuvue hautaine : Moi ? Je jette mes déchets à la poubelle.
La fée tapote sur un pain au levain : Et vos déchets partent où ensuite ? Ne soyez pas hypocrite. Je ne vous aime pas madame Latuvue mais je vous respecte alors que vous, avec vos logiciels militaires de surveillance de la population civile, vous ne nous respectez pas.
Mme Latuvue : Jeter un déchet est une incivilité.
La fée : Le manque de respect est pour moi une incivilité bien plus grave. Un acte criminel.
Le jeteur de déchets : Entièrement d'accord. Est-ce que j'ai fabriqué ce déchet ? Non. Alors allez vous plaindre auprès de son producteur. C'est celui qui le fabrique qui est responsable de sa pollution, non ?
Le jeteur de déchets récupère la canette et la lance contre le poteau surplombé de la caméra. Tous les yeux suivent le parcours de l'objet, entendent le bruit renvoyé par l'entrechoquement des deux métaux et le voient rebondir sur le banc à côté de la Princesse.
Le jeteur de déchets tire sur un épi au sommet de son crâne : Oh madame je suis désolé. Je ne voulais pas vous faire peur.
La Princesse rit : Peur ? Non. Surprise ? Oui. Savez-vous que les déchets informatiques de votre pays ont été pendant des décennies envoyés dans le mien ? Des décharges ont tué notre biodiversité et l'eau potable est devenue impure à la consommation. Quand j'étais enfant j'ai souhaité la mort de votre peuple plus d'une fois en voyant nos champs et nos forêts disparaître puis vos dirigeants maltraiter nos exilés.
Mme Latuvue dont la bouche exprime le mépris : Une sauvage.
Le jeteur de déchets récupère le contenant : Vous n'allez pas être déçue si vous allez en province. Des Soupolés sont contre les éoliennes parce qu'elles rendraient moches le paysage. Par contre ils trouvent qu'une centrale nucléaire ou un terrain d'enfouissement de déchets de toutes sortes c'est très joli.
Le visage de la Princesse exprime le dégoût : Pouah ! Des gens sales.
Le jeteur de déchets sort une photo de son sac en jute : Regardez.

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Un artiste a créé cette œuvre. Un tas de bouteilles en plastique permet de comprendre qu'acheter c'est devenir comme son fabricant, un pollueur, c'est à dire être sale, mais j'en achète. Je ne vais pas lécher l'eau dans les flaques pour m'hydrater. Tenez je vous l'offre. Le montage a été réalisé par mon copain Sam. Il est mort dans la rue. Exposez-là dans votre pays. Tout le monde doit savoir que nous sommes des gens sales.
La Princesse rougit devant tant de générosité : Merci.
Un bruit de sac à roulettes attire les regards. Le jeteur de déchets court prendre la tireuse de sac dans ses bras : Doria ! Où étais-tu ? J'étais si inquiet. J'avais averti les Fées de ta disparition.
Doria : J'étais en garde à vue pour tapage nocturne. J'étais en train de chanter tes poèmes sur l'air officiel des Restos du cœur quand une patrouille de police est passée. T'étais en train de cuver alors t'as rien entendu et j'étais allée pisser au bout du pont alors ils t'ont pas vu. Dans la cellule j'ai fait que vomir tout le whisky. Je viens de sortir et j'ai demandé à des passants s'ils avaient pas vu une Fée et ils m'ont dit qu'ils en avaient vu une près du centre des congrès. Oh dis donc tu n'as pas bonne mine. T'as pas eu d'hébergement d'urgence au 115 ?
Le jeteur de déchets : Non toujours pas mais madame la Fée a trouvé une roulotte chez un agriculteur. Je ferai du ramassage de déchets au bord d'une rivière et dans un quartier pour payer la nuitée et y'a du lièvre à braconner si nous avons faim.
Il sort un papier de son sac : Regarde, c'est un exemple des déchets à ramasser et l'adresse est derrière.

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Doria se met à pleurer : C'est vrai ? Nous n'allons pas dormir sous la pluie ?
Le jeteur de déchets la serre fort : Pas ce soir.
La Fée boulangère rassemble ce qu'elle doit dire : Voilà Paul. Pile à l'heure prévue. Il est pressé de rejoindre sa famille. Il va vous déposer sur son trajet. C'est à 150 km d'ici mais nous n'avons que ça.
Doria et la jeteuse de déchets serrés l'un contre l'autre partent avec Paul.
Mme Latuvue : Ces deux là sentaient mauvais, non?
La Fée boulangère : Ah non je ne trouve pas. C'est juste l'odeur corporelle normale pour quelqu'un qui ne se lave pas pendant plusieurs jours. Vous devriez arrêter de vous asperger de parfum, vous avez oublié votre propre odeur d'animal humain.
Mme Latuvue regarde avec anxiété la haie : Tiens savez-vous quelle viande mangent les araignées ?
La fée boulangère récite : Leur système digestif est adapté aux pucerons, aux mouches et même aux congénères. Elles peuvent être elles-mêmes mangées par un lézard, une chauve-souris etc , appelés les prédateurs. Il ne s'agit pas de cruauté car il s'agit de consommer pour vivre. Elles appartiennent à la chaîne alimentaire planétaire grâce à qui nos besoins élémentaires que sont respirer, boire, manger, éliminer, se vêtir, se loger, être en sécurité pourraient être satisfaits si des frontières n'empêchaient pas la coopération qui est indispensable pour réduire les inégalités et mettre fin aux prédations.
Mme Latuvue avec une voix angoissée : La coopération mettrait fin à mon enrichissement sans fin. Je déteste cette valeur.
La fée sermonne : Quand je pense que vous avez les moyens financiers de traiter votre phobie des araignées... Soignez-vous au lieu de réduire les libertés fondamentales du vivant. Vos phobies vont amener de grands malheurs.
Mme Latuvue courroucée : Pret pret zels ! Moi je suis bien née comme le Grand vizir et j'ai étudié dans les écoles figeant la reproduction sociale. Alors taisez-vous ! Vous me devez le respect !
La fée pas du tout impressionnée : Bo bo kit. Le respect passe par se parler en bonne intelligence. Si l'intelligence est définie comme un ensemble de fonctions mentales œuvrant à une coexistence harmonieuse et joyeuse de tout le vivant, alors être intelligente signifie apprendre à se connaître pour mieux cohabiter. Il nous faut réagir face aux destructions avant que le nombre d'espèces disparues n'obèrent les chances de pouvoir améliorer les qualités de vie.
Mme Latuvue : Vous n'allez pas recommencer à me reprocher d'avoir détruit une mare pour implanter un centre de recherche en sécurité.
La fée : Avant de détruire une mare pour construire un habitat, il vaut mieux réfléchir à comment construire en la gardant ou en la déplaçant sinon le biomimétisme est une science qui disparaîtra ainsi que toute chance de trouver des médicaments dans la nature pour faire face à nos futures maladies. L'intelligence repose sur des fondements comme la compréhension des comportements. Or, votre entre-soi n'y est sensible que pour manipuler les masses dans le but de les aliéner, de leur créer des phobies ou de les tuer et jamais pour rendre la vie sur Terre agréable.
Mme Latuvue s'apprête à répondre vertement quand un homme portant des bagues à tous les doigts, des écouteurs et chantant à tue-tête "we are the champions" pile et admire ses écriteaux : Isabeau quelle joie de te voir ici. Pas mal tes slogans. Attends je retire mes écouteurs.
Mme Latuvue ravie : Bonjour Heinpair. C'est la société de ton frère qui les a trouvés. Alors, tu as revendu ta société de cybersécurité. Tu as accru ton pouvoir sur le peuple et les politiques, félicitations.
Heinpair joyeux : Merci. J'avais acheté la société américaine il y a quatre ans pour 2,1 milliards de dollars et Talaisse la rachète à mon fonds d'investissement 3,6 milliards de dollars. Ma plus-value valorise la société à 1,7 fois l'Ebitda et à 6 fois le chiffre d'affaires.
Mme Latuvue : Ah oui c'est vrai, Talaisse profite que le gouvernement a accepté de réarmer n'importe comment le pays pour pratiquer la croissance externe.
Heinpair joyeux : Le réarmement est mondial grâce à l'excellent travail de lobbying de l'élite et à la médiocrité des gouvernements élus. La reprise du trafic aérien favorise aussi le placement des produits de Talaisse, comme l'identité numérique, auprès de différentes instances gouvernementales.
Mme Latuvue soupire d'aise : L'Europe donne toujours l'impression de vouloir protéger les habitants mais elle finit toujours par plier et obéir. Tu as vu la dernière campagne de dénigrement contre Michèle Rivasi ?
Heinpair joyeux : Oui. Plus personne ne veut lutter contre la corruption européenne pour ne pas avoir à s'afficher avec elle.
La fée, les mains sur les hanches, en colère : Et vous êtes fiers de vous ?
Heinpair joyeux : Isabeau qui est cette personne qui parle ?
Mme Latuvue pivote de l'une vers l'autre : Une fée boulangère. Ne t'inquiète pas elle n'a pas assez de patrimoine pour lutter contre le capitalisme d'influence. Sais-tu que j'avais cru que Talaisse voulait acheter une partie d'Atos ?
Heinpair joyeux : Oui Talaisse voulait racheter Idemia ou Atos mais Morgan Stanley et Centerview lui ont conseillé ma boîte, un actif rare international, qui ne doublonne pas avec leurs activités. Le chiffre d'affaires de sa branche Identité numérique et sécurité va pouvoir croître.
La fée soupire : Encore des pertes de Libertés fondamentales en vue. La liberté de circuler, restreinte aux pays riches, pourra demain ne concerner que les trop riches des pays riches.
Heinpair joyeux : Ah le mérite madame.
La fée : Quel mérite ? Il est certain que la revente de ma boulangerie ne me fera pas gagner 1 milliard d'euro et que n'étant pas bien née, personne ne me prêtera 2 milliards d'euros pour acheter une société mais cela n'a rien à voir avec le mérite.
Mme Latuvue tapote nerveusement sur le panneau ventral : Oh que vous êtes bête à ne pas comprendre la hiérarchie sociale.
La fée tapote nerveusement sur son étal : De toute façon mon intelligence étant en adéquation avec mes valeurs, je me serais interdit d'ouvrir des discussions commerciales avec une société ayant un lien avec l'identité numérique. Celle-ci met fin à toute possibilité de vivre dans un pays libre et n'oublions pas sa maintenance qui est un gouffre financier pour les finances publiques, ne serait-ce qu'à cause de la cybersécurité à assurer continuellement, un puits sans fonds.
Heinpair et mme Latuvue restent interdits devant tant d'impertinence et lancent en chœur : Hou quelle pessimiste ! Une fausse entrepreneuse.
La fée rigole : Ah oui j'avais oublié que votre Cruauté affirme qu'un entrepreneur doit toujours être optimiste, même quand il licencie ou quand son commerce tue, exploite ou pollue plus que nécessaire. Je reste persuadée que taxer davantage les 75 Soupolés les plus riches permettrait de diminuer leur pouvoir de nuisance.
mme Latuvue ricane : Impossible nous nous vengerions aussitôt.
Heinpair ajoute : Impossible. Nous tenons en laisse les dirigeants.
La fée lève les yeux vers la caméra : Aucun milliardaire n'a œuvré pour la qualité de vie mais tous ont participé à détruire l'environnement et à faire souffrir le vivant. Les milliardaires se comparent entre eux et optimisent leur médiocrité, circuler en jet privé, en yacht, en voiture polluante. L'énergie pour se chauffer n'est pas chère pour eux alors il ne leur est pas venu à l'esprit de démocratiser l'habitat passif, possible dès les années 1990. Ils ont délocalisé à l'étranger pour gagner plus alors que tout le monde savait que les conditions de travail, la durée de vie des personnes exploitées, la pollution de l'environnement relevaient de la honte. Leurs choix auraient du les mener en prison mais ils ont réussi à obtenir l'admiration d'une partie de la population.
mme Latuvue crie : Elle est folle ! Complètement folle !
Heinpair devient tout pale.
La fée se gratte l'arête du nez et y dépose de la farine : Une civilisation meurt soit suite à la supériorité financière d'une autre, soit parce qu'elle trouve belle sa Cruauté. Il nous faut inverser le processus en marche, c'est à dire montrer le vrai visage de la Cruauté et amoindrir son pouvoir.
Heinpair effrayé : L'Ultra gauche se trompe de cible.
Mme Latuvue regarde la caméra : Ruiner les 75 Soupolés les plus riches serait dramatique car seuls les trop riches savent gouverner. Mieux vaut 75 ultra-riches que zéro.
Heinpair qui a pianoté sur un ordiphone lit : Ruiner les riches ne peut qu'amener la ruine du pays Soupolé car seuls les riches ont de bonnes idées innovantes.
Mme Latuvue applaudit et tape sur son panneau ventral : Ah c'est le mantra numéro trois de notre texte sacré La Grande Fatalité.
La fée éclate de rire : Interdire les yachts de loisir dans notre pays mettrait fin à un processus de destruction de la biodiversité marine. Donc cela permettrait de conserver la richesse marine pas encore détruite.
La Princesse murmure sans être entendue : La mer produit beaucoup d'oxygène. Et tout le monde s'en fout.
Heinpair méprisant : Pff ! Je quitte le pays si vous me taxez encore plus. Les impôts et les taxes c'est que pour la classe moyenne et les pauvres parce qu'ils sont trop bêtes pour savoir investir dans ce qui est bon pour eux.
Le visage de la fée s'illumine : Le rêve ! Nous pourrions mettre fin à l'identité numérique et enfin protéger nos vies et enfin nous focaliser sur la Qualité de Vie qui minimise la destruction du vivant. Il me semble que des économistes comme Jézabel Couppey-Soubeyran essaient de trouver des solutions de financement qui ne nécessitent pas de milliardaires. A nous de lire ces auteures, d'analyser, de proposer des améliorations, de se mettre d'accord sur ce que nous voulons financer et enfin d'expérimenter.
La Princesse prend des notes directement dans le livre.
Heinpair devenu impassible comme un Poutine : Je pars serrer des mains et faire des selfies. A tout à l'heure Isabeau.
Mme Latuvue se retourne et se cogne contre le poteau de la vidéosurveillance : Ouille. Je ne vois plus mes pieds. J'attends un sous-traitant pour me remplacer. Dès qu'il est là je te rejoins.
Heinpair remet ses écouteurs et se dirige vers l'entrée.

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Un chat redescend très vite d'un arbre qu'il venait d'escalader et passe rapidement devant Heinpair qui se retrouve en déséquilibre. Ce dernier essaie de se rattraper au banc et finit par écraser les pieds de la Princesse qui lui dit "Attention à mes pieds !".
Heinpair se redresse et crie : Non mais ça va pas de faire tomber les gens. Mon écouteur droit s'est décroché. N'avez-vous pas vu la caméra là-haut. Elle ne vous autorise pas à rester sur ce banc plus de 6 minutes. Rentrez chez vous !
Stupéfaite la Princesse le suit des yeux sans rien répondre puis murmure : Quel goujat !
Mme Latuvue : Brr ! Cette femme ressemble à la sœur d'Adama Traoré, le délinquant tué par des gendarmes.
La fée sourit : Si ça se trouve c'est elle.
Mme Latuvue grogne : Évidemment, elle n'a pas épinglé ses nom et prénoms. Heureusement sur internet nous allons finir par obliger tout le monde à afficher son identité.
La fée soupire : Vous pourrissez nos vies.
Mme Latuvue : Vous les Fées, vous êtes bizarre. vous devriez être contentes que grâce à ma société monsieur le maire et la police-gendarmerie surveillent le comportement de cette femme.
La Fée effarée : Et le mien en même temps ? Je ne peux me satisfaire que ma famille, mes amies ne puissent plus circuler sans être surveillées par l’État. Allez changeons de sujet. Le sous-traitant vous coûtera moins cher qu'un salarié je suppose.
Mme Latuvue : Oui bien sûr. Ce sera sûrement un sans-papier qui cotisera mais n'aura droit à rien et qui finira dans un Centre de rétention administrative où il perdra une partie de sa santé mentale.
La fée boulangère au bord des larmes cherche à changer de sujet : Le salaire ne suffit pas pour être épanoui au travail. Il faut avoir le temps de bien travailler. Regardez l'hôpital. Un problème grave est le manque de personnel. Et quand le personnel souffre, la qualité des soins en pâtit.
mme Latuvue : Ne dîtes pas n'importe quoi. Mes amis à CroissancePlusse me répétaient encore hier que le problème à l'hôpital c'est qu'il y a trop de personnes ne voyant pas de patients et qu'il suffit de réorganiser pour que le budget de l'hôpital soit divisé par je ne sais plus combien et que le service soit efficace. Eux ils savent faire. Ils sont chefs d'entreprises dans le privé et lobbyistes des gouvernements successifs. En trente ans ils ont obtenu des baisses de charges pour tous les patrons, des aides pour les multinationales, des baisses d'impôt pour les multimillionnaires, la stigmatisation des moins aisés, des chômeurs, des étrangers et des malades
La fée boulangère la coupe : J'ai soudain envie de beaucoup pleurer.
mme Latuvue poursuit : ils ont obtenu de ne pas être tenu responsable des conséquences de ces choix politiques sur la criminalité et la qualité de vie. Ils ont obtenu la continuité du pétrole, du gaz et du nucléaire. Et depuis qu'ils ont flairé le filon des profits générés par les énergies renouvelables, ils réclament une réglementation sur-mesure pour optimiser les bénéfices futurs de leurs entreprises.
La fée boulangère : Justement ils n'ont pas du tout le bon profil pour conseiller un gouvernement. Ils militent pour baisser les recettes de l’État qui financent les services publics. Ce sont des personnes égoïstes d'une cruauté sans nom. Une entreprise publique ne peut être dirigée selon les préceptes du privé. Déjà la comptabilité est différente et la dette de l’État se roule. Ensuite l’État ne peut, par exemple, mentir aux clients sur la qualité ou proposer un service toxique pour la santé physique ou mentale. Imaginez l'hôpital dirigé par des cadres de l'industrie du tabac. Vous entrez pour être opéré du cœur, vous sortez sans constater de différence et là la direction vous affirme la main sur le coeur qu'elle possède des études qui prouvent que la chirurgie que vous avez subi est bien efficace et que c'est dans votre tête si vous pensez ne pas voir de différence ou avoir l'impression que la prise en charge de la douleur a été insuffisante ou que c'est pire.
Mme Latuvue soudainement angoissée : Sont-ce des Gilets jaunes qui arrivent, là ? Vite il faut que je rejoigne mes hommes de la sécurité pour qu'ils les chassent. En attendant j'irai me cacher dans les toilettes.
La fée boulangère éclate d'un rire qui montrerait la pureté d'une boule en cristal : Quelle peureuse vous faîtes ! Vous passez votre temps à laisser croire que vous connaissez la vraie vie et quand elle apparait vous voulez la rendre invisible. Apprenez à les connaître.
Mme Latuvue pétrifiée de peur : Je les vois à la TV. C'est amplement suffisant. Ils se plaignent tout le temps. Est-ce que je me plains moi ? Ils veulent ruiner les riches à cause de mauvais choix d'investissement depuis des décennies et à cause d'un mode de vie cruel mais moi mon argent je le gagne en travaillant. Je le mérite.
La fée boulangère : Madame Duchamp aussi travaille. Elle exerce le métier de caissière dans un supermarché à prix bas. Elle range les produits en rayon aussi. Elle mériterait de gagner votre salaire et vous le sien. Le mérite devrait dépendre du degré de pénibilité du travail et pas de la quantité de privilèges possédés. Comme dit Muriel Salmona il faut remettre le monde à l'endroit.
Mme Latuvue : Qui ça ?
La fée boulangère se retourne et prend un livre dans un sac qu'elle exhibe : Une femme médecin en psychiatrie qui a réussi à imposer la prise en charge des psycho-traumas graves. Comme la député verte européenne, Michèle Rivasi, luttant contre la Corruption des entreprises des pays riches et contre le capitalisme d'influence entre autres des secteurs du nucléaire et des médicaments, elle reçoit moult insultes invisibilisant le fonds de son travail. Je m'inquiète que ce dénigrement continu puisse justifier d'aller jusqu'à cracher sur la tombe de personnes progressistes si ces dernières mouraient trop tôt. Malheureusement des citoyens et des citoyennes soutiennent cette vision violente de la société en y participant car cette Violence leur semble relever du divertissement.
Mme Latuvue tape énervée sur le panneau ventral : Ah la victimisation ! Ce fléau qui mènerait à une société plus équitable si nous ne luttions pas contre. Sans les psycho-traumas est-ce qu'autant d'hommes et de femmes accepteraient de voir les riches s'octroyaient de bons revenus tout en détruisant le vivant ? Il est de notre responsabilité de cadres dirigeants de laisser croire que les victimes ont mérité d'être des victimes. Et une bonne citoyenne doit oublier qu'elle a été une victime.
La fée boulangère peste : Ces idées une fois intériorisées créent une main d’œuvre malléable, taiseuse, qui accepte les pires violences en croyant qu'elle le mérite. Un cadre dirigeant devrait pouvoir être déclassé quand il répand cette propagande.
Mme Latuvue soupire trois fois, tire son bras droit coincé sous le poids de la publicité et embrasse sa bague surmonté d'une caméra : Que deviendrez nos Libertés si l'Ultra gauche arrivait au pouvoir ! Elle me volerait mon bijou pour financer le logement social ! Si vous ne vendiez pas du pain, je vous aurais fait chasser du parvis.
La fée boulangère impassible : Qu'entendez-vous par Ultra gauche ?
Mme Latuvue récite son bréviaire : Toute pensée voulant améliorer la qualité de vie du plus grand nombre en minimisant la destruction du vivant relève de l'outrance, d'un extrémisme qu'il fallait bien qualifier. Oh non ils approchent. Il y forcément eu un raté dans notre communication pour qu'ils existent.
La fée boulangère : De qui parlez-vous ?
Mme Latuvue : Les Gilets jaunes ! Personne n'avait prédit que des citoyens réclameraient la reconnaissance de leur statut de victimes des politiques et une répartition équitable des ressources. Personne ! Il est de notre devoir de cadre dirigeant de les faire taire en utilisant tous les moyens comme les logiciels de vidéosurveillance et de fichage. Et le droit devrait interdire de se plaindre. Est-ce que je me plains moi quand je suis contrariée ?
La fée boulangère dodeline de la tête : Vi vi vi. Vous n'arrêtez pas de vous clamer victime de la bureaucratie, pas de celle qui pourrit nos vies mais de celle qui réglemente votre activité pour à peine commencer à vous empêcher de continuer à détruire notre qualité de vie. Vous n'arrêtez pas de vous clamer victime d'un excès de taxes et d'impôts mais au lieu de travailler à remettre le système à plat pour payer des taxes et des impôts utiles au fonctionnement de la société, vous voulez abattre votre imposition et garder votre position de dominante.
Mme Latuvue tapote avec ses doigts le panneau ventral : La disparition des services publics engendre une souffrance qui enfle d'année en année ce qui nécessite la militarisation de la société. Or madame la fée, j'appartiens à ce secteur. Je défends mon bifteck.
La fée boulangère se bouche les oreilles puis les yeux : Seule la Cruauté tolère que les trop riches tuent des bœufs pour en mettre un morceau dans une assiette. Seule la Cruauté se réjouit de s'enrichir grâce à la souffrance.
Mme Latuvue : Plus le peuple souffre de lois indigestes, plus mon patrimoine augmente et plus mon patrimoine augmente, plus j'obtiens de pouvoir et plus je suis écoutée au gouvernement. Oh mon dieu les voilà. Je me cache derrière vous.
Les Duchamp : Bonjour tout le monde !
Des "bonjour" répondent.
M Duchamp : Bonjour madame la fée. Vous aviez raison. Votre pain au levain se conserve très bien et est très digeste. Il m'en faut trois s'il vous plaît. Deux en sachets papiers pour nos voisines et un pour nous sans sac papier mais directement dans notre sac en jute.
La fée boulangère glisse les pains dans les contenants et le paiement dans une boîte en ferraille.
Mme Duchamp : Que de monde !
La fée boulangère : Oui les salles du centre des congrès sont toutes occupées.
Mme Duchamp : Nous étions à la manif contre le projet de loi de réforme des retraites.
La fée boulangère : J'ai vu qu'il y avait du monde.
Mme Duchamp : Oui. Ce projet est totalement déconnecté d'un quelconque projet de société voué à améliorer le contrat social. Et nous ne pouvons plus manifester sans être filmé par l’État. Regardez cette photo de l'arrivée.

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La fée : Ah Oui. Dingue. Votre écran est petit mais je vois bien l'engin.
M Duchamp regarde sa montre : Oh je n'avais pas vu l'heure. Nous devons rentrer.
Mme Duchamp soupire : Si j'étais ministre de l'économie je pourrais aller écrire un livre pendant que des serviteurs s'occuperaient de la cuisine, des enfants et de Pronote ce nouveau cauchemar, du ménage, de l'entretien des véhicules, des rendez-vous médicaux, des sorties culturelles des enfants. Je pourrais jacasser pendant que des employés au ministère écriraient les textes à répéter dans les médias.
M Duchamp s'offusque : Ah non moi les enfants c'est sacré. Je ne ferai jamais passer un loisir avant eux. Tu le sais chérie. Je n'ai pas le niveau de cruauté de ces gens là.
Mme Duchamp l'embrasse sur la joue gauche : Oui je sais.
La fée boulangère : Et Adeline a-t-elle trouver un studio ?
M Duchamp : Toujours pas. Elle s'est résignée à vivre chez nous. Monsieur Berruyer de la chaîne Elucid dit au MédiaTv que la génération de baby boomers en décédant va laisser de nombreux logements vacants. Néanmoins les logements sont mal répartis. Vous vous souvenez à Bourges de ces barres d'immeuble neuves où personne ne voulait aller habiter ?
La fée s'esclaffe : Vi vi. Si nous avions été ministres, nous y aurions créé un microcosme à l'image de notre projet de société.
Les Duchamp en cœur : Une qualité de vie enchâssée pour ne plus avoir à souffrir de son absence.
La fée sourit.
M Duchamp : Nous allons finir par connaître votre bréviaire par cœur. Je suis d'accord qu'être obligé de travailler pour payer des aménagements insatisfaisants suite à l'absence d'une qualité de vie minimale est absurde...
Mme Duchamp : La bancalité résulte de mauvais choix toujours en faveur des trop riches.
La fée : Oui dans notre projet nous mettons fin aux routes réservées aux trop riches. Elles les incitent à croire que les impôts sont inutiles car il suffirait de payer individuellement le droit de circuler alors qu'en réalité il s'agit de faire sécession.
M Duchamp : Les mêmes qui osent nous parler de simplification de normes mais refusent de nous créer des logements avec des normes de confort minimales.
Mme Duchamp : Les mêmes qui osent nous parler de simplification tout en complexifiant la vie quotidienne. Non mais avez-vous vu ces routes payantes dont le prix devient inconnu mais se retrouve débité comme par un voleur sur notre compte bancaire. L'autoroute à flux libre est une dépense d'argent totalement inutile qui ne satisfait que les trop riches contents de vivre déconnectés du coût de la vie.
La fée s'enflamme : Mêmes routes pour tous et pour toutes égal même besoin collectif d'en être satisfait.
Les Duchamp applaudissent.
L fée : Fini l'absence de pistes piétonnes et cyclables sécurisées. L'impôt servirait à financer l'entretien de ces routes dont l'innovation attendue est sans fin pour créer un confort face au froid, à la pluie et à la chaleur. Fini le 130 km/heure rendant maboule. Fini les logements et les infrastructures non inclusives. Une redéfinition de ce qui doit être collectif comme les infrastructures de loisir
M Duchamp la coupe : Un banc public, une balançoire, une exposition de land art
La fée continue : et de ce qui doit relever du goût de l'individu comme financer individuellement sa pièce de théâtre ou le film au ciné s'impose.
Mme Duchamp : Je m'inquiète de l'influence des trop riches à travers la publicité sur nos enfants.
M Duchamp : Oui je me sens humilié quand je les vois se réjouir d'avoir réduit en esclavage mental nos enfants. Nos petits n'ont pas la maturité cérébrale pour comprendre qu'obéir c'est se ranger dans le camp de la Cruauté.
La fée : Protéger les enfants implique d'interdire la publicité. Aimer c'est protéger dans le respect des droits fondamentaux.
M Duchamp rigole : Oui des parents confondent protéger et posséder.
Mme Duchamp : Le cerveau des enfants est tellement naïf que les risques de violences leur restent incompris et improbables quand ils sont réels et à l'inverse le cerveau sous l'emprise de peurs imposées par des adultes transforme des risques en phobies ce qui les empêche de se développer normalement c'est à dire en apprenant l'autonomie et donc la défense.
La fée : Oui dans notre projet de société nous apprenons à tous les enfants à trier les peurs, à les comprendre, à les affronter et à demander de l'aide à un adulte de confiance quand il l'estime nécessaire, sans être jugé. Cela évitera à des adolescentes de s'enfermer chez elles parce que leurs parents leur ont transmis des peurs mais pas de solutions à part un encagement qui finit toujours en maladie mentale.
M Duchamp: L'expression tourner comme un lion en cage montre que nos ancêtres connaissaient les conséquences de laisser l'argent aux mains d'une minorité mais ils n'ont pas réussi à empêcher la Cruauté de triompher.
Mme Duchamp : Les enfants peuvent être ingrats à croire aux publicités associant le bonheur non pas aux relations mais à la possession matérielle d'un ordiphone et d'autres saloperies.
M Duchamp : J'ai observé que les nôtres cherchaient continuellement des raisons de vivre, ce qu'on appelle donner du sens, en écoutant la radio, les vidéos, en regardant les vitrines, en lisant et que nous avions oublié de leur expliquer que la Cruauté réside partout.
La fée : Vi vi vi. Dans notre projet de société, les enfants apprennent à repérer toutes les formes de cruauté puis à slalomer entre elles pour les éviter ou à s'y confronter quand elles leur sont imposées, comme les vêtements qu'ils portent s'ils sont neufs et ont fait souffrir des enfants et des adultes lors de la chaîne de valeur
M Duchamp : Allez zou nous avons pris du retard.
Les Duchamp saluent et quittent les lieux. Mme Latuvue se replace sur le chemin devant la fée.
Mme Latuvue exaspérée lance : Pa na na ni ni ! Un ordiphone n'est pas une saloperie mais une modernité. Même mes amis de CroissancePlusse utilisent ChatGPT sur leur smartphone. Ils sont modernes, eux, au moins.
La fée boulangère éclate d'un rire joyeux : Vous venez de me donner la preuve que leur capacité à s'instruire par eux-mêmes est faible alors qu'ils passent pas mal de temps à juger les profs de l'éducation nationale, des incompétents disent-ils, gna gna gna il faut donner de l'autonomie au chef d'établissement pour licencier les mauvais profs alors que nous vivons une pénurie de personnel; il faudrait développer le secteur privé alors qu'il faut des parents riches pour compléter l'enseignement du privé. Vous confirmez ce que je pense d'eux.
mme Latuvue étonnée : Et que pensez-vous d'eux ?
La fée boulangère : Ce sont des idéologues anti-fonctionnaires, qui préfèrent la charité à la solidarité, qui ont accepté de s'enrichir grâce au pétrole, au gaz, au nucléaire, au numérique inéquitable, qui ont menti, comme ceux du parti Nous Citoyens, aux artisans qui se sont retrouvé à défendre les baisses d'impôts et de charges de trop riches au lieu d'exiger de remettre à plat la fiscalité pour l'adapter aux nouvelles contraintes.
Un bruit d'avion l'interrompt.

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Elle reprend quand le son n'empêche plus de parler sans crier : S'enrichir aux dépens de la santé du vivant en général, aux dépens du financement des services publics, aux dépens de notre qualité de vie aurait du les placer au ban de la société. Au lieu de cela ils sont toujours plus riches et plus proches des décisions du pouvoir pour notre plus grand malheur.
La Princesse émet des signes avec ses mains : Excusez-moi de vous interrompre mais comment peut-on utiliser ChatGPT et être conseiller du pouvoir ? Autant prendre directement des adolescents.
mme Latuvue très agacée : Mais non c'est ça être moderne. Ne plus perdre son temps à s'instruire ou à payer des conseillers et obtenir une fiche de synthèse sur des sujets inconnus en demandant à une machine.
La fée boulangère : Le Grand vizir est un grand menteur. Il dit vouloir lutter contre la désinformation mais il trouve moderne une machine qui détient le droit de mentir. Elle dévalorise la qualité de travail des journalistes. Et des adultes pourraient finir par oublier que ces données sont le résultat du travail de congénères.
La Princesse : L'information a un coût. Se faire voler son travail risque de décourager et si plus personne ne veut produire de données informatives nous allons finir par souffrir d'une misère intellectuelle qui touchera presque tout le monde et pas seulement l'élite.
La fée : Comment en est-on arrivé à ce que l'élite souhaite utiliser les outils les moins efficaces pour imprégner les mémoires et les moins éthiques pour s'informer ?
La Princesse : Voler le travail de travailleurs et de travailleuses pour s'enrichir répond à une logique coloniale. Trouver normal de prendre la force de travail de plus faible que soi est une sale mentalité de dominant et de dominante.
mme Latuvue très très agacée : Mais enfin peu importe. Ce sont de vrais entrepreneurs alors ce sont des #sachant. Ils connaissent très bien la vraie vie.
La Princesse : Non. Justement ils ne peuvent être experts que de leur branche d'activité. En tant que cheffe d'entreprise, je connais bien le secteur de la vente de diamants mais pas celle des pains spéciaux. Et je sais m'instruire sans ChatGPT, donc de manière plus efficace.
La fée boulangère : Vous avez raison. S'ils ressentent le besoin d'utiliser ChatGPT c'est la preuve de leur absence d'efficacité pour s'instruire alors comment peuvent-ils donner des leçons, généralistes et jamais précises, aux fonctionnaires de l’État ou des collectivités locales ? Voulez-vous goûter un de mes pains ?
mme Latuvue zieute l'étal : Nous avons goûté votre pain canadien la semaine dernière mais il manque de sel.
La fée boulangère sourit : Il ne manque pas de sel c'est vous qui salez trop. Je respecte les préconisations du plan national nutrition santé. Une teneur maximale de 1,3 g de sel pour 100 g. Les recommandations de l'organisation mondiale de la santé sont identiques. Un adulte qui abaisse à moins de 5 grammes par jour sa consommation de sel diminue sa tension artérielle, le risque d'AVC, d'infarctus du myocarde et je ne sais plus quoi. Si vous voulez manger du pain salé faîtes le vous même ou achetez des bretzels ou videz votre salière sur ma baguette.
Le sous-traitant arrive, ôte le poids de la publicité des épaules de madame Latuvue pour le déplacer sur les siennes.
mme Latuvue péremptoire à la fée boulangère : Mettez sur mon compte vos neuf financiers là. Offrez-en à monsieur à chaque fois qu'il sera au bord du malaise. Il faut absolument qu'il reste quatre heures sans bouger. Hé monsieur ! Regardez la caméra là-haut ! Vous êtes sous surveillance.
Elle file dans le centre des congrès.
Un attroupement bruyant autour d'un panneau numérique attire la Princesse.
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Histoire précédente : https://blogs.mediapart.fr/isabelle-clere/blog/150823/qui-reveillera-lebo-de-soupole-3z
Histoire suivante : https://blogs.mediapart.fr/isabelle-clere/blog/120224/qui-reveillera-lebo-de-soupole-5z
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Sources
Les photos ont été prises à Caen en 2023, sauf le dessin de l'araignée à Merville, l'avion à Massy, la vague de bouteilles plastiques à Dinard, les déchets au bord de l'eau à Orléans.
livre 50 idées fausses sur les araignées. 2020.
https://www.quae.com/produit/1745/9782759235322/
article. Avec Imperva, Thales entre dans le Top 5 de la cybersécurité. Les Echos. Juillet 2023.
https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/violences-sexuelles-40-questions-reponses-incontournables-0
https://www.mediapart.fr/theme/libertes-publiques?
Exemples
« Cela rend paranoïaque, on se dit que l’on peut être reconnu partout »
Après avoir participé à des manifestations contre la guerre en Ukraine, Luba Krutenko a été identifiée par des caméras du métro moscovite et détenue plusieurs heures. Une des raisons qui l’a poussée à quitter le pays.
https://www.mediapart.fr/journal/international/260723/cela-rend-paranoiaque-se-dit-que-l-peut-etre-reconnu-partout
« Les Ouïghours sont victimes du premier génocide technologique de l’histoire »
Née à Urumqi au Xinjiang, Kalbinur Sidik a vécu le développement de la surveillance technologique de la population ouïghoure par le régime chinois. Jusque dans les camps de « redressement », où elle a été forcée à travailler pendant deux ans, sous le regard ininterrompu de huit caméras.
https://www.mediapart.fr/journal/international/280723/les-ouighours-sont-victimes-du-premier-genocide-technologique-de-l-histoire
https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net
Dans les négociations sur le plastique, les industriels ont dépêché 190 lobbyistes
Mediapart a décompté 190 représentants des industriels, accrédités pour suivre les discussions organisées à Paris pour établir un traité international sur la pollution plastique. Ils veillent notamment aux intérêts de TotalEnergies ou Coca-Cola, le plus gros pollueur plastique au monde.
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/020623/dans-les-negociations-sur-le-plastique-les-industriels-ont-depeche-190-lobbyistes
https://blogs.mediapart.fr/stop-plastique/blog/040823/le-recyclage-du-plastique-une-fausse-bonne-idee
L’Allemagne peine à enterrer ses déchets radioactifs
Où et comment stocker 27 000 mètres cubes de déchets nucléaires en toute sécurité et pendant un million d’années ? La recherche allemande d’un site « définitif » veut faire la part belle aux avis scientifiques et aux consultations publiques. Mais elle a déjà pris beaucoup de retard.
https://www.mediapart.fr/journal/international/080523/l-allemagne-peine-enterrer-ses-dechets-radioactifs
Des Allemands se mobilisent contre Stocamine, « scandale environnemental » à la française
À la frontière alsacienne, de l’autre côté du Rhin, des associations, élus et autorités locales demandent le retrait des déchets toxiques des galeries souterraines de Stocamine où ils sont entreposés, risquant de polluer la nappe phréatique. L’État français vient de décider exactement l’inverse.
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/220923/des-allemands-se-mobilisent-contre-stocamine-scandale-environnemental-la-francaise